Le 25 mars 2018, 5e dimanche du Grand carême, dimanche de sainte Marie l’Égyptienne, le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, a célébré la Divine liturgie de saint Basile le Grand à l’église Notre-Dame-Joie-de-tous-les-affligés, rue Bolchaïa Ordynka à Moscou. Mgr Hilarion concélébrait avec l’higoumène Métrophane (Chkourine), vice-président du Département synodal de l’enseignement religieux et de la catéchèse, l’higoumène Philippe (Riabykh), représentant intérimaire du Patriarcat de Moscou auprès des organisations internationales européennes, et les clercs de la paroisse.

Après la litanie instante, le métropolite a lu la prière pour la paix en Ukraine.

A la fin de l’office, Mgr Hilarion a prononcé l’homélie suivante :

« Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit !

Durant le Grand carême, les samedis et les dimanches, l’Église nous fait lire l’Évangile selon saint Marc. Cet Évangile expose les mêmes évènements que celui de saint Mathieu, mais l’évangéliste Marc ajoute parfois certains détails qui permettent de mieux voir ces évènements.

Par exemple, l’évangéliste Mathieu raconte que le Seigneur Jésus Christ monta à Jérusalem pour y fêter sa dernière Pâque, y souffrir et y mourir pour le salut des hommes. Il relate comment le Sauveur, en route vers Jérusalem, prédit à Ses disciples qu’Il serait jugé et crucifié, qu’Il mourrait, puis ressusciterait. Dans l’Évangile selon saint Marc, le Seigneur Jésus Christ monte vers Jérusalem, tandis que les disciples le suivent à une certaine distance. Ce petit détail, qui a retenu l’attention de l’évangéliste, en dit long.

Durant toute la durée de Sa prédication, Jésus Christ est entouré du groupe de Ses disciples. Il va, Il s’arrête et leur parle, les disciples L’interrogent, et le Sauveur leur répond. Ici, la scène est différente : le Seigneur avance seul, les disciples Le suivent de loin. Ils ne veulent pas aller à Jérusalem, car ils ont souvent entendu leur Maître prédire qu’Il serait mis à mort, et ils ne veulent pas que cela se produise.

Pourquoi le Seigneur avance-t-il vers Sa passion avec tant d’assurance ? Parce qu’Il sait que telle est la volonté de Dieu le Père. C’est pour cela qu’Il est venu dans le monde, et toute Sa vie converge vers cet évènement prévu dans le dessein de Dieu, annoncé par les Saintes Écritures de l’Ancien Testament. Les disciples ne veulent pas en entendre parler, parce qu’ils se représentaient l’avenir tout différemment. Il leur semble que leur Maître a mérité d’être glorifié, de devenir roi, de recevoir les honneurs royaux.

D’autant plus que durant le temps de Son ministère, les disciples ont souvent entendu le Christ parler du royaume. Jésus, il est vrai, parlait du Royaume des cieux, du Règne de Dieu, mais le mot « Royaume » s’est profondément ancré dans leur conscience. Les disciples pensaient que si le Sauveur montait de Galilée à Jérusalem, c’était pour y devenir roi. Leur imagination leur représentait la gloire à venir, où le Christ siègerait sur son trône, tandis qu’eux l’entoureraient, assis sur les douze trônes, comme Il le leur avait prédit : « Quand le Fils de l’homme, au renouvellement de toutes choses, sera assis sur le trône de Sa gloire, vous qui M’avez suivi, vous serez de même assis sur douze trônes, et vous jugerez les douze tribus d’Israël » (Mt 19, 28). Les disciples du Christ avaient retenu ces mots, et cette perspective les enthousiasmait : eux, gens simples, pécheurs de Galilée, par exemple, s’élèveraient tant qu’ils jugeraient les tribus d’Israël assis sur des trônes !

Tandis que Jésus allait vers Jérusalem pour y souffrir et y mourir, les disciples le suivant à quelque distance, deux d’entre eux, rapporte l’évangéliste Marc, eurent l’audace d’interpeler le Sauveur et de Lui dire : « Accorde-nous d’être assis l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, quand Tu seras dans Ta gloire », autrement dit d’occuper les premières places dans ce « présidium » de douze places. L’Évangile de Mathieu raconte que c’est la mère de ces disciples qui vint intercéder pour eux. L’évangéliste Marc rapporte que ce sont les disciples eux-mêmes, les deux frères Jacques et Jean. Peut-être leur mère était-elle à côté. Quoiqu’il en soit, ils avaient mûri cette idée : puisque le Sauveur a prédit que Ses disciples siègeraient sur des trônes, mieux vaut réserver les deux premières places, pour que les frères siègent des deux côtés du Seigneur, sans doute l’aîné à sa droite et le plus jeune à sa gauche, pour que personne ne vienne s’intercaler dans ce triumvirat du Juge assis sur Son trône et des deux frères siégeant à Ses côtés.

Mais Jésus Christ refroidit l’ardeur des deux frères, qu’Il avait un jour appelé fils du tonnerre, peut-être à cause de la vivacité de leur caractère, comme l’affirment certains commentateurs antiques. Le Seigneur leur demande : « Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire, et être baptisés du baptême dont je vais être baptisé ? » (Mc 10, 38). Ils répondent qu’ils le peuvent, ne se représentant absolument pas ce qui attend leur Maître. Leurs pensées étaient entièrement occupées d’une autre image, celle du roi assis sur son trône. Jésus leur répond : « La coupe que je vais boire, vous la boirez, et le baptême dont je vais être baptisé, vous en serez baptisés ; quant à siéger à ma droit ou à ma gauche, il ne m’appartient pas de l’accorder, mais c’est pour ceux à qui cela a été destiné » (Mc 10, 39-40). Nous voyons ici l’étonnante confiance du Fils envers le Père : le Fils de Dieu va s’offrir en sacrifice pour le salut des hommes, Il ne remet pas seulement Son sort entre les mains du Père, mais aussi celui de Ses disciples. C’est pourquoi le Seigneur dit qu’il ne dépend pas de Lui de distribuer les places dans le Royaume des Cieux. Dieu le Père les a déjà attribuées : Il sait qui sera à droite, qui sera à gauche, qui sera tout prêt et qui sera plus loin.

Les disciples venus réclamer auprès de Jésus ne comprennent pas ce qui L’attend, malgré les prédictions répétées du Sauveur. Ils ont entendu ces prophéties, ils les craignent, ils observent même une certaine distance entre eux et le Maître. Mais, en même temps, ils continuent à penser à la gloire qui les attend.

Ce n’est pas pour rien que la Sainte Église a placé ce passage d’évangile le dimanche précédant le début de la Semaine Sainte, deux semaines avant Pâques. D’une part, nous y lisons clairement l’annonce de la passion et de la mort du Seigneur Jésus Christ, et non seulement de sa mort, mais aussi de Sa résurrection d’entre les morts. D’autre part, ce passage montre comment se penser dans la perspective de la gloire éternelle du Seigneur et Sauveur. Comme les disciples de Jésus Christ, qui avaient entendu Ses enseignements, nous les entendons et les lisons. Nous nous appliquons la promesse que le Seigneur fait à ceux qui croient en Lui et à ceux qui L’aiment. Nous sommes aussi inspirés de la vision de la gloire éternelle dans laquelle siègeront sur des trônes ceux qui auront été fidèles au Seigneur et Sauveur. Mais souvenons-nous de ce que le Christ a dit à Jacques et à Jean, aux fils de Zébédée : la voie de la gloire éternelle passe par la passion, la voie de la résurrection passe par la mort. Le Sauveur est passé par ce chemin, Il conduit Ses disciples sur cette voie, ainsi que tous ceux qui veulent Le suivre.

Certains disciples du Seigneur seront trouvé dignes du martyre : l’histoire de l’Église abonde en exemples de disciples de Jésus, victimes de persécutions et de répressions, donnant leur vie au nom du Christ. Ceux que le Seigneur n’appelle pas au martyre, Il les appelle à observer Ses commandements. Cela exige aussi de travailler sur soi, de souffrir, de pleurer sur ses péchés, de s’affliger de son incapacité à être tel que Dieu ordonne de l’être. Cela implique le repentir, qui est aussi une sorte de martyre, même si cet exploit n’est pas toujours évident aux yeux des autres.

Nous entrons dans la sixième semaine de Carême, qui nous conduit à la Semaine de la passion. Durant cette semaine, faisons pénitence pour nos péchés. Lorsque viendra le Samedi de Lazare puis la fête de l’Entrée du Seigneur à Jérusalem, nous nous plongerons dans le souvenir de la salutaire passion du Christ. Avec notre Seigneur et Sauveur, nous revivrons ces derniers jours, ces dernières heures, ces dernières minutes de Sa vie. Nous entendrons dans l’Évangile comment le Seigneur fut trahi par l’un de Ses proches, un de ceux qui devaient siéger avec Lui sur les douze trônes. Celui qui trahit n’a pas su se maintenir dans la gloire, parce qu’il n’a pu accepter que la voie de la gloire puisse passer par la passion. Nous entendrons condamner à mort le Seigneur Jésus Christ, nous serons témoins de Ses souffrances inhumaines sur la croix, nous verrons Son corps inhumé, puis nous assisterons à Sa résurrection et à Ses apparitions aux disciples.

Préparons-nous à la Semaine Sainte et à la fête de Pâques. Demandons au Seigneur de nous donner la force d’imprimer dans notre cœur et dans notre esprit ce que nous entendrons du Saint Évangile et de l’office divin durant les deux semaines à venir. Amen. »