Le Primat de l’Église orthodoxe de Grèce a donné un interview au journal « Tribuna ».

–          Malgré la profondeur et l’ancienneté du lien spirituel de nos peuples et de nos Églises, c’est votre première visite en Russie, et elle coïncide avec les grandes fêtes orthodoxes de l’Ascension du Seigneur et des saints Cyrille et Méthode. Quel est l’objet de votre visite, que souhaitez-vous acquérir en terre russe, et que désirez-vous partager ? Pouvez-vous nous faire part de vos impressions de voyage ?

–          La tradition orthodoxe prévoit des échanges de visites entre Primats, tant officielles que privées. C’est effectivement ma première visite à un niveau officiel. C’est ma première visite officielle en Russie, et je remercie Sa Sainteté le Patriarche Cyrille qui nous a invités et nous a reçus avec tant d’hospitalité. Ces rencontres sont à mon avis nécessaires aux Primats des Églises pour confirmer et renforcer les liens multiséculaires qui unissent nos Églises, pour mieux faire connaissance, échanger nos opinions sur différents sujets d’Église ou de société.

–          Quelle impression tirez-vous de votre rencontre avec le Président russe, Vladimir Poutine ?

–          Cette rencontre avec le Président Poutine était très importante pour nous. J’ai pu me convaincre de ce que cet homme est un leader très sérieux, inspirant confiance et sentiment de sécurité. J’ai eu la possibilité de m’entretenir suffisamment longtemps avec lui, d’aborder différentes questions. Nous avons parlé de l’Orthodoxie, des problèmes concernant la situation politique grecque en général. Nous avons particulièrement souligné la nécessité d’une collaboration. J’ai demandé à Vladimir Poutine de chercher dans la mesure ressources dont il dispose des moyens permettant de maintenir et de développer les liens entre la Grèce et la Russie. Notre pays en a bien besoin.

–          La Grèce traverse des temps difficiles, l’Église orthodoxe de Grèce partage ces difficultés avec le peuple héllénique. On sait que la crise économique a frappé les gens, qu’environ trois mille personnes n’ont pas supporté cette épreuve et se sont suicidées, commettant un grave péché. Comment se portent les fidèles de l’Église orthodoxe de Grèce ? Comment l’Église prend-elle sa part des malheurs du peuple ?

–          C’est vrai, la société grecque traverse une profonde crise économique. Une crise financière et économique qui, naturellement, n’arrive pas par hasard. Ses racines plongent dans une profonde crise spirituelle. Il nous paraît évident que lorsque les gens s’écartent de la voie que Dieu leur a tracée et vivent égoïstement, lorsque chacun de son côté cherche le moyen de se simplifier la vie, ignorant les autres, rien d’étonnant à ce qu’une crise éclate. Cela concerne non seulement la Grèce, mais tout autre lieu sur la terre où les crises sont possibles. C’est vrai que certains en sont venus au suicide, en particulier parmi les entrepreneurs qui ont compris qu’ils n’étaient pas en état de porter le fardeau de dettes impayées. Mais le nombre de suicides que vous indiquez est exagéré. Ce thème fait partie de ceux que beaucoup se plaisent à faire mousser.

–          Avec l’Église grecque, nous sommes inquiets du sort des prêtres grecs victimes de persécutions. A votre avis, ces prétentions ne sont-elles pas, tout simplement, une façon de faire pression sur l’Église ?

–          Vous exagérez un peu. Les vexations que vous mentionnez n’ont concerné qu’un seul clerc de l’Église orthodoxe grecque, l’archimandrite Ephrem, higoumène du monastère athonite de Vatopedi. Cela nous a d’ailleurs beaucoup touchés. Mais le pouvoir judiciaire est indépendant en Grèce et il n’est pas encore clair qui a tort dans cette situation. De notre côté, nous avons tout simplement décidé de soutenir notre confrère qui est par ailleurs une personnalité d’exception. Il s’est effectivement retrouvé dans une situation difficile.

–          On sait que l’Église orthodoxe russe a réuni et remis une aide matérielle à destination de l’Église orthodoxe grecque. Qu’en pensez-vous ?

–          Il ne s’agit pas d’un phénomène qui commencerait seulement à être appliqué dans l’Église. Le Nouveau Testament relate déjà des épisodes où l’on voit les chrétiens d’une ville réunir des fonds pour leurs frères dans le besoin d’une autre ville. Nous sommes cependant très touchés du geste chrétien initié par le Patriarche Cyrille et le clergé russe. Nous leur sommes sincèrement reconnaissants de leur don. Cet argent – dix-sept millions de roubles – sera transmis à l’Église orthodoxe grecque et nous aidera à renforcer l’aide que nous apportons aux gens en difficulté. Nous présenterons au Patriarcat de Moscou un rapport détaillé sur la dépense de ces fonds. Cependant, plus que le volume de cette offrande, c’est la sincérité de l’initiative qui nous touche, ce geste, ce désir d’épauler les Grecs en situation difficile. On se souvient qu’il y a quelques siècles les Grecs ont également aidé le peuple russe.

–          Quelles orientations de la collaboration de l’Église grecque avec la Russie sont prioritaires, et en quoi cette visite aura permis d’avancer ?

–          De tous temps, les gens ont ressenti la nécessité de communiquer entre eux. A notre époque, ce besoin se fait singulièrement sentir. Cela concerne en particulier la communication entre peuples orthodoxes. Nous avons discuté de nombreux thèmes avec le Patriarche Cyrille et sommes parvenus à la conclusion que cette communication doit être plus régulière, et nos efforts devenir communs. Cela permettra d’affermir l’Orthodoxie. Nous avons naturellement placé les échanges spirituels et les contacts personnels à la première place, sans exclure les aspects économiques. Le Patriarche et moi avons parlé de la recherche de moyens qui pourraient contribuer au développement de l’économie et de l’infrastructure des propriétés de l’Église orthodoxe grecque. Ce développement serait une aide pour l’Église grecque en tant qu’institut et s’ajouterait aux efforts communs en vue de venir à bout de la crise grecque en général.

–          Monseigneur, pourriez-vous expliquer de quel type de collaboration il s’agit concrètement ?

–          L’Église grecque éprouve actuellement des difficultés financières. Mais elle dispose également de ressources intéressantes dans la mesure où elle possède d’importantes ressources immobilières, tant des terrains que de l’immobilier en ville. Nous cherchons des gens qui sauraient mettre en valeur notre immobilier, s’occuper de la promotion immobilière, pour employer un terme civil. Nous avons besoin de gens qui présenteront certaines garanties, auxquels nous pourrions faire confiance. Nous n’avons pas de spécialistes dans ce domaine. Et ce serait une garantie pour nous si des personnes nous étaient présentées par le Patriarcat de Moscou. Il va de soi que ce genre de coopération ne rentre pas dans les compétences du Patriarche Cyrille. Mais son avis sur les gens et sur les possibilités qui existent ici sont très importants pour nous.

–          Pour autant que je comprenne, vous avez également discuté du développement des échanges, des pèlerinages qui sont devenus populaires chez les fidèles russes et grecs ces derniers temps ?

–          De fait, nous en avons parlé durant la visite de notre assez importante délégation. Mais je ne possède pas bien cette question, à franc parler : vous devriez vous adresser à ceux de nos spécialistes qui sont chargés de cette direction, ils vous en parleront.

–          Que souhaiteriez-vous aux lecteurs de Tribuna qui professent différentes confessions religieuses et aux athées ?

–          A tous les lecteurs de Tribuna et à chacun d’eux en particulier je souhaite santé et force, afin qu’ils puissent prendre librement des décisions et répondre des choix qu’ils auront posés.

Propos recueillis par Mikhaïl Morozov