Le 6 octobre 2019, 16e dimanche après la Pentecôte, le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, a célébré la Divine liturgie à l’église Notre-Dame-Joie-de-tous-les-affligés, rue Bolchaïa Ordynka, à Moscou. L’archipasteur a concélébré avec le prêtre Gueorgui Zaverchinski, doyen des paroisses d’Écosse et d’Irlande du Nord du diocèse de Souroge, ainsi qu’avec le hiéromoine Nicolas (Ono), clerc du métochion de l’Église orthodoxe russe à Tokyo (Japon), et avec les clercs de la paroisse.

Après la litanie instante, le métropolite Hilarion a récité la prière pour la paix en Ukraine.

A la fin de l’office, le métropolite a prononcé l’homélie suivante :

« Au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit !

Pendant toute l’année liturgique, nous lisons l’Évangile : les dimanches, les samedis et les jours de semaine. La nuit de Pâques, on commence à lire l’Évangile de Jean, après la Pentecôte on enchaîne avec la lecture de l’Évangile de Mathieu. En automne, nous lisons l’Évangile selon saint Marc, puis l’Évangile de Luc.

L’Évangile d’aujourd’hui était l’une des premières péricopes de l’Évangile de Luc : on y apprend comment le Seigneur Jésus Christ enseignait depuis une barque appartenant à Pierre. Après que le Seigneur eût terminé son sermon, il proposa à Pierre de s’éloigner vers la profondeur et de jeter ses filets. Pierre lui dit : « Maître, nous avons travaillé toute la nuit sans rien prendre, mais sur Ta parole, je jetterai le filet » (Lc 5,5). Lorsqu’il jeta son files à la mer, il s’emplit d’une telle quantité de poisson qu’il se déchirait et qu’il fallut l’aide d’autres pécheurs pour ramener cette énorme pêche à la barque.

Pierre, voyant cela, comprit qu’il se passait quelque chose de surnaturel, parce qu’il ne lui était jamais rien arrivé de semblable. On comprit que cet Homme, qui lui avait ordonné de jeter les filets, n’était pas un Homme ordinaire, et, se jetant à Ses genoux, il dit : « Retire-toi de moi, Seigneur, parce que je suis un homme pécheur » (Lc 5,8). Mais le Seigneur lui dit : « Désormais, tu seras pêcheur d’hommes » (Lc 5,10).

C’est l’un des premiers miracles du Seigneur Jésus Christ dont parlent les évangélistes. Il répètera ce miracle après Sa résurrection des morts. Mais, à ce moment, les disciples faisaient seulement connaissance avec lui, et pour Pierre, que le Seigneur appelera « pierre », auquel il dira : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église » (Mt 16,18), c’est la première révélation de ce que Jésus Christ n’est pas simplement un homme, mais Dieu incarné.

On se demandera : pourquoi le Seigneur a-t-il choisi cette façon d’attirer Pierre dans ses filets ? Sans doute parce que le Seigneur s’adapte souvent à ce qui est familier à l’homme, pour qu’il ressente Sa présence en partant de son expérience.

Pierre avait pêché toute sa vie, pour autant qu’on puisse en juger d’après l’Évangile, c’était son activité principale. Peut-être ne savait-il rien faire d’autre. Pour le convaincre, pour toucher son cœur, le Seigneur devait agir au moyen de ce qui était familier à Pierre, c’est-à-dire la pêche.

L’Évangile rapporte un autre miracle, qui concerne aussi Pierre, et qui met aussi en scène un poisson : lorsque les collecteurs les deux drachmes (l’impôt pour le temple) vinrent voir Jésus, ils demandèrent à Pierre : « Votre maître ne paie-t-il pas les deux drachmes ? » Le Seigneur n’en avait pas sur lui, et il dit à Pierre : « Va à la mer, jette l’hameçon, et tire le premier poisson qui viendra, ouvre-lui la bouche, et tu trouveras un statère. Prends-le, et donne-le-leur pour moi et pour toi » (Mt 17,27). Encore une fois, le Seigneur adapte le miracle à l’entendement de Pierre, pour qu’il comprenne ce qui se passe.

Pierre réagit en s’exclamant : « Retire-toi de moi, Seigneur, parce que je suis un homme pécheur » (Lc 5,8). Il a conscience de sa peccabilité, et ressent en cet homme, Jésus, la présence de Dieu. Il n’aurait certainement pas pu l’exprimer sous la forme de catégories théologiques, comme nous le faisons aujourd’hui, nous référant aux œuvres des pères, qui disent que Jésus Christ était à la fois Dieu et homme, qu’en Lui était la plénitude de la nature divine qui s’unissait à la plénitude de la nature humaine. Pierre n’aurait certainement pu décrire ce qu’il sentait sous cette forme, mais c’était plus fort que ce qu’il aurait pu entendre dire à des philosophes ou à des théologiens, et il le sentit grâce au miracle que le Seigneur avait fait sous ses yeux, sous une forme familière et intelligible à Pierre.

Lorsque le Seigneur s’adresse à nous, soit pour faire de nous des pêcheurs d’hommes, soit pour nous saisir dans ses filets, Il agit souvent par ce ce qui nous est familier, parce que nous aimons et percevons moins par l’intellect que par le cœur. La présence de Dieu se perçoit moins intellectullement que spirituellement, moralement, par le cœur, parce que c’est avant tout le cœur humain qui répond à la présence de Dieu.

Combien de fois des gens sont venus à l’église, sans penser qu’ils y rencontreraient Dieu. Peut-être avaient-ils été amenés à l’église par la curiosité, peut-être quelqu’un leur avait-il demandé de mettre un cierge à leur intention. Certains passaient devant une église, avaient du temps devant eux, ont voulu visiter, voir les icônes. Ils sont entrés dans l’église sans penser à Dieu, au moment de l’office, auquel ils ne comprenaient rien, ni ce qui se lisait, ni ce qui se chantait, mais un miracle se produisit dans leur cœur. Ils ne peuvent décrire cette sensation, mais ils comprennent qu’ils étaient bien, et ils reviennent, encore et encore. Peu à peu, ils apprennent à connaître ce qui se passe à l’église, à comprendre le slavon, à comprendre le sens de ces textes, et ils deviennent disciples du Christ.

C’est ainsi que le Seigneur saisit bien des hommes dans Ses filets. C’est ainsi qu’il a saisi chacun de nous, et nous formons aujourd’hui l’Église du Christ et la communauté de Ses disciples. Au cours des siècles, le Seigneur a adressé Sa parole au cœur de l’homme, au cours des siècles, les hommes ont répondu à cette parole. Mais lorsque le Seigneur prend quelqu’un dans ses filets, il Lui redit ce qu’Il dit jadis à l’apôtre Pierre : « Je ferai de toi un pêcheur d’homme ». Il nous a reçus dans Son Église, pour qu’à notre tour, nous la découvrions à d’autres ; pour que nous partagions notre expérience, nos sentiments et nos ressentis ; pour que nous soyons Ses disciples, qui, par l’exemple de leur vie, inspirent d’autres hommes à suivre le Christ.

Adressons notre prière à Dieu, qu’Il nous rende dignes d’être Ses disciples. Pour qu’étant membres du Corps du Christ, Sa Sainte Église, nous ayons la force et l’audace de parler de l’Église aux autres, et de les attirer non dans nos filets, mais dans Ses filets ; pour que le Seigneur nous aide à avancer sur le chemin du salut, vers la vie éternelle, vers le Royaume des Cieux. Amen. »