Le 15 février 2018, Sa Sainteté le patriarche Cyrille de Moscou et de toute la Russie a accueilli à la salle du trône des appartements patriarcaux de l’église du Christ Sauveur de Moscou le roi de Jordanie Abdallah II ben al Hussein.

Prenaient part à la rencontre : pour la Jordanie : le prince Ghazi bin Mohammed, conseiller personnel du roi, Ayman Al Safadi, ministre des Affaires étrangères de Jordanie, Amjad Adaileh, ambassadeur du Royaume de Jordanie en Russie, Manar Dabbas, directeur du Département politique, Ghaith Al Tarawneh, directeur des communications ; pour le ministère des Affaires étrangères de Russie : l’ambassadeur de Russie en Jordanie, B. Bolotine.

L’Église orthodoxe russe était représentée par le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, l’archevêque Antoine de Vienne et de Budapest, responsable de la Direction des établissements du Patriarcat de Moscou à l’étranger, l’archimandrite Philarète (Boulekov), vice-président du DREE, et l’archiprêtre Serge Zvonariov, secrétaire du DREE aux affaires de l’étranger lointain.

Souhaitant la bienvenue à son hôte, le patriarche a souligné : « l’Église orthodoxe russe accorde une très grande importance au dialogue qui s’est établi avec les autorités jordaniennes et, en premier lieu, avec Votre Majesté. »

La difficile histoire du XX siècle et des siècles précédents a incité le peuple russe à prendre à cœur la tragédie des autres peuples, a constaté Sa Sainteté. Selon le patriarche, le terrorisme est un immense défi jeté à tous les hommes de bonne volonté dans le monde contemporain. « La façon dont agissent les terroristes montre qu’il s’agit d’une menace globale, a constaté le primat de l’Église orthodoxe russe. En premier lieu, c’est une menace pour le Proche-Orient, riche de ses éléments multiculturels, multinationaux et multireligieux, mais le terrorisme menace presque tous les autres pays du monde. »

Sa Sainteté a rappelé la position de l’Église orthodoxe russe, selon laquelle tous les pays doivent trouver ensemble la force de surmonter les facteurs de division idéologiques, culturels et politiques pour former un front commun de lutte contre le terrorisme. « Depuis les évènements de Manhattan, le 11 septembre 2001, beaucoup ont compris qu’il fallait lutter ensemble contre ce phénomène. Malheureusement, nous n’observons aucun progrès dans ce domaine, et les pays qui pourraient porter ensemble un coup décisif au terrorisme ne peuvent s’organiser pour combattre en commun. Certains soupçonnent que la cause en est la volonté qu’ont certain d’utiliser le terrorisme à des fins politiques qui leur sont propres. Ce n’est pas seulement une erreur, c’est une politique dangereuse, nous savons déjà ce qu’il en a résulté dans plusieurs pays. »

L’Église orthodoxe russe, qui est l’Église de la majorité dans un état multi-ethnique, accorde une grande importance au développement du dialogue entre les états et entre les religions pour mettre en place un front commun de lutte contre le terrorisme, a rappelé le patriarche Cyrille.

« Nous espérions voir apparaître un front semblable pendant les opérations militaires en Syrie, mais cela n’a pas été le cas, malheureusement, a constaté Sa Sainteté. Les forces militaires de la Russie ont fait leur travail aux côtés de l’armée gouvernementale, et, comme vous le savez, avec succès. Mais d’autres pays, qui avaient formé une coalition, ont fait aussi leur propre travail. Le seul fait de la présence sur ce territoire de deux groupes armés n’étant pas coordonnés entre eux, représentait un défi colossal. Le risque était de provoquer d’importantes opérations militaires, n’importe quelle erreur pouvait amener à une confrontation directe des représentants de puissances nucléaires. Lorsque j’ai senti ce danger, j’ai proposé au pape François de se rencontrer au plus tôt, bien qu’aucun patriarche de Moscou n’ait jamais rencontré de pape de Rome. » Sa Sainteté a raconté qu’il avait été possible de s’entendre sur plusieurs points essentiels pendant la rencontre de La Havane. « En premier lieu, nous avons attiré l’attention sur le danger de la situation en Syrie. Nous comprenions que ceux qui sont contre la terreur doivent lutter ensemble contre le terrorisme, coordonner leurs actions. Chacun ne devrait pas tirer ses marrons du feu qu’est le terrorisme, c’est une approche extrêmement dangereuse et tout à fait erronée. »

Le patriarche Cyrille a déclaré qu’il se rappelait avec reconnaissance de son entretien avec le roi de Jordanie, en 2012, peu avant le déclenchement des évènements tragiques qui ont eu lieu peu après en Syrie et en Irak. « Je me souviens de votre exposé sur les relations interreligieuses en Jordanie, sur la coexistence pacifique de toutes les religions, a poursuivi le primat de l’Église orthodoxe russe. J’ai eu la joie de le constater personnellement. Dans votre pays, orthodoxes et musulmans se sentent chez eux et ont les mêmes droits et les mêmes possibilités. »

Sa Sainteté a aussi évoqué la restauration de la Syrie et de l’Irak, qui ont souffert du conflit armé, informant son interlocuteur que l’Église orthodoxe russe, conjointement avec les organisations orthodoxes publiques de Russie, avait soutenu la population syrienne pendant le conflit et continuait à assurer une aide humanitaire aux personnes sinistrées.

« Puisqu’en Russie les rapports entre orthodoxes, musulmans et juifs sont très bons, nous avons proposé d’aider ensemble la population syrienne, pour que les orthodoxes, les musulmans et les juifs, ainsi que les représentants d’autres confessions, puissent prendre part aux actions humanitaires d’abord organisées par la seule Église russe. Cela permet d’élargir les possibilités, de grossir les moyens pour aider et éveille la confiance des gens envers ces actions » a déclaré le patriarche Cyrille.

Sa Sainteté a dit espérer que le processus enclenché à Sotchi, au Congrès du dialogue national syrien, déboucherait sur des décisions concrètes. « Nous prions pour que le processus soit un succès, mais nous comprenons bien que la lutte contre le terrorisme n’est pas finie, ni en Syrie, ni en Irak. Il se produit des évènements inquiétants, comme des tirs inattendus, notamment les tentatives de tirer sur des bâtiments religieux. Nous sommes profondément convaincus que l’étape la plus difficile a été franchie ; il reste à accomplir un gros travail de règlement de la situation en Syrie et en Irak » a souligné le primat de l’Église orthodoxe russe, remerciant le monarque de sa position sur ces points.

Sa Sainteté a constaté le haut niveau du dialogue interreligieux et de la coopération en Jordanie, insistant sur les efforts déployés par le roi Abdallah II qui poursuit la tradition établie par son père le roi Hussein. « Non seulement vous avez renforcé cette magnifique tradition, mais vous l’avez développée, afin de répondre aux défis et aux problèmes de notre temps » a dit le patriarche, revenant sur ses souvenirs de voyage en Jordanie et sur sa rencontre avec le roi Hussein.

Remerciant Sa Sainteté de son chaleureux accueil, le roi de Jordanie Abdallah II a dit : « J’ai été heureux d’entendre votre position sur les défis auxquels nous sommes confrontés. Afin de les surmonter, nous devons unir nos efforts. La rencontre d’aujourd’hui confirme la force de la position de l’Église orthodoxe russe, non seulement ici, en Russie, mais dans le monde. En tenant compte des défis que vous avez mentionnés, il est temps de nous dresser côte à côté et de dire ce qui nous unit, soulignant que le commandement « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu et ton prochain comme toi-même » est un principe qui nous unit tous.

« Aujourd’hui plus que jamais, votre voix doit se faire entendre dans notre partie du monde » a dit le roi Abdallah II au patriarche Cyrille. « Comme vous l’avez tout à fait justement constaté, nous luttons tous contre l’horrible défi qui s’est abattu sur le monde, contre le terrorisme international, a poursuivi le monarque. Pour autant que je sache, le Russie a commencé cette lutte bien avant nous. Je dois dire que ce problème, ce défi global, ne concerne pas tant le monde entier, qu’avant tout les communautés chrétiennes de notre région, notamment en Palestine et, plus particulièrement, à Jérusalem. »

« Le christianisme orthodoxe a fait partie de notre passé, il fait partie de notre présent et doit être préservé comme devant faire partie de notre avenir. Si nous n’y parvenons pas, nous serons forcés d’en payer le prix », a souligné le roi de Jordanie, avant de dire combien il estimait le rôle joué par l’Église orthodoxe russe en Syrie, où elle aide les victimes de la guerre, les faibles, les persécutés.

« Nous recevons en Jordanie nos frères chrétiens d’Irak et de Syrie, qui fuient les menaces de violence, a constaté le roi de Jordanie, assurant que son pays aidait non seulement les chrétiens à fuir leurs terres natales, mais cherchait aussi à garantir leur retour dans leurs maisons, dans leurs communautés qui ont plusieurs siècles d’histoire. Le roi Abdallah II a mentionné, notamment, que la Jordanie et la Russie étaient parvenues à établir une étroite collaboration dans le soutien au processus de rétablissement de la paix et de la stabilité en Syrie.

« Périphrasant un ancien dicton, on pourrait : pour que le mal triomphe, il suffit que les bonnes gens ne fassent rien, a souligné le monarque. Nous devons nous unir et surmonter ensemble les problèmes auxquels nous sommes confrontés. »

Des souvenirs ont été échangés à la fin de la rencontre.