Développant le thème soulevé dans le rapport de Sa Sainteté le patriarche Cyrille de Moscou et de toute la Russie devant l’assemblée du Concile épiscopal de l’Église orthodoxe russe, le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, président de la Commission synodale biblique et théologique, a présenté une communication sur les résultats de l’étude des documents du Concile de Crète (18-27 juin 2016).

Le Saint-Synode de l’Église orthodoxe russe, lors de sa réunion du 15 juillet 2016, avait chargé la Commission synodale biblique et théologique « de publier et d’étudier les copies officiellement certifiées des documents approuvés par le Concile de Crète, prenant en compte les réactions et les remarques des hiérarques, des établissements de théologie, des théologiens, des clercs, des moines et des laïcs qui pourraient advenir. Présenter des conclusions au Saint Synode après étude détaillée » (procès-verbal n°48).

Abordant dans son exposé le thème du statut du Concile de Crète, le métropolite Hilarion a rappelé que, depuis le début du processus préconciliaire, il avait été décidé d’adopter le principe du consensus de toutes les Églises orthodoxes locales reconnues de tous comme base de l’adoption de toutes les décisions lors des évènements préparatoires au Concile panorthodoxe. Cependant, en juin 2016, ce consensus sur la convocation du Saint et Grand Concile n’avait pas été atteint pour plusieurs raisons.

La délégation du Patriarcat d’Antioche, notamment, n’avait pas signé les décisions de la Synaxe des Primats des Églises orthodoxes à Constantinople en 2014, parmi lesquelles figurait la décision de convoquer le Concile en 2016. Elle n’avait pas non plus signé les décisions de plusieurs autres documents (dont le Règlement du Concile) de la Synaxe des Primats des Églises orthodoxes à Chambésy en 2016.

Le projet de document sur le mariage n’a pas été signé par la délégation de l’Église de Géorgie lors de la Synaxe des primats de 2016.

Les primats des Églises russe et géorgienne, dans leurs allocutions à la Synaxe des primats de 2016, et dans la correspondance qui a suivi, ont constaté que la condition de leur accord à la tenue du Concile en juin 2016 était qu’un consensus soit atteint sur toutes les questions litigieuses durant le temps restant avant la convocation du Concile. Ce consensus n’a pas été atteint.

Moins d’un mois avant la date présumée de l’ouverture du Concile, les Saints Synodes de cinq Églises autocéphales (bulgare, antiochienne, serbe, géorgienne et russe) ont demandé son report, afin de résoudre les désaccords empêchant leur participation au Concile (par la suite, l’Église orthodoxe serbe a pris la décision de participer au Concile). Ces appels ont été ignorés.

En conséquence de quoi, seulement dix des quatorze Églises autocéphales locales reconnues de tous comme telles ont pris part au Concile de Crète. Le plérôme de l’Église orthodoxe universel n’y était donc pas représenté, c’est pourquoi le Saint Synode de l’Église orthodoxe russe, lors de sa réunion du 15 juin 2016 a reconnu que « le Concile qui s’est déroulé en Crète ne peut être considéré comme panorthodoxe, ni les documents qui y seront adoptés comme exprimant un consensus panorthodoxe » (procès-verbal n°48).

Le Concile de Crète a adopté huit documents : « L’autonomie et le mode de sa proclamation », « La diaspora orthodoxe », « La mission de l’Église orthodoxe dans le monde contemporain », « L’importance du jeûne et son observance aujourd’hui », « Le sacrement du mariage et ses empêchements », « L’Église orthodoxe et le reste du monde chrétien », une Encyclique conciliaire et un Message conciliaire.

La majorité de ces documents, à l’exception des deux derniers, rédigés lors du Concile du Crète, avaient été élaborés dans le cadre du processus préparatoire, qui s’était poursuivi pendant plusieurs décennies avec la participation active de l’Église orthodoxe russe. Après la publication des projets de documents du Saint et Grand Concile, ils ont été discutés dans les Églises orthodoxes locales. L’Église orthodoxe russe a préparé et adressé à toutes les Églises locales des propositions d’amendements aux projets de documents « l’Église orthodoxe et le reste du monde chrétien » et « la mission de l’Église orthodoxe dans le monde contemporain ». Ces amendements correspondaient aux remarques critiques exprimées sur ces deux documents dans d’autres Église locales et par le Saint-Kinote du Mont Athos.

Comme l’a constaté le président de la Commission synodale biblique et théologique, les documents adoptés en Crète peuvent être divisés en trois catégories, en fonction de leur rapport avec les projets examinés auparavant par le Concile épiscopal de 2016. La première catégorie correspond aux documents adoptés par le Concile de Crète sans amendement important. Il s’agit notamment des documents « L’importance du jeûne et son observance aujourd’hui » et « L’autonomie et son mode de proclamation ».

Relèvent d’une seconde catégorie les documents adoptés par le Concile après d’importants amendements sur le fond. Ce sont les documents « La diaspora orthodoxe », « L’Église orthodoxe et le reste du monde chrétien », « Le sacrement du mariage et ses empêchements », « La mission de l’Église orthodoxe dans le monde contemporain ».

Un addenda a été porté au document « La diaspora orthodoxe », limitant la possibilité des Églises orthodoxes de donner « aux hiérarques des titres déjà existants » dans la diaspora. Cet addenda devrait être discuté au niveau panorthodoxe.

Le document « L’Église orthodoxe et le reste du monde chrétien » a suscité le plus grand nombre de critiques dans le monde orthodoxe après sa publication. Même pendant le Concile de Crète, ce document n’a pas fait l’unanimité parmi ses membres. 21 des 161 participants au Concile n’y ont pas apposé leur signature, notamment 17 des 25 hiérarques membres de la délégation de l’Église orthodoxe serbe. Les formulations suivantes ont été particulièrement critiquées : le document donne aux communautés hétérodoxes le titre « d’églises », parle de « recherche » ou de « restauration » de l’unité des chrétiens. Les amendements suggérés par l’Église russe et exprimant sa préoccupation n’ont pas été pleinement pris en compte par le Concile de Crète.

Le document « Le sacrement du mariage et ses empêchements » comporte un certain nombre de formulations discutables. Il s’agit notamment d’une phrase du projet publié auparavant : « L’Église ne considère pas possible que ses membres concluent une alliance homosexuelle », qui a été modifiée par le Concile de la façon suivante : « L’Église ne considère pas possible pour ses membres les unions civiles, aussi bien homosexuelles que celles contractées avec le sexe opposé ». Cette formulation est équivoque, tandis que la formulation précédente exprimait avec plus d’exactitude la doctrine de l’Église sur le mariage.

Le document « La mission de l’Église orthodoxe dans le monde contemporain », sous la forme adoptée par le Concile de Crète, contient des formulations laissant croire qu’après l’incarnation du Verbe de Dieu, l’ensemble du genre humain est déjà rassemblé en Christ, sauvé et divinisé, ce qui a été sérieusement critiqué dans les milieux orthodoxes. Ces expressions doivent absolument être éclaircies, a expliqué le métropolite Hilarion. Par ailleurs, le texte renvoie de façon déplacée à Eusèbe de Césarée, qui non seulement n’est pas un père de l’Église faisant autorité, mais avait été accusé, non sans fondement, de professer un semi-arianisme. »

De la troisième catégorie relèvent les documents qui ont été rédigés et adoptés au Concile. Il s’agit de l’Encyclique et du Message du Concile, qui expriment les décisions adoptées par les Églises autocéphales participant au Concile sur différentes questions d’actualité. Comme l’a exprimé le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président de la Commission biblique et théologique, dans son rapport devant le Concile épiscopal, les idées principales de ces documents ne contredisent pas, dans l’ensemble, la doctrine sociale de l’Église orthodoxe russe. « En même temps, ces documents contiennent plusieurs formulations pas tout à fait satisfaisantes et manquant de clarté, ainsi que des affirmations qui n’avaient pas été discutées au niveau panorthodoxe, a déclaré le rapportant. Ces formulations et ces affirmations doivent être rediscutées ultérieurement. »

« Pour que les projets de documents préparés durant le processus préconciliaire et examinés au Concile de Crète prennent la valeur de décisions panorthodoxes, ils doivent être retravaillés au niveau panorthodoxe, avant d’être adoptés au consensus de toutes les Églises orthodoxes locales », a souligné le métropolite.