Le 28 août, fête de la Dormition de la Mère de Dieu, le métropolite Hilarion de Volokolamsk a célébré la Divine liturgie à l’église Notre-Dame-Joie-de-tous-les-affligés, rue Bolchaïa Ordynka, à Moscou.

Des prières ont été dites pour la fin de l’épidémie de coronavirus. Avant la communion, un clerc de l’église a lu le Message du Saint-Synode de l’Église orthodoxe russe à l’épiscopat, au clergé, aux moines et aux laïcs sur le fléau actuel.

A la fin de l’office, le métropolite a prononcé l’homélie suivante :

« Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit !

Nous célébrons aujourd’hui la dernière fête de l’année liturgique, car, comme vous le savez, l’année liturgique, comme l’année scolaire, commence en septembre et se termine en août. La première grande fête de l’année est la Nativité de la Mère de Dieu, la dernière étant sa Dormition. Durant toute l’année liturgique, la vie de la Mère de Dieu se déroule sous les regards spirituels du chrétien, depuis sa naissance jusqu’à sa bienheureuse dormition.

Les fêtes du cycle marial n’existaient pas aux premiers siècles du christianisme : on ne célébrait ni sa Nativité, ni son Entrée au temple, ni sa Dormition. Les chrétiens de l’Antiquité faisaient mémoire des martyrs, et la vie de l’Église était centrée sur leurs tombes. Chaque ville avait ses martyrs, ses reliques, ses fêtes. Mais il n’existait pas encore de fête en l’honneur de la Mère de Dieu, bien que les chrétiens l’aient toujours vénérée.

Même au IVe siècle, alors que les saints pères avaient écrit beaucoup de choses nouvelles sur l’Église, alors qu’on avait construit quantité d’églises, on ne savait pas encore comment la Mère de Dieu avait terminé ses jours. Saint Épiphane de Chypre écrivait dans son traité Contre les hérésies, qu’on ignorait comment la Mère de Dieu avait quitté ce monde : peut-être était-elle morte martyre, puisque saint Syméon avait prédit qu’un glaive lui transpercerait le cœur. Peut-être était-elle montée aux cieux…

Peu à peu, le mystère de la vie et de la mort de la Mère de Dieu a été révélé à l’Église. Quand, au Ve siècle, le patriarche Nestorius décida de renommer la Mère de Dieu en Mère du Christ, estimant qu’elle n’avait pas mis Dieu au monde, mais l’homme Jésus Christ, puisque Dieu existait depuis toujours, l’Église répondit à cet hérétique par la bouche de saint Cyrille d’Alexandrie et d’autres théologiens, proclamant solennellement que la Sainte Vierge avait mis au monde Jésus Christ, Dieu incarné, justifiant ainsi son titre de Mère de Dieu.

Ensuite, dans le monde entier, en Occident, comme en Orient, on se mit à bâtir des églises en l’honneur de la Mère de Dieu, à peindre ses représentations sur les murs des églises, à instituer des fêtes en son honneur. C’est alors que l’Église apprit comment elle avait vécu et comment elle était morte et qu’on institua la fête de la Dormition. On parle de dormition, car on ne fête pas sa mort, mais son passage de la vie terrestre à une vie meilleure, d’une vie temporaire à la vie éternelle.

La tradition de l’Église, établie à compter de cette époque, rapporte que les disciples du Christ, apprenant que l’heure était venue pour la Mère de Dieu de rendre son âme à Dieu, revinrent à Jérusalem depuis les pays où ils prêchaient, afin de l’entourer. On sait aussi qu’au moment où la Mère de Dieu mourut, les hommes chantèrent sur le terre, et les anges dans les cieux. Son âme divine fut élevée à Dieu au ciel tout de suite après sa mort. Trois jours après, les disciples se rendirent à son tombeau et l’ouvrirent, mais n’y trouvèrent pas son corps, élevé aux cieux. De la même façon qu’après la résurrection du Christ les femmes myrophores, venues les premières au sépulcre, suivies des apôtres, avaient trouvé vide le tombeau où le corps du Sauveur avait été déposé la veille.

Le mystère de la Mère de Dieu s’est révélé miraculeusement. Par les fêtes instituées en l’honneur de la Mère de Dieu, célébrées durant toute l’année liturgique, nous touchons à ce mystère et ressentons la présence de la Mère de Dieu dans nos vies.

Le mystère de la Mère de Dieu ne fut pas révélé tout de suite aux chrétiens. Sur les rares images antiques de la Mère de Dieu, datant des Ve, VIe, VIIIe ou IXe siècles, elle est représentée comme une belle femme, portant parfois des boucles d’oreille ; ses lèvres sont charnues, le regard de ses grands yeux est clair. C’est ainsi qu’elle est représentée sur la célèbre mosaïque de Sainte-Sophie, à Constantinople, datant du IXe siècle, qu’on vient de recouvrir de voiles sur ordre des autorités turques. Dieu veuille qu’on ne la casse pas à coups de marteau, comme cela s’est fait au cours des siècles pour d’autres mosaïques. J’ai eu l’occasion de voir plus d’une fois cette représentation de la Mère de Dieu sous les traits d’une belle femme.

Ensuite, une autre dimension de la vie de la Mère de Dieu a été révélée à l’Église. Par la voix des hymnographes et des poètes liturgiques, l’Église a parlé de ce que la Mère de Dieu avait ressenti lorsqu’elle se tenait près de la croix de son Fils. A partir du Xe siècle et depuis, les icônes de la Mère de Dieu représentent la marque de la souffrance sur son visage, dont les yeux sont toujours tristes. Regardez la célèbre icône de la Vierge de Vladimir (XII siècle) ou  d’autres icônes byzantines et russes anciennes. Le visage de la Mère de Dieu est lumineux, mais toujours triste. C’est une toute autre beauté, non plus la beauté humaine des artistes et des mosaïstes du premier millénaire, mais la pureté incorruptible d’un esprit doux et paisible (I P 3,4), dévoilée à l’Église par l’image de la Reine des cieux.

Même lorsque les anciennes images saintes représentent la Mère de Dieu avec l’Enfant dans les bras, même si l’Enfant joue dans ses bras, le visage de la Mère de Dieu reste triste, ses yeux sont empreints de tristesse, elle pressent le destin qui attend son Fils. En même temps, elle prie pour nous tous. Elle s’afflige lorsque nous avons de la peine, elle compatit quand nous sommes malades ou frappés par un malheur.

Le mystère de la Mère de Dieu s’est révélé au cours des siècles à l’Église, avec le mystère de son intercession pour les hommes, pour le monde chrétien, pour chaque chrétien. Si l’on fête solennellement les évènements de la vie de la Mère de Dieu, sa Nativité, son Entrée au temple, Sa dormition, c’est parce qu’on a le sentiment de sa présence invisible dans nos vies, de sa proximité. Elle répond à nos prières, elle nous aide.

Notre église a la grâce d’être la gardienne d’une des icônes miraculeuses de la Mère de Dieu, la Vierge Joie-de-tous-les-affligés, par laquelle elle accorde ses grâces depuis plusieurs siècles. Par cette image, la Sainte Mère de Dieu accorde son aide à tous ceux qui recourent à elle.

En la fête de la Dormition de la Mère de Dieu, demandons à la Reine des Cieux de nous aider à avancer dignement dans notre vocation. Que notre fin soit une dormition et un passage à la vie éternelle, sans douleur, sans donte et paisible, que le Seigneur Jésus Christ Lui-même reçoive notre âme, comme on voit sur les icônes de la Dormition, où le Sauveur reçoit l’âme de Sa Très-pure Mère, représentée sous la forme d’un enfant emmailloté.

Demandons à la Mère de Dieu de nous garder de tout mal, de ne jamais nous abandonner, ni notre ville, notre pays et le monde entier. Amen.

Bonne fête à tous. »