Le 22 mars 2020, 3e dimanche du Grand Carême, dimanche de la Croix, fête des 40 martyrs de Sébaste, le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, a célébré la Divine liturgie à l’église Notre-Dame-Joie-de-tous-les-affligés, rue Bolchaïa Ordynka.

Des prières d’intercession spéciales ont été introduites à la litanie instante en cette période de propagation de l’infection au coronavirus :

« Nous Te prions encore, Seigneur notre Dieu, de nous épargner dans Ta grâce le péril du fléau qui nous frappe, de délivrer tes fidèles de la mort spirituelle et corporelle, de donner aux malades la guérison et la santé, et à nous tous Ta divine protection et Ta médiation, nous t’en prions, Dieu de miséricorde, écoute-nous et aie pitié de nous.

Nous te prions encore d’apaiser le trouble des hommes et les craintes de toute sorte, défendant Tes fidèles par une ferme espérance, donnant la paix et la sérénité à nos cœurs, nous T’en prions, Seigneur, écoute-nous et aie piété de nous. »

Après la litanie instante, Mgr Hilarion a récité une prière pour la cessation de la propagation du fléau :

« Seigneur Notre Dieu, n’entre pas en jugement avec Tes serviteurs, et protège-nous du péril du fléau qui nous frappe. Épargne-nous, Tes serviteurs humbles et indignes, qui T’implorent, Toi, notre Dieu miséricordieux et maître de tout changement, dans la pénitence avec une foi ardente et la componction du cœur, espérant en Ta miséricorde.

Car il t’appartient de nous faire grâce et de nous sauver, notre Dieu, et nous rendons gloire, Père, Fils et Saint Esprit, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles. Amen. »

Ces prières d’intercessions seront lues dans toutes les églises de l’Église orthodoxe russe tant que durera le danger d’infection au coronavirus.

A la fin de la liturgie, le métropolite a prononcé une homélie.

« Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit !

Aujourd’hui, dimanche de la Croix, nous avons entendu le Seigneur Jésus Christ, dans l’Évangile de Marc, inviter à prendre sa croix et à la porter sans broncher. On réfléchit souvent au sens des paroles de notre Seigneur, qui se découvrent chaque fois différemment.

Le Seigneur donne à chacun une croix à porter, qui n’est pas forcément la même pendant toute la vie ; Elle change parfois. Le Seigneur impose parfois aux hommes une croix qu’ils doivent porter tous ensemble. Aujourd’hui, le Seigneur nous a imposé une croix inhabituelle : il faut passer par une période d’épreuves à cause de ce que la prière appelle un fléau, lequel porte, en langage médical, le nom de coronavirus.

Nous avons prié aujourd’hui pour que cette épreuve s’éloigne le plus vite possible, pour que les malades recouvrent la santé, pour que le danger soit écarté. Cependant, chacun peut et doit apporter sa contribution à la victoire sur ce péril. On parle beaucoup de confinement, de distanciation sociale. Les exemples que propose l’Église durant le Grand Carême sont plein d’enseignements à cet égard.

Dimanche prochain, nous commémorerons saint Jean Climaque. Relisons « L’Échelle » durant le Grand Carême, voyons ce que dit saint Jean Climaque sur ce qu’il appelle le retrait du monde et qui rappelle fort le confinement. Se retirer du monde, c’est justement s’éloigner de la vie ordinaire, des contacts et des affaires habituels. Le Grand Carême en donne la possibilité.

Le Cinquième dimanche de Carême, l’Église commémore sainte Marie l’Égyptienne, que le Seigneur visita après qu’elle eut mené une vie dissolue. Elle fit pénitence, se retira au désert où elle demeura sans voir personne pendant des années. Qu’est-ce, sinon du confinement, de la distanciation sociale ? Voilà un exemple à suivre, au moins temporairement.

Beaucoup se demandent à quoi servent les mesures de prudence prises par l’Église. Il n’y a finalement que quelques centaines de malades en Russie, à Moscou. La grippe fait beaucoup plus de malades tous les ans, à quoi bon s’inquiéter, s’interrogent-ils.

Voyons ce qui se passe dans les autres pays, où les mesures préventives n’ont pas été prises à l’avance. En Italie, plusieurs centaines de personnes meurent chaque jours du coronavirus. Ces derniers jours, plus de 900 personnes ont péri. Il s’agit déjà de plusieurs milliers de morts, de plusieurs centaines de milliers dans le monde entier. Il y a plus de 300 000 contaminés dans le monde aujourd’hui.

Soyons donc attentifs aux recommandations des médecins, des autorités fédérales et municipales, de la hiérarchie. Ce n’est pas pour rien que le patriarche a signé une Instruction, envoyée à toutes les paroisses de Moscou et déjà connue bien au-delà.

Personne ne doute de la sainteté des Saints Mystères du Christ. Certains trouvent les mesures prises pour la communion aux Saints Mystères inutiles, considérant que Dieu Lui-même y est présent. Nous ne doutons pas que Dieu soit présent dans les Saints Mystères, mais les Saints Mystères sont donnés dans des calices, par lesquels il n’est pas impossible que la contagion soit transmise. C’est pourquoi nous prenons des mesures de désinfection des vases sacrés, des mesures de précaution pour la communion aux Saints Mystères du Christ.

C’est temporaire. Il n’est pas nécessaire de s’y arrêter, ni d’y penser trop. Si le patriarche a pris cette décision, il s’agit d’y obéir. Quand certains, des recteurs de paroisses ou des moines, répandent des déclarations comme quoi tout va bien, pas besoin de prendre de précautions parce que nous sommes croyants et que nous espérons en Dieu, c’est pour le monde irresponsable, je dirais même, en langage ecclésiastique, que c’est criminel. D’abord parce qu’ils font preuve de négligence envers la volonté de la hiérarchie, ensuite parce qu’ils font preuve de négligence envers les gens.

Il ne faut pas seulement penser à soi, à savoir si l’on tombera ou non malade, si la maladie passera à côté ou non, mais il faut penser aux autres. Chacun, même s’il n’est pas malade peut, à Dieu ne plaise, être porteur de l’infection. Nous ne sommes pas coupables de la situation actuelle, mais il faut l’accepter avec humilité.

Si les autorités sanitaires, les autorités civiles invitent les citoyens au confinement, apprenons du Grand Carême à l’observer. Si vous pouvez travailler à distance, grâce aux technologies, saisissez l’occasion. Efforcez-vous de moins prendre le métro, si vous le prenez, évitez les heures de pointes, sortez quand les wagons ne sont pas trop pleins. N’ayez pas peur de porter un masque. Personne ne vous jugera.

Chacun a de nombreuses habitudes auquel il est forcé de renoncer temporairement. Ne vous serrez pas la main, ne vous embrassez pas, gardez vos distances lorsque vous parlez. N’ayez pas peur de vexer votre interlocuteur. Quand vous venez à l’église, observez les précautions recommandées par la Hiérarchie.

En Italie, en France, toutes les églises sont fermées : catholiques, orthodoxes et autres ; tous les offices sont retransmis en ligne. Pour l’instant, grâce à Dieu, nous n’en sommes pas là, semblables mesures ne nous ont pas été prescrites. Mais il dépend de nous de prendre des précautions. Venons à l’église, participons aux offices, communions. Soyons prudents, indulgents, prévenants les uns envers les autres.

J’appelle aussi à la prévenance pour les personnes âgées. Ce sont elles qui courent le plus grand risque : les jeunes gens contractent le virus, sont malades, guérissent et continuent à vivre, mais le virus est particulièrement dangereux pour les personnes âgées. Restez donc le plus possible chez vous, sortez le moins possible.

Je m’adresse aussi à nos paroissiens âgés : venez à l’église lorsque vous voulez communier aux Saints Mystères du Christ. Si vous voulez simplement prier avec la communauté ecclésiale, utiliser les moyens électroniques, regardez la retransmission de l’office. Tous les offices du matin et du soir, en semaine et les jours de fêtes, sont retransmis en direct sur Internet. Vous pouvez prier avec nous, sans sortir de chez vous. Je le répète, c’est une mesure temporaire.

Prions pour que cette période d’épreuves se termine au plus vite. Demandons au Seigneur, à Sa Très-Sainte Mère et à nos saints intercessseurs de nous garder de tout mal et de nous aider à vivre ces épreuves.

Que le Seigneur vous garde. »