Le 22 mars 2019, le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, a célébré la liturgie des Présanctifiés à l’église Notre-Dame-Joie-de-tous-les-affligés, rue Bolchaïa Ordynka.

Après la litanie instante, le métropolite Hilarion a prié pour la paix en Ukraine. A la fin de l’office, il a prononcé une homélie :

« Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit !

Aujourd’hui fête des saints martyrs de Sébaste, nous avons célébré la Liturgie des Présanctifiés. Cette liturgie n’est célébrée que pendant le Grand Carême, elle a une dimension toute pénitentielle et édifiante.

On y chante une hymne débutant ainsi : « Que ma prière s’élève devant toi comme un encens ». Ce chant est bâti sur les versets des psaumes. Le troisième verset de ce chant dit : « Place, Seigneur, une garde à ma bouche et une place fortifiée à mes lèvres ».

J’aimerais attirer aujourd’hui votre attention sur ces paroles. Pourquoi le psalmiste les prononça-t-il, pourquoi les redit-on à chaque Liturgie des Présanctifiés ? Pourquoi rappelent-ils comment se conduire et comment surveiller sa langue ?

Le Seigneur Jésus Christ disait : « Ce n’est pas ce qui entre dans la bouche qui souille l’homme, mais ce qui sort de la bouche, c’est ce qui souille l’homme » (Mt 15,11). Nous ne surveillons pas souvent nos paroles, nous péchons par verbiage, par bavardage, certains de nous emploient des expressions ordurières. Notre discours est émaillé de nombreuses saletés et d’ordures.

Le Seigneur, par le psalmiste David, rappelle, qu’en Carême il faut surveiller non seulement ce qui entre dans notre bouche, mais ce qui en sort. Nous savons très bien ce qui ne doit pas passer nos lèvres pendant le Grand Carême : il suffit de consulter le calendrier pour savoir quels aliments on peut employer et desquels s’abstenir. Mais personne n’a encore eu l’idée de créer un dictionnaire des mots à ne pas employer durant le Grand Carême. D’ailleurs, si ce dictionnaire existait, il vaudrait mieux ne pas le lire, car nombreux sont ceux, même parmi les fidèles, parmi les orthodoxes, voire même parmi ceux qui ont revêtu le sacerdoce, qui se permettent des mots qu’un chrétien ne devrait jamais ni prononcer, ni entendre.

Ce n’est pas pour rien que dans la prière de saint Ephrem, lue pendant le Grand Carême, nous demandons à Dieu de nous délivrer de l’esprit de vaines paroles. Et ce n’est pas pour rien non plus que le chant dont je parle se poursuit ainsi : « N’incline pas mon cœur vers des paroles perverses, pour chercher des excuses à mes péchés ». Les paroles perverses, ce sont les mots méchants, désagréables, injustes que nous prononçons à différences occasions, pour excuser nos propres péchés ou pour d’autres raisons.

Le Carême ne consiste pas seulement à s’abstenir de certains produits alimentaires, il consiste tout autant à éduquer sa langue à s’abstenir des paroles vaines, à ne pas prononcer de paroles perverses, dont on peut très bien se passer, ainsi que de dire des mots méchants, sales, injustes. Que notre langue serve notre esprit, et que notre esprit soit tourné vers Dieu.

On peut observer le lien existant entre les vaines paroles et les difficultés qu’on éprouve parfois dans la prière. Si nous avons beaucoup parlé, prononcé beaucoup de vaines paroles, il devient difficile de se concentrer sur les mots de la prière. Nous avons dépensé notre réserve intérieure en paroles perverses. Si nous vivons dans une constante présence silencieuse devant Dieu, chacune de nos paroles aura son pesant d’or, et nous ne nous perdrons pas en vaines paroles, mais notre discours sera empli de la grâce qui vient de Dieu et qui s’acquiert dans l’expérience de la prière. Voilà pourquoi ce cantique parle à la fois de la prière et de l’abstinence de bavardage.

Que ma prière s’élève comme l’encens devant Toi : notre prière doit s’élever vers Dieu comme l’encens. Pour cela, pour que le Seigneur, comme dit l’Ancien Testament, sente la bonne odeur de notre prière, notre langue doit s’abstenir de mauvaises paroles, de paroles sales, de paroles perverses.

Durant le Grand Carême, efforçons-nous de surveiller particulièrement notre langue, ce que nous disons. Demandons au Seigneur de nous délivrer de l’esprit de bavardage, afin que notre prière parvienne sans obstacle jusqu’à Dieu. Amen. »