En 2018-2019, les clercs du diocèse de Vinnitsa de l’Église orthodoxe ukrainienne ont été soumis à des pressions sans précédent de la part de leur ancien évêque et des fonctionnaires, qui cherchaient à transférer toutes les paroisses de l’Église canonique à la juridiction de « l’église orthodoxe d’Ukraine » schismatique. C’est ce qu’a affirmé le métropolite Barsanuphe de Vinnitsa et de Bar dans une interview avec un représentant du service de presse de l’Église orthodoxe serbe.

« Vinnitsa était, disons, l’épicentre. Certes, il se passait des choses semblables à Kiev, mais si l’on prend les régions d’Ukraine, Vinnitsa était la place d’armes depuis laquelle l’ex-président Porochenko voulait éprouver le schéma de transfert des églises à la nouvelle structure qu’ils appellent ecclésiastique. C’était une sorte de champ d’expérimentation. L’administration présidentielle avait tout un programme de transfert des communautés de l’Église orthodoxe ukrainienne et de pression sur les hiérarques et sur les prêtres pour qu’ils passent à la nouvelle structure. Ils s’inspiraient de schémas inspirés du monde des affaires, qu’ils avaient l’intention d’appliquer à l’espace ecclésiastique. Mais ils n’ont pas tenu compte du fait que les croyants ne voudraient pour rien au monde trahir ce qu’ils ont de plus précieux, leur fidélité au Christ » a dit le métropolite Barsanuphe.

Selon le hiérarque, les pressions sur le clergé ont commencé en décembre 2018, avant même le « concile de réunification » de Kiev.

« A Vinnitsa, l’ex-métropolite Siméon s’y était pris à l’avance, il faisait pression sur les prêtres pour qu’ils adoptent le nouveau calendrier. Il les forçait aussi à changer de statuts, pour qu’en cas de liquidation tous les biens passent au Patriarcat de Constantinople. Beaucoup de prêtres ne l’ont pas compris immédiatement, mais il est devenu rapidement clair que c’était une préparation. Il y a eu aussi des pressions de la part des autorités civiles sur des prêtres qu’on a convoqués, qu’on a voulu convaincre qu’il fallait rejoindre la nouvelle structure, moyennant une aide à la paroisse. En général, on cherchait à acheter les prêtres. Mais, heureusement, ils sont restés fidèles. Une vingtaine de prêtres a franchi le pas, parce qu’ils dépendaient directement de l’ancien évêque. Tous les autres, c’est-à-dire environ 260 prêtres, sont restés fidèles au Christ malgré les vexations des autorités locales » a dit le métropolite Barsanuphe.

Selon lui, les chefs de tous les districts de la région devaient rendre compte du nombre de prêtres passés à « l’EOd’U ». Plus tard, dans un entretien particulier, le président de l’administration régionale de Vinnitsa a reconnu que ce plan avait échoué.

« Nous avions prévu que 30% des prêtres rejoindraient l’EOd’U en décembre, puis 50%, et qu’à Pâques 70% des églises aurait changé de juridictions, et autant de prêtres. Ils ont compris que leur plan n’avait marché, malgré les lois anticonstitutionnelles. Une de ces lois exigeait le réenregistrement de toutes nos communautés ; nous sommes toujours en procès à ce sujet, l’affaire est arrivée devant le Tribunal constitutionnel. La seconde loi favorise les usurpations et prévoit que le réenregistrement de la paroisse est entériné par un vote des habitants du village ; autrement dit des non-croyants, voire des gens venus d’ailleurs exprès pour l’occasion, peuvent participer au vote décidant du sort de l’église. C’est ainsi que plus de deux cents églises nous ont été arrachées en Ukraine » a dit le métropolite Barsanuphe.

Le hiérarque a aussi parlé des pressions de l’état qu’il a personnellement endurées après sa nomination à la chaire de Vinnitsa.

« Au Synode du 17 décembre [2018], on m’a nommé administrateur du diocèse de Vinnitsa. Ensuite, on m’a téléphoné et dit « l’entrée à Vinnitsa vous est fermée ». On m’a raconté par la suite qu’il y avait eu une consultation entre les chefs de tous les services du maintien de l’ordre et que depuis Kiev on avait ordonné d’interdire l’arrivée du nouvel évêque Barsanuphe. Au niveau de l’état, on m’a interdit l’entrée à Vinnitsa. C’est une atteinte brutale à mes droits : de quel droit m’interdire d’aller vers mes fidèles ? Les gens m’attendaient, la situation était très difficile. Ainsi, on a voulu nous faire peur par la voie administrative, je dirais même qu’ils ont voulu nous détruire » a dit le métropolite Barsanuphe.

Selon l’archipasteur, le diocèse de Vinnitsa de l’Église orthodoxe ukrainienne doit continuer à faire valoir devant le trinunal ses droits sur les paroisses usurpées, ainsi que sur la cathédrale et le bâtiment de la direction diocésaine, illégalement transférés à « l’EOd’U » par le métropolite Siméon (Chostatski), qui a rejoint le schisme. Malheureusement, les tribunaux sont aujourd’hui dépendant de la conjoncture politique.

« Beaucoup disent : « La volonté politique n’est pas de vous soutenir ». Et si on ne nous soutient pas, les tribunaux rendent leurs arrêts contre nous. Malheureusement, cela fait deux ans que nous vivons dans cette ambiance de mensonge » a conclu le métropolite Barsanuphe.