Le 1er novembre 2013, le Patriarche Cyrille de Moscou et de toute la Russie a reçu à sa résidence le cardinal Paul Poupard, président émérite du Conseil pontifical pour la culture.

Le même jour, le cardinal Paul Poupard avait participé au symposium russo-italien pour l’éthique économique consacré au thème « La responsabilité sociale corporative dans la sphère de l’enseignement ». Accueillant chaleureusement son invité, le Primat de l’Église orthodoxe russe a constaté que des symposiums sur l’éthique des affaires se déroulaient à Moscou depuis 2010, la présente rencontre étant le 4e symposium. En 2012, un comité de coordination russo-italien « Entreprenariat éthique » a été fondé ; son président est le vice-président d’Alpha-Bank, G. Fomine.

Sa Sainteté a constaté l’importance des thèmes abordés au cours du forum, remarquant que l’Église orthodoxe russe accordait actuellement beaucoup d’attention aux problèmes de l’enseignement. Les changements économiques, sociaux et politiques rapides qui se produisent en Russie, en Europe et dans le monde obligent l’Église à réformer tout son système d’enseignement théologique. Le Patriarche Cyrille a montré que le problème et le défi principal était la pastorale, défi adressé aujourd’hui par la société à l’Église.

« Dans l’Église russe, nous n’aimons pas beaucoup le mot « réforme », parce que toutes les réformes qui ont été entreprises en Russie durant son histoire ont eu des conséquences très sérieuses pour notre peuple. Il en a été de même dans l’histoire de l’Église. Notre amère expérience nous a appris que la réforme ne devait pas être un rejet des traditions et du passé. Nous nous souvenons que l’appel marxiste à détruire l’ancien monde a eu des conséquences terribles pour notre pays et notre peuple. C’est pourquoi nous préférons parler de développement progressif du système en fonction des nouveaux défis et des nouveaux problèmes. C’est précisément ainsi que nous essayons aujourd’hui de développer le système d’enseignement religieux dans notre Église » a souligné Sa Sainteté.

Ce processus tient compte des exigences du système de Bologne, de même que des exigences de l’état qui est prêt à donner une licence et à accréditer les établissements religieux, si les normes d’enseignement de ces établissements correspondent à celles du système d’enseignement des sciences humaines en Russie. « Notre tâche consiste à conserver le meilleur de notre système d’enseignement théologique, et à l’inclure dans la nouvelle norme et le nouveau système d’exigences émises par la société et l’état » a résumé le Patriarche.

« Nous avons résolu un problème qui vous fera sans doute sourire. Dans la nouvelle Russie, nous l’avons pas pu pendant longtemps prouver que la théologie devait faire partie des disciplines scientifiques. L’état était prêt à reconnaître la théologie comme discipline dans le cadre du programme de baccalauréat, mais refusait de l’inclure aux programmes de maîtrise et de doctorat (…) Cette année, nous avons pu résoudre ce problème. Il nous reste maintenant à prouver que le niveau de nos établissements répond aux exigences de l’état ».

Le Patriarche Cyrille a parlé à ses hôtes du système d’enseignement dans l’Église orthodoxe russe : « Nous avons deux universités orthodoxes, deux académies avec des programmes de maîtrise et de doctorat, un institut des Hautes Études, environ 50 séminaires… » Le Patriarche Cyrille a constaté que le système se développait de façon satisfaisante.

Parmi les problèmes auxquels est confrontée l’Église russe dans la formation de ses cadres, le Patriarche a évoqué le manque de financement, dans la mesure où seule l’Église en portait le fardeau. « Ceci nous cause naturellement des difficultés supplémentaires. C’est pourquoi je me suis réjoui lorsque j’ai appris que vous discutiez de la possibilité de la participation des banques au soutien du système d’enseignement. Espérons que l’impulsion donnée par le présent symposium sera entendue et acceptée du monde bancaire russe ».

Sa Sainteté a également parlé du ministère social de l’Église orthodoxe russe. « Nous travaillons à la réhabilitations des toxicomanes et des alcooliques, nous aidons les sans-abris. Nous sommes actuellement très concernés par les questions de la maternité et de l’enfance. Nous avons lancé une grande campagne pour la réduction du nombre d’avortements dans notre pays. Nous aidons les femmes en situation difficile qui ont accepté de renoncer à l’avortement. Nous avons créé des centres dans lesquels les jeunes mères peuvent vivre relativement longtemps et y recevoir une aide matérielle. Nos collaborateurs tentent également d’améliorer les conditions de vie de ces femmes hors du centre, afin qu’elles puissent se socialiser. Nous travaillons dans les établissements où s’adressent les femmes pour y avorter et demandons à avoir la possibilité de nous entretenir avec elles. J’en remercie Dieu, grâce à ces actions, beaucoup ont gardé leur enfant. Nous travaillons également avec le parlement et défendons les positions qui permettent de défendre les femmes et les enfants. Ceci suppose un dialogue approfondi avec les partis politiques représentés à la Douma ».

Le Patriarche a ensuite parlé de l’aide accordée par l’Église aux sinistrés, lors de différentes catastrophes naturelles. « La plupart du temps, a témoigné le Patriarche, les moyens que nous collectons viennent de simples paroissiens. Nous ne nous adressons ni aux banques, ni aux corporations leur demandant de venir en aide aux gens ayant souffert, par exemple, des inondations. Nous collectons l’argent dans les églises. C’est spirituellement et psychologiquement important, parce que les gens donnent leurs biens personnels pour soutenir les sinistrés. Nous rassemblons ainsi des sommes importantes pour la Russie. Cela développe le sentiment de solidarité entre les gens. »

Sa Sainteté s’est dite convaincu que la collaboration de l’Église avec les instituts financiers permettrait d’humaniser le monde des affaires contemporain. « L’Église en a besoin, pour aider les gens, mais les hommes d’affaires en ont besoin aussi, parce que les gens dont l’activité professionnelles est centrée sur l’augmentation du capital doivent avoir un sentiment de responsabilité, a souligné le Patriarche. Les banquiers doivent garder à l’esprit qu’à qui est beaucoup donné, il sera beaucoup demandé. Non seulement par les gens, mais par Dieu, parce que tout ce que possèdent les gens appartient à Dieu (…) »

Le cardinal Paul Poupard, en son nom propre et au nom de ses compagnons, a remercié Sa Sainteté de son accueil chaleureux et de sa profonde réflexion sur les problèmes de la société actuelle. L’Église, en s’adressant au monde laïc, au monde de l’enseignement, aux entrepreneurs, etc, doit avant tout aider la société dans son développement, a-t-il dit. Le monde des affaires doit se souvenir qu’en dehors du bénéfice il existe des notions comme la responsabilité et la justice. Lorsque toutes les forces sociales, y compris la sphère économique, rempliront leurs fonctions au nom de la justice, alors seulement la société pourra se développer positivement.

Dans ce contexte, a constaté le cardinal, les efforts concrets de l’Église russe pour la préservation de la maternité et de l’enfance, ainsi que l’aide que les structures sociales de l’Église accordent aux jeunes mères dans le besoin ayant fait le choix de garder leur enfant, sont d’une importance particulière.

Suivant G. Fomine, président du comité « Entreprenariat éthique », la notion de « responsabilité » a été au centre des réflexions durant tout le symposium. Les organisateurs s’étaient donné pour objectif de faire passer aux étudiants l’idée de responsabilité morale dans la sphère de l’entreprenariat. Les invités ont noté l’intérêt accordé à cette problématique par les enseignants et les étudiants de l’Académie russe d’économie nationale et de la fonction publique.

Pour conclure la rencontre, les interlocuteurs se sont accordés pour dire que défendre les principes éthiques dans la sphère socio-économique était un thème porteur pour une collaboration fructueuse entre l’Église orthodoxe russe et l’Église catholique romaine.