Le 10 août 2020, 10e dimanche après la Pentecôte, le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriacat de Moscou, a célébré la Divine liturgie à l’église Notre-Dame-Joie-de-tous-les-affligés, rue Bolchaïa Ordynka, à Moscou.

Des prières ont été dites pour la fin de l’épidémie de coronavirus.

A la fin de la célébration, le métropolite a prononcé une homélie.

« Bon dimanche à tous, chers pères, frères et sœurs. Ce dimanche coïncide avec la mémoire de saint Antoine de Rome, thaumaturge de Novgorod.

Le Seigneur m’a trouvé digne, la semaine dernière, de me rendre sur les lieux où vécut ce saint, dans la région de Novgorod. J’ai pu aussi me rendre au monastère de saint Barlaam, patron de notre église.

Vous savez tous que la première église bâtie à l’emplacement où nous nous trouvons était dédiée à saint Barlaam de Khoutyne. Elle se trouvait là où est maintenant le bas-côté de droite, dont l’autel est aussi consacré à saint Barlaam.

Avec le temps, l’église a subi des remaniements, des reconstructions, des élargissements. On a construit l’autel principal, dédié à la Transfiguration, et le bas-côté consacré à l’icône de la Vierge « Joie de tous les affligés ». Saint Barlaam continue à être vénéré dans notre église, notamment grâce à son icône. L’un des recteurs de notre paroisse, le père Constantin Lioubomoudrovvouait une ardente dévotion à saint Barlaam de Koutyne, et son martyre, au polygone de Boutovo, eut lieu justement le jour où l’église fait mémoire de cet ascète.

Le parcours de saint Barlaam, tel que le rapporte sa Vie, fut marqué par de nombreux miracles faisant suite à ses victoires sur différentes forces démoniaques. L’évangile d’aujourd’hui rapporte comment le Christ chassa un démon de l’adolescent, troublé par le démon à la nouvelle lune. Le Seigneur guérit l’adolescent, alors que Ses disciples n’y étaient pas parvenus. Les apôtres demandèrent à leur Maître pourquoi ils n’avaient pas réussi, alors qu’Il leur avait donné le pouvoir, entre autres, de chasser les démons et de guérir les maux. Le Seigneur répond nettement : « C’est à cause de votre incrédulité… Je vous le dis en vérité, si vous aviez de la foi comme un grain de sénevé, vous diriez à cette montagne: Transporte-toi d’ici là, et elle se transporterait; rien ne vous serait impossible. Mais cette sorte de démon ne sort que par la prière et par le jeûne » (Mt 17,20-21).

Le Christ rappelle les trois fondements de la vie chrétienne : la foi, la prière et le jeûne. Ces trois colonnes sont présentes dans la vie de saint Barlaam de Khoutyn. Sa foi était forte, inébranlable. Il jeûnait, il priait. Le Seigneur donna à saint Barlaam le pouvoir de faire des miracles. Sa renommée se répandit dans toute la Russie et est toujours vivante aujourd’hui.

Le Seigneur nous a commandé d’avoir une foi forte et ferme, de jeûner et de prier.

La foi ne s’éduque pas simplement, elle ne s’impose pas par autosuggestion ou à force d’entraînement. C’est un don de Dieu, sans lequel on ne saurait parvenir à la connaissance de Dieu, ni croire en Dieu. Mais bien que le Seigneur soit prêt à faire ce don à tous, tous ne sont pas prêts à le recevoir. C’est pourquoi même si des miracles se produisent sous les yeux de nombreuses personnes, les croyants voient en eux un signe de la présence de Dieu, comme une visite du Seigneur, tandis que les incroyants n’y voient que des incidents ordinaires. Ils ne peuvent pas, ou plutôt, ils ne veulent pas voir la présence de Dieu dans ce qui arrive. Ils ne souhaitent pas mettre leur vie, leur espérance en Dieu, préférant vivre selon leurs propres normes, espérer en leurs propres forces. L’Évangile ne les intéresse pas, ils n’ont pas envie de découvrir la Bible, ni d’étudier les pères, ni de vivre chrétiennement.

Mais en dehors du fait que Dieu est prêt à faire à chacun le don étonnant de la foi – et il l’offre à beaucoup – pour que ce don porte de bons fruits, il y a certaines règles à respecter, c’est pourquoi le Seigneur rappelle aux disciples qu’il faut prier et jeûner. Peut-être n’ont-ils pas assez prié, étant aux côtés du Sauveur. Peut-être, se souvenant de ce que leur avait dit le Seigneur sur les amis de l’époux, qui ne peuvent s’affliger tant que l’époux est avez eux (Mt 9,15), les disciples accordaient-ils peu d’importance à l’auto-discipline et aux exercices d’ascèse corporelle, menant une vie plus dissipée. Toujours est-il que lorsqu’ils se trouvèrent face à une force démoniaque et lui jettèrent un défi, ils ne purent en venir à bout. Les ressources intérieures pour y parvenir leur faisaient défaut : il manquaient de foi, ils n’avaient pas l’habitude de la prière et n’observaient pas le jeûne.

Nous ne disons pas que le jeûne soit un but en soi dans la vie chrétienne, mais le Seigneur et la Sainte Église ont recommandé de jeûner à fin d’éducation spirituelle.

Saint Paul dit « Priez sans cesse » (I Th 5,17). Nul besoin de se demander comment prier sans cesse, alors qu’il y a tant d’autres choses à faire. On peut apprendre à vivre de façon à avoir le temps de tout faire, sans distraire sa prière. Vivre de façon à ce que la prière traverse notre existence.

La foi, la prière et le jeûne donnent la force de résister aux tentations démoniaques. Il y a quelques jours, je suis allé visiter les lieux où vécut le grand écrivain Fiodor Dostoïevski. Il a un roman appelé « Les Démons ». Si vous ne l’avez pas lu, il faut absolument le faire. Dostoïevski y décrit une génération de révolutionnaires, de gens qui rêvaient de faire la révolution, de renverser la monarchie et d’offrir aux hommes un avenir radieux, tel qu’ils se le représentaient. L’écrivain a montré l’essence démoniaque du mouvement révolutionnaire bien avant la révolution. Quelles sont les conséquences de cet évènement, nous le savons vous et moi, notamment par la vie des nouveaux-martyrs, dont celle de saint Constantin Lioubomoudrov. Nous savons ce que réalisèrent les démons dont parle Fiodor Dostoïevski, lorsque Dieu permit qu’ils prennent le pouvoir.

Quant à Dostoïevski, dans sa jeunesse, il avait fait partie d’un cercle qui élaborait différentes théories révolutionnaires. Ses partisans étaient contre l’autocratie, contre l’Église, contre la religion en général. Ils se réunissaient le vendredi, et chaque réunion se terminait pas un dîner. Un dîner volontairement gras : on servait du veau, du lièvre en sauce, etc. Le Vendredi Saint, ces messieurs s’empiffraient ostensiblement pour bien montrer à quel point ils méprisaient les recommandations de l’Église.

On sait comment cela se termina pour Dostoïevski et ses camarades. Il fut envoyé au bagne, où il passa quatre ans, suivis de cinq années d’exil. Fiodor Dostoïevski en revint changé, spirituellement renouvellé, et il passa le reste de sa vie à prêcher le Christ par son œuvre. Dostoïevski a écrit de grands romans, dans lesquels il parle des startsy, des moines. Il est sans doute le premier écrivain russe à avoir réellement chercher à entrer dans le monde de l’Église.

Pourquoi ce monde l’intéressa-t-il tant et exerça-t-il tant d’attrait sur lui ? Parce que dans sa jeunesse l’écrivain avait été confronté à l’élément révolutionnaire démoniaque. Il comprit à quoi ces démons à visage humain pouvaient conduire aussi bien des personnes en particulier qu’un pays entier. De toutes ses forces, il prêcha le Christ crucifié et ressuscité, le Christ non seulement maître de morale, mais Dieu-homme, qui s’incarna et donna l’exemple d’une vie humaine parfaite. Dostoïevski écrivait dans une lettre : « Si l’on me prouvait que le Christ était en dehors de la vérité, et s’il s’avérait que la vérité était hors du Christ, je préférerais rester avec le Christ plutôt qu’avec la vérité ». L’écrivain n’envisageait pas, bien entendu, la vérité en dehors du Chrsit, parce qu’il se souvenait de Ses paroles : « Je suis la voie, la vérité et la vie » (Jn 14,6).

Suivons la voie que le Seigneur nous a ouverte. Soyons fermes dans la foi. Affermissons notre foi par la prière et par le jeûne. Demandons au Seigneur de nous aider à surmonter les tentations, notamment celles qui viennent des démons, et de nous mener sur la voie du Royaume des Cieux. Amen. »