Le 18 février 2018, dimanche du Pardon et de l’expulsion d’Adam, le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, a célébré la Divine liturgie à l’église Notre-Dame-Joie-de-tous-les-affligés, rue Bolchaïa Ordynka à Moscou.

Après la litanie instante, le métropolite a prié pour la paix en Ukraine.

A la fin de l’office, Mgr Hilarion a prononcé l’homélie suivante :

« Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit !

Aujourd’hui, dernier dimanche avant le début du Grand carême, nous avons entendu un passage de l’Évangile selon saint Mathieu, tiré du Sermon sur la montagne, où le Seigneur dit : « Si vous remettez aux hommes leurs manquements, votre Père céleste vous remettra aussi : mais si vous ne remettez pas aux hommes, votre Père non plus ne vous remettra pas vos manquements » (Mt 6, 14-15). Ensuite, Il énonce sa doctrine du jeûne : « Quand vous jeûnez, ne vous donnez pas un air sombre, comme font les hypocrites : ils prennent une mine défaite, pour que les hommes voient bien qu’ils jeûnent » (Mt 6, 16). « Pour toi, quand tu jeûnes, parfume ta tête et lave ton visage, pour que ton jeûne soit connu, non des hommes, mais de ton Père » (Mt 6, 17). Ces instructions conviennent parfaitement à ce dimanche où nous nous préparons au Grand Carême. Ce n’est pas un hasard si l’Église a choisi ce texte d’Évangile pour la Liturgie dominicale.

Le Seigneur nous rappelle avant tout que nous devons nous pardonnez nos manquements les uns aux autres.  Les relations entre personnes sont souvent assombries par des offenses, par le mal qu’elles se font ; ensuite, pendant des jours, des mois, des années, elles portent leur rancune en elles. Ces rancunes, profondément enracinées dans le cœur, ne permettent pas de se décharger, de regarder le prochain de ce regard dont le voit le Seigneur, de voir en lui l’image de Dieu, de voir dans ses péchés des maladies dont il peut se guérir par le repentir s’il le souhaite. Nos rapports sont souvent assombris par des ressentiments mutuels. Parfois on se vexe sans avouer de quoi. Ou bien nous portons en nous notre ressentiment, mais le taisons, croyant que nous cacherons ainsi mieux la douleur de notre cœur.

Le Seigneur nous invite à pardonner à nos débiteurs, de même qu’Il nous pardonne nos péchés. Nous attendons de Lui miséricorde, indulgence, nous le Prions d’être indulgent envers nous, de nous pardonner nos péchés. Le Seigneur est prêt à nous pardonner, à condition que nous Lui ressemblions dans le désir de pardonner les péchés du prochain. Entrons en Carême avec un cœur pur, avec une conscience purifiée. Ne portons pas en nous le poids de nos rancœurs. N’ayons pas le souvenir des offenses. Purifions nos cœurs en pardonnant à nos proches tout ce qui peut nous empêcher d’avancer sur le chemin qui mène à Dieu et au Royaume des cieux.

Le Seigneur nous dit comment jeûner. Ce ne sont pas nos proches, qui doivent nous voir jeûner, mais le Seigneur. N’oublions pas que lorsque le Seigneur parle du jeûne, Il parle d’un autre jeûne que celui que nous observons. Pour nous, le carême consiste à renoncer à certains types de nourriture, mais nous ne renonçons pas à la nourriture ni à l’eau. Le mot « jeûne », à l’époque où le Seigneur l’a prononcé, désignait l’abstinence complète de nourriture et d’eau, généralement du lever au coucher du soleil. C’est de ce jeûne dont le Seigneur parle. C’est ce jeûne que les pharisiens observaient deux fois par semaine, le lundi et le jeudi. Et ils étaient fiers de leur jeûne. Ils prenaient une mine particulière chaque jour de jeûne pour faire savoir à tous qu’ils jeûnaient. Ils pensaient plaire ainsi à Dieu.

Les disciples de Jésus Christ et ceux de Jean-Baptiste se sont disputés sur le jeûne. Les disciples de Jean-Baptiste vinrent voir le Sauveur et lui demandèrent : « Pourquoi nous et les pharisiens jeûnons-nous et tes disciples ne jeûnent-ils pas ? » (Mt 9, 14). Le Seigneur leur répondit : « Les compagnons de l’époux peuvent-ils mener le deuil tant que l’époux est avec eux ? Mais viendront des jours où l’époux leur sera enlevé ; et alors ils jeûneront. » (Mt 9, 15). Le Seigneur Jésus Christ opposait Lui-même son mode de vie à celui de Jean-Baptiste. Il disait aux pharisiens : « Jean vient, en effet, ne mangeant ni ne buvant, et l’on dit : C’est un possédé ! Vient le Fils de l’homme, mangeant et buvant et l’on dit : C’est un glouton et un ivrogne, un ami des publicains et des pécheurs » (Mt 9, 11, 19).

En même temps, un jour que les disciples n’avaient pu chasser un démon d’un possédé et demandèrent au Seigneur pourquoi ils ne l’avaient pas pu, le Seigneur leur répondit : « Quant à cette espèce, on ne la fait sortir que par la prière et le jeûne » (Mt 17, 21). Cela veut dire qu’Il jeûnait. Mais Il ne jeûnait pas au su et au vu de tous, ni de Ses disciples, Il observait le jeûne parce que le jeûne est un moyen de s’approcher de Dieu. Jésus Christ n’avait pas besoin de moyen pour se rapprocher de Dieu ni pour purifier son âme, car Il était pur de tout péché et demeurait toujours avec Son Père. En tant qu’homme de chair, Il avait besoin du jeûne pour raffermir ses forces morales et physiques. C’est pourquoi, avant de commencer à prêcher, Il fut conduit par le Saint Esprit au désert, où Il jeûna quarante jours, c’est-à-dire qu’Il ne prit ni nourriture, ni boisson. C’est pourquoi aussi Il continua à observer des jeûnes, sans que Ses disciples fussent forcément au courant.

Le jeûne est un moyen instauré par la sainte Église suivant l’exemple du Sauveur pour purifier notre cœur, notre âme et notre corps de toute impureté peccamineuse durant la période de préparation à la fête de Pâques. Durant les premiers jours du Grand carême, l’Église nous rappellera ce qu’est le vrai jeûne. Le vrai jeûne, ce sont les bonnes œuvres, l’abstinence de mauvaises œuvres. Le vrai jeûne, c’est d’être prêt à partager son pain avec ceux qui ont faim, à partager son toit avec ceux qui n’en n’ont pas. C’est d’être prêt à aider les gens et être capable de pardonner à ceux qui sont coupables devant nous et ont péché envers nous.

C’est avec ces sentiments que nous nous préparerons au Grand carême. N’allons pas croire qu’il suffit d’observer toutes les prescriptions alimentaires pour que les portes du Royaume des cieux s’ouvrent devant nous. L’apôtre Paul nous rappelle dans la lecture d’aujourd’hui que la nourriture ne rapproche pas l’homme de Dieu. C’est un cœur ouvert à la rencontre du Seigneur, un cœur capable de pardonner et d’aimer, de réagir aux souffrances humaines et au malheur humain qui rapproche du Seigneur, un cœur capable de faire le bien.

Demandons au Seigneur de nous aider à pardonner à tous nos débiteurs, afin qu’Il nous aide à nous engager avec un cœur pur sur la voie de la pénitence ; afin que les six semaines du grand carême, qui nous paraîtront longues au départ, puis très courtes à la fin, si bien que nous ne remarquerons même pas comme elles ont passé, nous préparent à la septième semaine de notre ascèse : la Semaine sainte où nous suivrons notre Sauveur Jésus Christ pas à pas, jour après jour et heure par heure dans Ses derniers jours, ses dernières heures, les dernières minutes de sa vie terrestre. Prions le Seigneur de nous permettre de fêter purifiés et illuminés la Résurrection du Christ. Amen. »