Le II Sommet des leaders religieux du monde à Bakou a débuté le 14 novembre 2019, au Centre des congrès de Bakou. Ce forum, organisé à l’occasion du 70e anniversaire du président de la Direction des musulmans du Caucase, le cheick Allakhchoukiour Pachazadé et du 40e anniversaire de sa présidence, est organisé par la Direction des musulmans du Caucase (DMC) et les autorités de la République d’Azerbaïdjan.

Le président de l’Azerbaïdjan, Ilkham Aliyev, a souhaité la bienvenue aux participants. « Cette rencontre internationale est très importante, et nous sommes fiers que l’Azerbaïdjan accueille pour la seconde fois une manifestation aussi grandiose » a souligné le chef de l’état, remarquant que l’Azerbaïdjan était depuis longtemps attaché à la tradition des contacts interreligieux constructifs et du dialogue. « Pendant des siècles, des représentants de groupes ethniques différents, de différentes religions, ont vécu dans notre pays comme une même famille, entretenant des rapports d’amité et de compréhension mutuelle. La diversité nationale et religieuse est un grand trésor. Elle garantit le bon développement et la stabilité du pays. »

Ilkham Aliyev a donné une haute appréciation du travail du cheick Allakhchoukiour Pachazadé, soulignant qu’il s’était acquis une grande autorité, tant dans le pays, qu’au déjà de ses frontières. Le président de l’Azerbaïdjan a décoré le président de la Direction des musulmans du Caucase de la plus haute distinction du pays, l’ordre de Gueïdar Aliyev.

Ensuite, le cheick Allakhchoukiour Pachazadé a prononcé un discours.

Le patriarche Cyrille a présenté une communication, attirant l’attention des auditeurs sur les nouveaux défis qui se posent aux religions traditionnelles.

« Ces dernières années ont été assombries par de multiples conflits dans différentes régions du monde, et par une débauche jamais vue de terrorisme, a constaté Sa Sainteté. Les terroristes versent le sang de citoyens innocents. Le Sri-Lanka, la Nouvelle-Zélande, la Syrie, l’Irak, l’Afghanistan, l’Allemagne et la France, voilà la liste non exhaustive des pays où ont eu lieu ces deux dernières années des attentats qui ont bouleversé le monde. »

Il faut reconnaître qu’une guerre est engagée contre les religions traditionnelles, a constaté le patriarhce Cyrille : « Elle se poursuit dans les villes et les campagnes, dans l’espace informationnel et, ce qui est plus grave, dans les esprits et dans les âmes. Le plus dangereux est que ce sont des représentants des jeunes générations qui se battent en première position. Les idéologues des mouvements extrémistes utilisent le manque d’expérience des jeunes, leur désir de défendre leurs idées à tout prix ». La situation s’aggrave d’un manque d’information et de connaissances élémentaires, non seulement sur les autres religions, mais sur sa propre tradition religieuse, a souligné le patriarche Cyrille.

Le succès relatif de la propagande extrémiste s’explique en partie par le fait que les extrémistes exploitent le rejet de l’idéologie laïque moderne chez les croyants. « Lorsqu’on vous répète de tous côté que l’essentiel dans la vie, ce sont le succès, la richesse, le fait de profiter, le croyant ne peut pas ne pas protester contre ce martelage de fausses valeurs, a rappelé le patriache Cyrille. La crise du système de valeurs traditionnelles laisse le champ large à l’activité des recruteurs extrémistes. Ils imposent sans peine leur idéologie, cette semence tombe sur une terre labourée ». C’est pourquoi les leaders religieux ne doivent pas seulement rejeter et condamner l’extrémisme, mais éduquer aux valeurs fondamentales de la société, fondées sur l’Écriture Sainte : la famille, le mariage, le respect des anciens, le respect de la religion et du choix religieux, la charité envers ceux qui souffrent et envers les défavorisés. Ces idées, illustrées par des exemples convaincants, doivent être activement retransmises dans l’espace informationnel, a assuré le primat de l’Église orthodoxe russe.

Dans son allocution, Sa Sainteté s’est arrêtée plus particulièrement à la situation au Proche-Orient, dont la population a fortement souffert des conflits sanglants et destructeurs de ces dernières années, cause d’un véritable exil, ainsi qu’à la situation dans certains pays d’Afrique. Le patriarche a appelé à attirer l’attention sur les pressions dont sont victimes les chrétiens dans ces régions. « Des dommages irréparables ont été causés à la présence chrétienne au Proche-Orient, une terre sainte pour toutes les religions abrahamiques. Chrétiens, musulmans et juifs ont vécu ensemble pendant des siècles sur ces terres. Aujourd’hui, ils sont responsables à égalité de la paix, a souligné le patriarche. Parlant des persécutions contre les chrétiens, on ne saurait ignorer le problème de l’Afrique. Un certain nombre de pays au sud du Sahara souffrent de l’activité de groupes extrémistes que personne ne contrôle. Au Nigéria, par exemple, un véritable génocide des chrétiens est en cours. J’appelle tous les hommes de bonne volonté à ne pas rester indifférents à la cause des chrétiens d’Afrique. »

Constatant qu le forum avait rassemblé de nombreux représentants de différentes traditions religieuses, le patriarche Cyrille a souligné : « Malgré des différences objectives de doctrine, nous portons le même regard sur les questions de morale publique. Notre devoir commun et notre objectif commun sont de témoigner des repères moraux dans la vie des hommes. »

Selon lui, les leaders religieux peuvent et doivent parler d’une seule voix aux leaders politiques : « Il est temps de déclarer sans équivoque qu’il faut cesser de résoudre les conflits géopolitiques au détriment des plus faibles, notamment des états les plus faibles, a appelé le patriarche. Il est temps de mettre fin à un partage irresponsable des ressources énergétiques. Il est temps de cesser de partager les états en pays du premier, du second et du tiers monde. On aimerait que les pays les plus développés et les plus riches prennent conscience de leur responsabilité pour le destin de l’humanité. Ils doivent être des garants de la sécurité et de la stabilité, et non les dictateurs de l’ordre global. L’expérience montre que lorsque des états imposent à d’autres leurs règles, leurs traditions et leur culture, cela ne donne rien de bon. L’identité et la liberté des peuples sont la garantie de leur coexistence pacifique. Il faut absolument cesser l’extraction sauvage des ressources naturelles des pays pauvres et la pollution de l’environnement. Nous sommes responsables de l’œuvre de Dieu, créée pour le bien des hommes. Notre appel s’adresse à tout homme, et nous croyons sincèrement qu’il sera entendu. »

Le patriarche Cyrille a exprimé la conviction que les leaders religieux pourront sérieusement influer sur les problèmes auxquels est aujourd’hui confrontée l’humanité. « Notre voix sera convaincante lorsque nous œuvrerons en commun et serons solidaires. Je suis sûr qu’ensemble nous pouvons témoigner de la vocation pacifique dont nous répondons devant le Tout-Puissant. Je souhaite sincèrement que le forum d’aujourd’hui en soit la confirmation » a-t-il résumé.

Le primat de l’Église orthodoxe russe a présenté ses vœux au cheik Allakhchoukiour Pachadaze, et lui a remis l’ordre de Saint-Séraphin (I classe).

Le président du Conseil de la Fédération de l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie, I. Oumakhanov, a lu le message de félicitations du président russe, Vladimir Poutine. Le chef de l’état russe constate, notamment que le cheik Allakhchoukiour Pachadaze s’était acquis une haute autorité, tant en Azerbaïdjan qu’à l’étranger.

Environ 200 leaders de différentes traditions religieuses, experts, diplomates, hommes d’état, personnalités publiques, représentants d’organisations internationales, sont venus participer au II Sommet des leaders religieux à Bakou.

Représentent l’Église orthodoxe russe, en dehors de Sa Sainteté le patriarche de Moscou et de toute la Russie : le métropolite Paul de Minsk et de Zaslavl, le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, le métropolite Vincent de Tachkent et d’Ouzbékistan, le métropolite Cyrille d’Ekaterinbourg et de Verkhotourié, l’archevêque Alexandre de Bakou et d’Azerbaïdjan, l’évêque Thomas de Pavlovo-Possad, directeur du Secrétariat du Patriarcat de moscou, V. Legoïda, président du Département synodal chargé des relations de l’Église avec la société, l’archimandrite Philarète (Boulekov), vice-président du DREE.

Les 14 et 15 novembre, dans le cadre du Sommet, auront lieu différentes sections sur la solidarité interreligieuse, le multiculturalisme, la tolérance religieuse. Les participants discuteront de la lutte des leaders religieux contre le terrorisme, la haine, la xénophobie, l’islamophobie, la christianophobie et l’antisémitisme, l’importance de la coopération entre les religions traditionnelles, l’état, les scientifiques et la société à la défense des droits des femmes et des enfants à l’instruction et à l’éducation des jeunes.

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Un Sommet des leaders religieux avait eu lieu à Bakou du 27 au 29 avril 2010 sur le thème « Globalisation, religion, valeurs traditionnelles ». Ce Sommet s’incrivait dans une tradition de manifestations semblables, à compter du sommet de 2006 à Moscou. Il avait été organisé par les autorités de l’Azerbaïdjan, la Direction des musulmans du Caucase, l’UNESCO et le Conseil interreligieux de la CEI. Le document final avait souligné l’importance de la coopération religieuse, et contenait un appel à la création de conseils interreligieux. Il soulevait aussi la question de l’extrémisme, du terrorisme, de la sécularisation et de la globalisation.

En marge du forum, le patriarche Cyrille de Moscou et de toute la Russie s’est entretenu avec le président de la Direction des musulmans du Caucase, le cheick Allakhchoukiour Pachadaze, et avec le catholicos de tous les Arméniens, Garéguine II, dans le but de contribuer au règlement de la situation au Karabakh. Par ailleurs, une réunion du Conseil interreligieux de la CEI a eu lieu à la DMC, puis le lendemain, dans le cadre du Sommet, une rencontre du Groupe des leaders religieux de haut niveau en partenariat avec l’UNESCO.