Le 1er décembre 2019, 24e dimanche après la Pentecôte, le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, a célébré la Divine liturgie à l’église moscovite Notre-Dame-Joie-de-tous-les-affligés, rue Bolchaïa Ordynka.

Après la litanie instante, le métropolite Hilarion a récité la prière pour la paix en Ukraine.

A la fin de l’office, Mgr Hilarion a prononcé un discours :

« Au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit !

Aujourd’hui, chers pères, frères et sœurs, dans la lecture de l’Évangile selon saint Luc, nous avons entendu la parabole du Seigneur Jésus Christ sur le riche insensé.

Un homme riche fit une belle récolte. Il se demandait qu’en faire, où engranger tout ces grains. « Voici, dit-il, ce que je ferai: j’abattrai mes greniers, j’en bâtirai de plus grands, j’y amasserai toute ma récolte et tous mes biens; et je dirai à mon âme: Mon âme, tu as beaucoup de biens en réserve pour plusieurs années; repose-toi, mange, bois, et réjouis-toi. Mais Dieu lui dit: Insensé! cette nuit même ton âme te sera redemandée; et ce que tu as préparé, pour qui cela sera-t-il? » (Lc 12, 18-20).

D’aucuns croient que cette parabole ne les concerne pas, car ils n’ont pas autant de biens que ce riche. On dira : puisque je n’ai pas de riche récolte, puisque je n’ai pas de quoi bâtir de nouvelles granges à la place des anciennes, cette parabole ne me touche pas directement.

En fait, les paraboles de Jésus Christ se rapportent toutes à quiconque veut bien les lire attentivement. Il n’est pas seulement question d’un riche, mais du rapport aux biens matériels. Certains en ont plus, d’autres moins, mais chacun possède quelque bien matériel auquel il est attaché. C’est contre cet attachement que le Seigneur met en garde dans cette parabole et dans biens d’autres exhortations. Le Christ veut dire : n’espérez pas dans les richesses, car ce ne sont pas elles qui rendent heureux ; ne mettez pas votre espoir dans les biens matériels, car ils ne donnent ni la paix intérieure, ni la sensation de ne pas avoir vécu pour rien.

Beaucoup se demandent quel est le sens de la vie. Différentes réponses ont été données, mais la plupart des gens considèrent que qu’il s’agit d’expérimenter le plus de bonheur et de plaisirs possibles, d’avoir le moins possible de problèmes, de chagrins et de maladies. Pourtant, il n’en va pas ainsi dans la vie. La question qui est posée dans cette parabole et qui s’adresse à chacun de nous est : qu’est-ce qui compte le plus, les biens matériels ou la vie en Christ et le Royaume des cieux ?

Le Royaume des cieux est une réalité qui se découvre à qui vient à l’église, dans la sensation de la présence de Dieu dans la prière, dans la réception du Corps et du Sang du Christ, dans le sentiment ineffable de béatitude qui emplit l’âme et le cœur.

Aucun bien matériel ne peut donner cette sesnation de quiétude intérieure et d’union à Dieu. La richesse matérielle ne peut apporter que des joies momentanées, bientôt mêlées de chagrin et d’inquiétudes, car toute richesse matérielle doit être entretenue. Qui ne fait pas fructifier sa fortune, ne s’occupe pas de ses biens finit par les perdre. Plus la richesse est grande, plus elle exige de forces et d’efforts pour l’entretenir. On ne sait plus finalement, qui est au service de qui : le bien matériel au service de l’homme, ou l’homme au service de sa fortune ?

Je connais des gens très riches qui ne peuvent jamais dormir leur comptant. Ils dorment 4 ou 5 heures par nuit : leur journée de travail est totalement occupée à préserver et à faire fructifier leur fortune. Ils n’ont pas le temps d’avoir une vie privée, ils voient rarement leurs enfants et, à cause de leur emploi du temps trop chargé, leurs familles se brisent. Certains changent de famille comme de chemise : aujourd’hui une femme, demain une autre, après-demain une troisième. Pourquoi ? Parce que toutes leurs forces s’épuisent à l’entretien de leur richesse matérielle, dont ils ne profitent pas, car elle les étouffe.

Qu’est-ce qui compte le plus pour nous ? Cette question, le Seigneur l’adresse à chacun de nous, non seulement aux riches, mais à tous. Que mettons-nous à la première place ? Le Christ nous apprend à « Cherchez premièrement le royaume (…); et toutes ces choses vous seront données par-dessus» (Mt 6,33). Autrement dit, les biens matériels qui nous sont nécessaires viendront, car le Seigneur lui-même s’en occupe.

Dans le Sermon sur la montagne, le Seigneur a ces paroles étonnantes : « Ne vous inquiétez donc pas du lendemain; car le lendemain aura soin de lui-même. A chaque jour suffit sa peine » (Mt 6,33-34). Il ne s’agit pas de les prendre à la lettre, comme un appel à l’inaction, à la passivité, à laisser les choses aller elles-mêmes leur cours. Encore une fois, le Seigneur rappelle ce qui doit être à la première place et ce qui est secondaire.

On ne peut vivre sur terre sans aucun bien matériel. Non seulement parce qu’il nous faut boire, manger, dormir, se vêtir, éduquer et nourrir les enfants, mais aussi parce qu’on ne peut aider son prochain si l’on ne possède rien. Car le Seigneur nous appelle à partager avec nos proches ce que nous possédons. Si nous n’avions rien, nous n’aurions rien à partager. Tout ce que le Seigneur nous donne est bien un don de Sa part. Même si l’on a gagné du travail de ses mains, on ne doit pas se l’attribuer à soi, à son zèle ou à son talent. Si le Seigneur n’avait pas donné la possibilité de réaliser ces talents, le travail de nos mains ou notre labeur intellectuel n’aurait pas donné de fruits. Si le Seigneur ne nous avait pas donné la santé, les forces, l’éducation et les conditions de vie nécessaires, nous n’aurions pas acquis ce que nous avons maintenant. C’est pourquoi tout ce que nous acquérons et possédons est un don de Dieu, pour lequel nous avons à rendre grâce.

La parabole du riche insensé rappelle aussi que la richesse matérielle n’appartient pas seulement à son propriétaire, mais à ses proches. Remarquons qu’il n’y a personne autour du riche de la parabole. Il ne dit pas qu’il laissera ses richesses à ses enfants, où qu’il les partagera avec les nécessiteux, qu’il employera le surplus de blé à nourrir les affamés. Il ne parle que de lui, de manger, de boire et de s’amuser.

Rappelons-nous que nous vivons dans un monde où il y a beaucoup de nécessiteux qui n’ont pas même les moyens nécessaires à un morceau de pain. Si le Seigneur envoie à l’un de nous non seulement le nécessaire, mais aussi de quoi partager, qu’il partage toujours avec ses proches. Si nous n’avons pas de biens matériels, partageons les biens spirituels que le Seigneur donne en abondance. Demandons-lui de ne pas nous laisser devenir des riches insensés, dont l’unique désir est de manger, de boire et de s’amuser. Goûtons la nourriture spirituelle, le Corps et le Sang du Christ, buvons la boisson spirituelle, délectons-nous de la joie spirituelle qui découle de l’union à Dieu et est ici, sur terre, un avant-goût de la joie du Royaume céleste. Amen. »