Le 28 février 2018, S. S. le patriarche Cyrille de Moscou et de toute la Russie a présidé une réunion du Haut Conseil ecclésiastique de l’Église orthodoxe russe à la salle du Haut Conseil, située dans les locaux de l’église du Christ Sauveur à Moscou.

A l’ordre du jour figuraient les thèmes suivants :

  • L’application des décisions du Haut Conseil et du Concile épiscopal (intervenants : les responsables pour les institutions synodales de l’application des décrets du Concile épiscopal de 2017 et des résolutions d’autres organes exécutifs adoptées avant le Concile épiscopal) ;
  • La création d’une base unique d’étudiants (rapportant : l’archevêque Eugène de Vereïa) ;
  • L’approbation des dates et des thèmes des Conférences de Noël de 2019 (rapportant : le métropolite Mercure de Rostov et de Novotcherkassk), ainsi que d’autres questions.

Sa Sainteté a prononcé un discours devant les membres du Haut Conseil avant le début de la séance :

« Éminences et Excellences, vénérables pères, chers frères et sœurs,

Nous voici rassemblés pour la première réunion du Haut Conseil ecclésiastique de l’année. J’aimerais dire quelques mots sur l’enseignement de la théologie dans nos établissements d’enseignement, notamment dans le contexte de nos rapports avec l’état et les établissements d’enseignement supérieur.

Comme vous le savez, les médias et la société se posent souvent des questions sur l’étude de la théologie dans les établissements laïcs, sur la soutenance de thèses de doctorat et d’agrégation dans ce domaine, bien que nous ayons déjà répondu à maintes reprises à ces questions de façon convaincante. Pourtant, s’il reste des questions, c’est qu’il nous faut encore ajouter quelque chose, poursuivre la discussion. Pourquoi l’état a-t-il besoin de la théologie ? Pourquoi doit-il financer la formation de théologiens ? Ces questions sont régulièrement soulevées et il faut qu’il n’y ait plus aucun doute sur le fait que la théologie est légitimement incluse à l’enseignement et est enseignée dans plusieurs établissements d’enseignement supérieur.

Certes, la façon même dont la question est posée est déterminée par un passé récent où la théologie ne pouvait pas, pour des raisons évidentes durant ces décennies d’athéisme déclaré, être intégrée à l’enseignement supérieur. Même après la période soviétique, alors que de nombreux spécialistes des sciences humaines se penchaient déjà sur des questions de théologie, ces dernières devaient porter le masque de l’histoire, de la philosophie ou de la philologie. Je me souviens d’en avoir parlé avec le professeur Averintsev qui, comme vous le savez, était aussi un excellent théologien et s’intéressait à des problèmes strictement théologiques. Lui non plus n’a jamais défini ses recherches comme des recherches théologiques, bien qu’elles fussent telles. Il les cachait sous d’autres disciplines.

Dans des pays qui n’ont pas connu de régime athée, il n’est venu à l’esprit de personne de nier le caractère scientifique de la théologie en tant que science humaine. Lorsque je suis allé en République démocratique allemande, j’ai visité les facultés de théologie des universités, j’ai rencontré des professeurs et des docteurs en théologie, notamment certains qui occupaient des fonctions au niveau de l’état. En RDA, l’opportunité de la présence de la théologie dans les établissements d’enseignement supérieur ne posait pas question. En Union soviétique, par contre, il était impossible de la soulever.

L’étude de la théologie n’est pas réservée aux futurs membres du clergé. La théologie n’est pas seulement nécessaire dans les séminaires, mais aussi dans les établissements laïcs, où travaillent des spécialistes de cette discipline sans être liés à l’Église par les ordres. Que l’état soutienne l’enseignement de la théologie ne remet absolument pas en question le principe de la laïcité de l’enseignement, mais met, si vous voulez, un terme symbolique à un système de valeurs éducatives qui n’avait pas été voulu par la communauté scientifique, mais par les idéologues du parti, lesquels professaient un athéisme agressif. En réfléchissant à ce problème, il faut garder à l’esprit que des établissements religieux accrédités par l’état comme l’Académie de théologie de Moscou, l’Académie de théologie de Saint-Pétersbourg, l’Institut des Hautes Études, les séminaires d’Orenbourg, de Penza, de Saratov, de Smolensk et le séminaire du monastère de la Rencontre (Sretenski), assurent la formation des étudiants suivant les normes établies par l’état.

Les manuels et les ouvrages de référence publiés par les départements universitaires d’athéisme scientifique dans les années 1980 (les fonds des principales bibliothèques sont toujours pleins de cette littérature, ils n’ont pas été renouvelés) ne peuvent pas satisfaire la demande en connaissances sur les religions dans un monde où le facteur religieux ne fait que prendre de plus en plus d’importance d’année en année. L’année 1988, année du millénaire du baptême de la Russie, a démontré au peuple soviétique que la présence de l’Église dans l’espace social était un fait, de même que l’importance du facteur religieux. Mais même cet évènement n’a pas éveillé le désir de commencer sérieusement à étudier la théologie comme discipline scientifique dans l’enseignement universitaire.

L’an dernier, comme vous le savez, la première thèse de théologie a été soutenue. Cet évènement, en soi anecdotique, est pourtant historique parce qu’il s’agit de la première soutenance de ce type après l’époque soviétique dans un établissement supérieur. Il devrait y avoir chaque année des dizaines de soutenance. Il faut publier de nouveaux livres, des manuels, des ouvrages de référence en théologie pour les différents niveaux des études supérieures, notamment avec le soutien de l’état. L’état soutient la théologie comme n’importe quelle autre discipline scientifique. La question « à quoi bon la théologie » n’est pas moins absurde que la question « à quoi sert la philosophie ? » ou « à quoi sert la psychologie ? ». Il se trouvera toujours des gens pour dire que ni la philosophie, ni la psychologie ne sont des sciences. La dispute entre physiciens et lyriques, entre humanistes et naturalistes ne date pas d’aujourd’hui. Une partie de la communauté scientifique est souvent sceptique pour les recherches des autres domaines de la communauté scientifique, mais, malgré tout, personne n’exige de supprimer des disciplines comme la philosophie, la psychologie.

La théologie apprend beaucoup, elle apprend notamment la largeur de vues et la tolérance. Cela peut sembler paradoxal, mais l’étude de la théologie élargit l’horizon intérieur et apprend à respecter les opinions des autres. C’est une qualité importante pour toute personne qui se veut instruite.

J’en appelle encore une fois à Sergueï Averintsev. Dans son ouvrage La théologie dans le contexte de la culture, il écrit : « un homme qui s’identifie de trop près à une orientation idéologique odieuse (ou sympathique) ne peut pas être théologien, car il ne s’entretient qu’avec des gens qui sont d’avance acquis à ses idées, qui acceptent son idéologie et prennent connaissance d’illustrations de ces idées dans ses travaux. » De fait, le théologien est un acteur à part entière des discussions théoriques et philosophiques dans la société. En ce sens, le message qu’un spécialiste de la théologie adresse à ses opposants, à ses collègues, à la société, doit être convaincant, les gens qui possèdent des connaissances théologiques doivent être capables de prendre part au dialogue avec les auditoires les plus variés.

Je suis convaincu que le partenariat entre l’état et les communautés religieuses traditionnelles dans la dispense de connaissances en théologie est une nécessité de notre temps. Le but – élever le niveau de connaissances scientifiques dans un domaine qui a longtemps et de façon imméritée été relégué au ban de la science – est aujourd’hui évident et indiscutable.

Font partie du Haut Conseil scientifique, placé sous la présidence de S. S. le patriarche :

  • Le métropolite Barsanuphe de Saint-Pétersbourg et de Ladoga, chancelier du Patriarcat ;
  • Le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures ;
  • Le métropolite Clément de Kalouga et de Borovsk, président du Conseil éditorial de l’Église orthodoxe russe ;
  • Le métropolite Arsène, premier vicaire du Patriarche de Moscou pour la ville de Moscou ;
  • Le métropolite Jean de Belgorod et de Stary Oskol, président du Département synodal des missions ;
  • Le métropolite Mercure de Rostov et de Novotcherkassk, président du Département de l’enseignement religieux et de la catéchèse ;
  • Le métropolite Marc de Riazan et de Mikhaïlovsk, président de la Direction des finances et de l’économie du Patriarcat de Moscou,
  • Le métropolite Cyrille de Stavropol et Nevinnomyssk, président du Comité synodal à la collaboration avec les cosaques ;
  • L’archevêque Eugène de Vereïa, président du Comité pédagogique près le Saint Synode ;
  • L’archevêque Théognoste de Serguev-Possad, président du Département synodal aux affaires des monastères et du monachisme ;
  • L’archevêque Serge de Solnetchnogorsk, directeur du secrétariat administratif du Patriarcat de Moscou,
  • L’archevêque Antoine de Vienne et de Budapest, responsable de la Direction des établissements du Patriarcat de Moscou à l’étranger ;
  • L’évêque Irénarque de Krasnogorsk, président du Département synodal à l’aumônerie des prisons
  • L’évêque Pantéléïmon d’Orekhovo-Zouïevo, président du Département synodal aux affaires caritatives et sociales ;
  • L’évêque Tikhon d’Egorievsk, président du Conseil patriarcal à la culture ;
  • L’évêque Séraphin de Lioubertsy, président du Département synodal des affaires de la jeunesse ;
  • L’archiprêtre Sergui Privalov, président du Département synodal de la collaboration avec les forces armées et les institutions du maintien de l’ordre ;
  • L’archiprêtre Dimitri Smirnov, président de la Commission patriarcale aux affaires de la famille et pour la protection de la maternité et de l’enfance ;
  • Vladimir R. Legoïda, président du Département synodal aux relations de l’Église avec la société et les médias.

L’évêque Irénarque de Krasnogorsk n’a pas pris part à la séance, étant en déplacement.

Étaient invités à prendre part à la réunion : l’évêque Savva de Voskressensk, premier vice-chancelier du Patriarcat de Moscou ; l’évêque Nicolas de Balachikha, responsable et rédacteur en chef des Éditions du Patriarcat de Moscou ; l’archiprêtre Maxime Kozlov, premier vice-président du Comité pédagogique de l’Église orthodoxe russe ; l’archimandrite Savva (Toutounov), adjoint du chancelier du Patriarcat de Moscou ; l’higoumène Xénia (Tchernieva), chef du Service juridique du Patriarcat de Moscou ; l’higoumène Pierre (Ereméiev), recteur de l’Université orthodoxe russe ; A. V. Chtchipkov, premier vice-président du Département synodal aux relations de l’Église avec la société et les médias ; V. Matanis, responsable du département de journalisme de la Faculté de management des communications de l’Université social d’état ; le prêtre Alexandre Staroboutsev, spécialiste du Comité pédagogique des techniques d’enseignement à distance pour l’Église orthodoxe russe.