V. Principes et orientations de l’Église orthodoxe russe dans ses activités pour la défense des droits de l’homme
1. Depuis toujours et jusqu’à présent, l’Église orthodoxe intercède auprès des autorités pour ceux qui sont injustement condamnés, humiliés, dépossédés, ceux qui sont victimes d’exploitation. L’Église fait également preuve de sollicitude à l’égard de ceux qui ont été justement condamnés pour des crimes qu’ils ont commis. Lorsqu’éclatent des conflits entraînant la violation du droit des hommes à la vie, la santé, la liberté et la propriété privée, l’Église appelle systématiquement à mettre fin à la violence. Pendant la période des persécutions athées, les évêques, les membres du clergé et les laïcs orthodoxes s’adressaient aux pouvoirs et à la société en prenant la défense de la liberté de conscience et en protégeant le droit à la participation des communautés religieuses à la vie du peuple.
2. Nous devons aujourd’hui nous préoccuper non seulement en paroles mais en actes du respect des droits de l’homme et de sa dignité. Nous savons parfaitement que le monde moderne viole souvent les droits de l’homme, foule aux pieds sa dignité. Ces violations ne sont pas seulement le fait des pouvoirs publics mais aussi des structures transnationales, des acteurs de la vie économique, des groupements pseudo-religieux, des organisations criminelles et terroristes. La nécessité se fait de plus en plus sentir de protéger la dignité et les droits de l’homme de l’agression destructive de certains médias. Il convient de dégager plusieurs orientations essentielles dans ce qu’entreprend l’Église dans ce but:
– protéger le droit à la libre confession de sa foi, à la prière et au culte, au maintien des traditions spirituelles et culturelles, au respect des principesreligieux dans la vie privée comme dans l’action sociale ;
– s’opposer aux crimes engendrés par l’hostilité confessionnelle ou ethnique ;
– protéger la personne de l’arbitraire de ceux qui détiennent le pouvoir, de leurs employeurs ainsi que de la violence et des humiliations infligées au sein de la famille et de la communauté ;
– protéger la vie, le libre choix et la dignité des hommes lors des conflits internationaux, politiques, économiques et sociaux ;
– exercer la sollicitude pastorale à l’égard des personnels militaires, du maintien de leurs droits et de leur dignité au combat comme en temps de paix;
– contribuer au respect des droits et de la dignité de ceux qui sont placés dans des structures sociales et pénitentiaires, en accordant une attention particulière aux conditions de vie des handicapés, des orphelins, des personnes âgées et sans défense ;
– protéger le droit des nations et des groupes ethniques à la religion, à la langue, à la culture qui sont les leurs ;
– se soucier des droits et de la liberté de ceux quisouffrent de l’action de sectes destructives;
– soutenir la famille dans sa conception traditionnelle– maternité, paternité, enfance ;
– s’opposer activement à ce que des personnes soient entraînées dans la corruption et autres modes de criminalité ainsi que dans la prostitution, la toxicomanie, l’addiction aux jeux de hasard ;
– contribuer à une organisation sociale et économique équitable de la société ;
– empêcher que la personne soit soumise à un contrôle total, que ses choix spirituels soient restreints par des technologies modernes, des manipulations politiques ;
– contribuer au respect de tous à l’égard de la loi, diffuser l’expérience positive acquise dans la mise en œuvre et la défense des droits de l’homme ;
– étudier les actes législatifs, les propositions de loi, les décisions des organes du pouvoir en vue de prévenir des atteintes à la dignité et aux droits de l’homme, d’empêcher la dégradation de la morale sociale ;
– participer au contrôle social quant au respect des lois, en particulier de celles qui réglementent les relations entre l’Église et l’État; vérifier l’exécution des décisions de justice bien fondées.
3. Les activités de défense des droits de l’homme menées par les fidèles de l’Église orthodoxe russe peuvent être conduites par l’ensemble de l’Église, ceci avec la bénédiction de la hiérarchie. Des associations créées par les laïcs peuvent également être actives dans ce domaine. De nombreuses associations se sont déjа fait connaître par leurs activités ecclésiales visant à mieux défendre les droits de l’homme. L’Église tient à agir de concert avec les structures de l’État et avec la société civile. Lorsqu’il lui faut choisir des partenaires dans la
société civile, l’Église le fait en se remémorant les paroles dites par le Christ aux apôtres : « Qui n’est pas contre nous est pour nous » (Mc 9, 40).
4. Les chrétiens sont appelés, en se référant à la doctrine de l’Église sur la dignité, la liberté et les droits de l’homme, à œuvrer d’une manière éthique au sein de la société. Cette action peut prendre des formes diverses: témoigner aux yeux des autorités, procéder à des investigations intellectuelles, organiser des campagnes pour la défense de telle ou telle catégorie de la population, de ses droits. Les chrétiens orthodoxes n’aspirent pas à une refonte révolutionnaire du monde; ils reconnaissent les droits des autres groupes sociaux à participer à la réforme de la société, respectent leurs choix ; ils se réservent en même temps le droit de prendre part à une organisation de la société qui ne soit pas en contradiction avec leurs valeurs éthiques. Telles sont les valeurs que l’Église orthodoxe russe tient à défendre dans le dialogue qu’elle mène avec la communauté internationale et en coopération avec les croyants des autres confessions et religions traditionnelles.
Traduction française de Nikita Krivochéine
Source : Messager de l’Église orthodoxe russe n°10 (juillet-août 2008), p. 8-13.