Le 14 novembre 2011, à Beyrouth, le Primat de l’Église orthodoxe russe a été reçu par le président de la République libanaise, le général Michel Souleiman.

Participaient à la rencontre au Palais présidentiel les membres de la délégation de l’Église orthodoxe russe accompagnant le Patriarche Cyrille dans sa visite officielle au Patriarcat d’Antioche, soit le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, l’évêque Serge de Solnetchnogorsk, directeur du secrétariat administratif du Patriarcat de Moscou, l’archiprêtre Nicolas Balachov, vice-président du DREE. Étaient également présents l’archevêque Niphon de Philippopolis, représentant du Patriarcat d’Antioche à Moscou, l’archimandrite Alexandre (Elissov), représentant du Patriarcat de Moscou et de toute la Russie près le Patriarche d’Antioche et l’ambassadeur de la Fédération de Russie au Liban, A. Zassypkine.

S’entretenant avec le chef de l’état, le Patriarche Cyrille a déclaré qu’il éprouvait une joie sincère à visiter un Beyrouth restauré après les destructions dues à la guerre. Sa Sainteté a souligné que le Liban était un pays modèle, comptant de nombreuses communautés religieuses participant activement à la vie de la société.

Le modèle séculariste de construction sociale ne permet pas de résoudre de nombreux problèmes, et même si certains considèrent comme obsolète le système de relations entre religions et confessions au Liban, il a le mérite de faire la place à la motivation religieuse dans la vie politique et dans la sphère publique tout en s’efforçant de trouver une harmonie entre les différentes conceptions du monde, a rappelé le Patriarche. Selon lui, l’expérience libanaise de construction d’une société mixte composée des représentants de différentes communautés est intéressante et actuelle pour les autres pays du monde qui tentent d’élaborer un modèle de coexistence harmonieuse de différents groupes sociaux.

Sa Sainteté a parlé au Président libanais de la vie religieuse en Russie, des relations entre l’Église et l’état et l’Église et la société, des relations entre religions dans le pays. « Je suis heureux de vous rencontrer et de vous parler, entre autres, du dialogue interreligieux », a dit le Primat de l’Église orthodoxe russe.

Le Patriarche a également évoqué l’expérience russe d’enseignement des fondements de la religion dans une société multiculturelle et multiconfessionnelle.

Saluant le Patriarche Cyrille de Moscou et les membres de la délégation de l’Église orthodoxe russe, Michel Souleiman a souligné qu’il avait gardé un bon souvenr de sa rencontre avec le Patriarche Cyrille à Moscou, affirmant espérer que les bonnes relations entre la Russie et le Liban se poursuivraient à l’avenir.

« Je partage entièrement votre avis sur le rôle de la religion dans la société », a déclaré le Président libanais. Dans un contexte de globalisation, lorsque les liens entre les peuples se développent et que les cultures se mélangent, il convient d’autant plus de défendre le principe de participation de toutes les couches de la populations, y compris les minorités, à la vie du pays.

Insistant sur l’importance que revêtait pour lui la haute appréciation que le Patriarche Cyrille avait donné du système libanais de construction de la société, Michel Souleiman a poursuivi : « Nous en étions peut-être auparavant un peu gênés, mais aujourd’hui, face à l’extrémisme mondial, il devient évident que c’est précisément ce modèle qui assure aux peuples une vie heureuse ».

Revenant sur la situation au Proche Orient et en Afrique du Nord, Michel Souleiman a dit espérer que la violence cesserait dans les pays arabes et que des transformations démocratiques interviendraient, tenant compte de l’opinion de toutes les couches de la population.

De son côté, le Patriarche Cyrille de Moscou a exprimé son inquiétude face à certains aspects de la situation politique dans les pays arabes. L’escalade de la tension dans certains états de cette région provoque des bains de sang, les gens souffrent. Le Patriarche a rappelé qu’au XXe siècle, la révolution sanglante et la guerre civile en Russie avaient entraîné des conséquences terribles restées sensibles durant des décennies : le conflit sanglant avait divisé la société en « rouges » et en « blancs ».

« Nous sommes très inquiets de la situation des chrétiens en Égypte, en Irak, en Lybie. On constate également une montée radicale de la christianophobie dans d’autres pays », a remarqué le Primat de l’Église russe. Des changements sont certes nécessaires, mais toute la question est de savoir par quels moyens obtenir ces changements. Ils doivent intervenir de façon pacifique, sur la base du dialogue et sans intervention étrangère, dans le respect des droits des minorités.

Conversant avec le chef de la République libanaise, le Patriarche Cyrille a souligné : « Le destin de l’Église d’Antioche nous intéresse au plus haut point. Nous nous identifions à elle ».

Sa Sainteté a partagé ses impressions à la suite de son voyage en Syrie, affirmant son espoir que les transformations pourraient avoir lieu au moyen d’un dialogue pacifique et patient. « Je prie pour que les changements en Syrie, en Égypte et dans les autres pays du Proche Orient et d’Afrique du Nord se déroulent pacifiquement, a dit le Primat de l’Église russe. Dieu fasse que ces changements dans la vie des pays arabes ne provoquent pas d’évènements catastrophiques ».

Les hiérarques des communautés chrétiennes du Liban sont ensuite intervenus. Le Patriarche Ignace d’Antioche et de tout l’Orient, le Patriarche maronite d’Antioche et de tout l’Orient Bechara Boutros Rahi, le Patriarche gréco-catholique (melkite) Grégoire III, le Patriarche d’Antioche Ignace Joseph III de l’Église Syro-catholique, le métropolite Élie de Beyrouth (Église orthodoxe d’Antioche), le nonce apostolique au Liban Gabriele Caccia.

S’adressant à eux, le Patriarche Cyrille de Moscou a poursuivi la conversation sur l’importance du modèle libanais de relations des communautés et sur l’importance de cette expérience pour la discussion du rôle des communautés religieuses dans la vie de la société.

Au cours du déjeuner donné par le Président de la République libanaise en l’honneur du Primat de l’Église russe, la conversation s’est poursuivie sur le dialogue des confessions chrétiennes. La nécessité de conserver un haut niveau de communication entre l’Église orthodoxe russe et les leaders des communautés religieuses au Liban a été soulignée, en particulier concernant l’élaboration d’une position commune sur le problème de la christianophobie.

Les convives se sont également entretenus des évènements d’Égypte et de la situation des chrétiens persécutés dans différentes parties du monde. Le Patriarche Cyrille a souligné que l’on ne pouvait se taire devant les faits criants de persécution des chrétiens.

Le Primat de l’Église orthodoxe russe a parlé de l’expérience de relations entre religions en Russie, décrivant pour ses interlocuteurs le rôle du Conseil interreligieux de Russie.

A son tour, le Patriarche maronite Bechara Boutros Rahi a annoncé qu’un sommet des chefs religieux chrétiens et musulmans du Proche Orient était en préparation.