Le 13 mars 2019, mercredi de la première semaine du Grand Carême, le métropolite Hilarion de Volokolamsk a célébré les grandes complies avec la lecture du Grand canon de saint André de Crète, à l’église Notre-Dame-Joie-de-tous-les-affligés, rue Bolchaïa Ordynka, à Moscou. Monseigneur Hilarion concélébrait avec les clercs de la paroisse.

Après la lecture du canon, le métropolite a prononcé une homélie.

« Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit !

Le Grand canon pénitentiel de saint André de Crète, lu aujourd’hui, évoque à plusieurs reprises Abraham, auquel est consacré une grande partie du livre biblique de la Genèse.

Abraham est considéré comme le père du peuple juif. C’est avec lui que le Seigneur a conclu l’alliance, disant qu’il aurait une descendance plus nombreuse que le sable de la mer. La Genèse raconte aussi que le Seigneur ordonna à Abraham, déjà âgé, de quitter sa patrie et de s’en aller vers la terre qu’Il lui indiquerait. Abraham, ayant entendu cet ordre, sans douter de rien, rassembla ses nombreux biens, sa maison, ses serviteurs, ses troupeaux, et se dirigea vers cette terre inconnue.

Un jour, trois anges apparurent à Abraham sous la forme de voyageurs, et lui annoncèrent que, malgré son grand âge et celui de sa femme Sara, il aurait un enfant et que par cet enfant s’accomplirait la promesse de la nombreuse descendance que lui avait faite Dieu.

Lorsque cette promesse se fût réalisée, alors que son fils Isaac était déjà grand, Dieu lui donna l’ordre de sacrifier Isaac. Le Seigneur lui dit : « Prends ton fils, ton unique, que tu chéris, Isaac, et va-t’en au pays de Morriya et là tu l’offriras en holocauste sur une montagne que je t’indiquerai. » (Gn 22,2). Abraham, une fois encore, sans poser de questions, se mit en route. Il marcha plusieurs jours avec son fils, gravit la montagne, où il lui avait été donné l’ordre de le sacrifier, prépara un autel, y plaça son fils Isaac et levait déjà le couteau, lorsque la voix de l’ange l’arrêta : « N’étends pas la main contre l’enfant ! Ne lui fais aucun mal ! Je sais maintenant que tu crains Dieu : tu ne m’as pas refusé ton fils, ton unique » (Gn 22,12).

Ces récits de la Genèse sont lus à l’office durant le Grand Carême. L’Église appelle chacun de nous à les relire pour apprendre d’Abraham l’essentiel, c’est-à-dire la foi. Il n’importe pas tant pour nous qu’il fut le père du peuple d’Israël. Ce qui importe pour nous, comme le dit l’apôtre Paul, c’est qu’il fut le père de tous les croyants. Dans son épître aux Romains, saint Paul dit que les authentiques héritiers d’Abraham ne sont pas ceux qui ont été circonsis, mais ceux qui croient comme crut Abraham. L’apôtre écrit : « Ce bonheur n’est-il que pour les circoncis, ou est-il également pour les incirconcis? Car nous disons que la foi fut imputée à justice à Abraham. Comment donc lui fut-elle imputée? Etait-ce après, ou avant sa circoncision? Il n’était pas encore circoncis, il était incirconcis » (Rm 4,9-10). Ainsi, poursuit saint Paul, tous les croyants sont les descendants spirituels d’Abraham. C’est en ce sens qu’Abraham est le père de ceux qui croient au Christ.

La promesse que donna Dieu à Abraham, nous la lisons à la lumière du Nouveau Testament, comme toutes les histoires vétérotestamentaires. Ce qui explique que Dieu promet à Abraham non seulement une descendance multiple, mais que de cette descendance naîtra le Sauveur du monde ; pas seulement celui du peuple d’Israël, mais le Sauveur de l’humanité, de tout homme. Ce n’est pas un hasard si l’Évangile selon saint Mathieu, le premier des quatre Évangiles, commence par ces mots : « Généalogie de Jésus Christ, Fils de David, Fils d’Abraham… » (Mt 1,1). Le Seigneur Jésus Christ fait remonter sa généalogie à Abraham, au père de tous les croyants. C’est de sa semence que naquit Celui qui devint le Sauveur du peuple d’Israël, la lumière pour éclairer les nations païennes.

Nous sommes tous les descendants spirituels d’Abraham, nous apprenons de lui la foi inébranlable. Comme le dit l’apôtre Paul, dans son épître aux Hébreux, Abraham crut en Dieu comme s’il avait vu Dieu. Pour lui, la voix de Dieu avait une autorité absolue. Il était prêt à écouter Dieu en dépit du bon sens, malgré l’évidence humaine, malgré les sentiments humains. C’est pourquoi il est devenu le père de tous les croyants, c’est pour cela que Dieu passa avec lui une alliance, qu’Il renouvela avec toute l’humanité dans le descendant d’Abraham, notre Seigneur Jésus Christ.

Écoutant les mots du Grand canon, nous impreignant de la lecture des histoires vétérotestamentaires, apprenons d’elle une foi solide. Dieu est invisible, et il semble parfois qu’Il soit loin. Dieu nous parle parfois sans que nous reconnaissions Sa voix, sans que nous comprenions ce qu’Il attend de nous. Parfois, au contraire, nous avons clairement conscience de cette voix, accueillant les signes de Dieu qui nous paraissent évidents. A ces moments où nous entendons la voix de Dieu, accueillons son appel et suivons-le, oublions l’humain, mettons notre espoir et notre espérance dans le Seigneur.

Lorsqu’Abraham marchait vers la terre inconnue, il ne se fiait ni à un guide, ni aux cartes, ni aux étoiles : il espérait en Dieu et il croyait que le Seigneur le conduirait là où il devait aller. Lorsqu’Abraham allait avec son fils vers la montagne pour l’y sacrifier, il savait que Dieu ne permettrait pas que l’adolescent mourût. Il croyait fermement en Dieu, il espérait fermement en Lui et il l’aimait ardemment.

Apprenons d’Abraham, le juste, le père du peuple d’Israël et le père de tous les croyants, cette foi, cette espérance et cet amour. Amen. »