Le 29 mai 2012, la délégation de l’Église orthodoxe grecque a visité l’Académie de théologie et le séminaire de Moscou. L’archevêque Hiéronyme d’Athènes et de toute la Grèce s’est adressé aux enseignants et aux étudiants. Il a ensuite répondu aux questions.

–          Béatitude, où en est la situation en Grèce quant aux passeports électroniques et quelle est la position de l’Église orthodoxe grecque sur cette question ?

–          Pour mieux éclairer ce problème, je rappelerai une autre question qui avait suscité de vives discussions : l’opposition au numéro 666. Ce numéro, le sceau de l’antéchrist, avait soulevé un immense mouvement de protestation au sein de la société grecque. Et lorsqu’on me demandait mon avis sur cette combinaison de chiffres, je répondais : si vous aviez un numéro de téléphone comportant trois six, l’utiliseriez-vous ? Si l’on vous envoyait en cadeau un chèque de 666 mille dollars, euros ou roubles, l’accepteriez-vous ou le refuseriez-vous ? Ayant reçu au baptême et dans les sacrements un don tel que la grâce du Saint Esprit, allons-nous nous effrayer d’un malheureux témoignage électronique ? Ce que je disais aux élèves des établissements religieux de Grèce, je vous le redis aujourd’hui : nous devons garder la Tradition, mais nous n’avons pas à nous battre contre les technologies de pointe.

Là où l’Église vous affectera pour remplir votre ministère de prêtre, que ce soit en ville ou à la campagne, vous serez amenés à utiliser le réseau Internet et tous les avantages que nous procurent la science. Et il faut rappeler à notre entourage que ces avantages peuvent être mis au service de l’Église, peuvent nous aider à remplir nos travaux quotidiens et à appliquer les commandements de Notre Seigneur Jésus Christ.

Si le Christ se trouve au-dedans de vous, à l’intérieur de votre conscience, vous n’avez rien à craindre, personne ne peut chasser le Christ du dedans de nous.

–          Béatitude, existe-t-il un nationalisme grec dans l’Église grecque ? Et si oui, est-ce un obstacle au témoignage chrétien dans le monde ?

–          En Grèce, la notion de « patriotisme », qui signifie l’amour et le respect de sa Patrie, de ses parents, des lieux où vous êtes né est très répandue. La langue possède aussi le mot « nationalisme », un terme apparu chez nous à l’époque de la Renaissance, alors que l’on accordait une importance accrue à la nation, à l’ethnos. Notre foi nous enseigne que nous devons aimer notre patrie et nous battre pour elle. Au contraire du patriotisme, le nationalisme n’a rien à voir avec l’esprit de l’Orthodoxie, car notre foi surpasse les nations et ceux qui tentent d’utiliser la foi orthodoxe à des fins nationalistes sont hors de la vérité. Le patriotisme et le nationalisme sont des notions différentes. L’une est louable tandis que nous condammons l’autre.

–          Dans la Russie contemporaine nous sommes parfois confrontés à un phénomène qualifié de « paganisme orthodoxe » : des gens baptisés viennent à l’église, ils mettent un cierge, mais ils ne participent pas aux Sacrements, ne connaissent pas les commandements divins. Ce phénomène existe-t-il en Grèce ?

–          Ce phénomène n’est pas seulement la conséquence de périodes historiques difficiles, d’époques où les gens ont été arrachés à l’Église. Ce phénomène existe partout dans le monde.

Il faut garder à l’esprit que nous ne pouvons pas sonder et vérifier jusqu’au bout les profondeurs du cœur de chacun : Dieu seul connaît les profondeurs du cœur humain. Il ne faut pas croire que si l’un de nous est un excellent prédicateur, excellent orateur qui célèbre tous les jours, il atteint forcément la sainteté et est proche du Christ. Vous êtes jeunes, vous êtes pleins d’entousiasme. Je prie pour que la routine quotidienne ne vous submerge pas lorsque vous deviendrez prêtres, pour que la foi ne se transforme pas en habitude. Nous avons lu l’histoire du peuple russe et de l’Église russe pendant les persécutions, nous savons que les grand-mères emmenaient leurs petits-enfants et les faisaient baptiser en secret, tentaient d’élever leurs enfants dans la foi à leurs risques et périls, au risque de perdre leur travail. Ce sont les plus grands prédicateurs russes.