A la salle du Haut Conseil de la cathédrale du Christ Sauveur de Moscou, Sa Sainteté le patriarche Cyrille de Moscou et de toute la Russie a présidé le 12 octobre 2017 une réunion ordinaire du Haut conseil ecclésiastique.

L’application des décisions du Haut conseil et du Concile épiscopal, l’approbation du système de formation continue pour le clergé, et d’autres thèmes étaient à l’ordre du jour.

Ouvrant la séance, le primat de l’Église orthodoxe russe s’est adressé aux membres du Haut conseil, réfléchissant notamment aux évènements de 1917 et de l’histoire contemporaine russe :

« Je salue tous les membres du Haut conseil ecclésiastique.

Nous sommes réunis en octobre, et exactement cent ans nous séparent des évènements révolutionnaires. A ce propos, j’aimerais dire quelques mots d’introduction, partager mes réflexions.

Il y a cent ans que les évènements révolutionnaires se sont déclenchés dans notre pays. La Russie d’alors marchait à grands pas vers la révolution bolchevik, devenue inévitable, dans une atmosphère de chaos, d’absence de pouvoir et de crise militaire.

Nous avons bien conscience des conséquences des évènements de 1917. Même l’église dans laquelle nous nous trouvons, sa destruction, le film tristement célèbre du dynamitage de l’église du Christ Sauveur, sont des symboles de la fureur de destruction, de la révolte, des atteintes aux coutumes qu’a entraînées octobre 1917.

Aujourd’hui, l’église du Christ Sauveur est là. Elle a été rebâtie dans toute sa splendeur. Et cette église restaurée est un symbole beaucoup plus important pour nous. C’est le symbole de la réconciliation, de la réparation des fautes tragiques de nos prédécesseurs.

Evaluant les évènements de 1917 et leurs conséquences, nous devons garder ces deux images à l’esprit. La destruction de l’église et sa restauration, qui sont les maillons d’une seule et même chaîne, celle de l’histoire du XX siècle. Pour évaluer l’histoire, il faut en avoir une vue d’ensemble. Il ne faut surtout pas nier et blanchir ce qui est un mal évident, mais reconnaître les faits, les analyser afin d’éviter la répétition des horreurs révolutionnaires.

Cependant, nous regardons aujourd’hui ce mal du point de vue de ceux qui l’ont surmonté. Nous prions et nous rassemblons dans une église restaurée. Symboliquement, c’est dans les locaux de cette église que se déroulent les assemblées du Concile populaire russe mondial, dont le but est la cohésion de notre nation. C’est dans ces murs que nous avons si souvent déclaré à la société la nécessité de la réconciliation, notamment de la réconciliation historique, l’importance de la solidarité. La réconciliation et la solidarité doivent être le refrain de notre discours, aujourd’hui, d’autant plus lorsque nous nous tournons vers l’histoire récente.

Est-il possible de porter un jugement objectif sur l’histoire ? C’est une question qui se discute, qui fait l’objet de disputes. L’histoire est un terrain privilégié pour les spéculations idéologiques, pour la création de mythes commodes, aussi bien nationaux qu’antinationaux. En étudiant l’histoire, il est si facile de dévier vers une interprétation mensongère, même dans les détails. Pourtant, l’honnêteté oblige à rejeter le mensonge et la ruse. Que faire ? Aspirer à être loyal envers les faits. Éviter les extrapolations. En particulier les extrapolations qui ne sont pas seulement des faux, mais peuvent aussi blesser quantité de gens, comme c’est le cas d’un film qui n’est pas encore sorti sur les écrans, mais qui est déjà tristement célèbre.

Les évènements du XX siècle sont encore une plaie sanglante pour beaucoup de gens. Les martyrs impériaux, le cortège des nouveaux-martyrs et des confesseurs de la foi, les centaines de milliers de victimes, l’élimination du patrimoine spirituel, l’exil de la fleur intellectuelle de la nation… Malheureusement, toutes ces pages amères de notre passé sont aujourd’hui l’objet de spéculations, notamment au niveau artistique. L’artiste a le droit à la fiction. Mais la fiction artistique et le mensonge, ce sont des choses différentes. La fiction artistique est un procédé dramaturgique et, en tant que tel, elle augmente l’intérêt du spectateur pour les faits historiques. Le mensonge n’est pas un procédé artistique. Le mensonge déforme grossièrement la réalité historique et induit volontairement en erreur. C’est le mensonge qui était le fondement de la propagande qui jeta notre peuple dans le chaos révolutionnaire, puis, dans le gouffre des tourments. Est-ce pour cela que l’appel d’Alexandre Soljenitsyne à « ne pas vivre dans le mensonge » a résonné de façon aussi pénétrante et a eu un tel retentissement, notamment dans les milieux de l’intelligentsia artistique ?

« L’histoire n’enseigne rien, elle punit seulement ceux qui n’ont pas retenu la leçon ». C’est une citation de Vassili Klioutchevski. Quelles leçons du XX siècle devons-nous retenir pour ne pas refaire les mêmes erreurs ?

Il faut espérer que les souvenirs des évènements du passé proche trouveront leur expression, notamment dans les œuvres d’art, servant avant tout à la réconciliation et non pas à de nouvelles discordes ou de nouvelles dissensions, sans être l’occasion d’offenser les sentiments et les valeurs des uns ou des autres. Tous, croyants et athées, artistes et non artistes, conservateurs et libéraux, sommes appelés à vivre dans le même pays, dans la même société, et nous devons nous soucier de son intégrité.

Nous prions pour l’unité à chaque liturgie. Nous sommes aussi appelés à prier pour l’unité de la société, pour l’unité du peuple, nous souvenant des terribles épreuves, des discordes et des conflits qui ont secoué la Russie au XX siècle. »

Le Haut Conseil ecclésiastique, placé sous la présidence de Sa Sainteté le Patriarche, se compose comme suit :

  • Le métropolite Barsanuphe de Saint-Pétersbourg et de Ladoga, chancelier du Patriarcat ;
  • Le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures ;
  • Le métropolite Clément de Kalouga et de Borovsk, président du Conseil éditorial de l’Église orthodoxe russe ;
  • Le métropolite Arsène, premier vicaire du Patriarche de Moscou pour la ville de Moscou ;
  • Le métropolite Jean de Belgorod et de Stary Oskol, président du Département synodal des missions ;
  • Le métropolite Mercure de Rostov et de Novotcherkassk, président du Département de l’éducation religieuse et de la catéchèse ;
  • Le métropolite Marc de Riazan et de Mikhaïlovsk, président de la Direction des finances et de l’économie du Patriarcat de Moscou,
  • Le métropolite Cyrille de Stavropol et Nevinnomyssk, président du Comité synodal à la collaboration avec les cosaques ;
  • L’archevêque Eugène de Vereïa, président du Comité pédagogique près le Saint Synode ;
  • L’archevêque Théognoste de Serguev-Possad, président du Département synodal aux affaires des monastères et du monachisme ;
  • L’évêque Serge de Solnetchnogorsk, directeur du secrétariat administratif du Patriarcat de Moscou,
  • L’évêque Irénarque de Krasnogorsk, président du Département synodal à l’aumônerie des prisons
  • L’évêque Pantéléïmon d’Orekhovo-Zouïevo, président du Département synodal aux affaires caritatives et sociales ;
  • L’évêque Tikhon d’Egorievsk, président du Conseil patriarcal à la culture ;
  • L’évêque Antoine de Zvenigorod, chef de la Direction des établissements du Patriarcat de Moscou à l’étranger ;
  • L’évêque Séraphin de Lioubertsy, président du Département synodal des affaires de la jeunesse ;
  • L’archiprêtre Sergui Privalov, président du Département synodal de la collaboration avec les forces armées et les institutions du maintien de l’ordre ;
  • L’archiprêtre Dimitri Smirnov, président de la Commission patriarcale aux affaires de la famille et pour la protection de la maternité et de l’enfance ;
  • Vladimir R. Legoïda, président du Département synodal aux relations de l’Église avec la société et les médias.

Étaient invités à prendre part à la réunion : l’évêque Savva de Voskressensk, premier vice-chancelier du Patriarcat de Moscou, l’évêque Nicolas de Balachikha, responsable intérimaire et redacteur en chef des Éditions du Patriarcat de Moscou, l’archiprêtre Nicolas Balachov, vice-président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, l’archiprêtre Maxime Kozlov, premier vice-président du Comité pédagogique de l’Église orthodoxe russe, l’archimandrite Savva (Toutounov), adjoint du chancelier du Patriarcat de Moscou, l’higoumène Xénia (Tchernieva), chef du Service juridique du Patriarcat de Moscou, le prêtre Alexandre Staroboutsev, spécialiste du Comité pédagogique des techniques d’enseignement à distance pour l’Église orthodoxe russe, A. V. Chtchipkov, premier vice-président du Département synodal aux relations de l’Église avec la société et les médias.