Le 8 juin 2017, le patriarche Cyrille a reçu à la résidence patriarcale et synodale du monastère Saint-Daniel les chefs des missions diplomatiques d’Amérique latine en Russie.

Seize diplomates étrangers participaient à cette rencontre : l’ambassadeur de Cuba, Emilio Losada Garcia, doyen du corps diplomatique latino-américain ; l’ambassadeur du Paraguay, Ramon Diaz Pereira ; l’ambassadeur du Nicaragua, Juan Ernesto Vasquez Araya ; l’ambassadeur de la république d’Equateur, Julio César Prado Espinoza ; l’ambassadeur du Panama, Miguel Lecaro Barcenas ; l’ambassadeur de la République orientale d’Uruguay, Enrique Juan Delgado Genta ; l’ambassadeur de Colombie, Alfonso Pedro Lazaro Lopez Caballero ; l’ambassadeur du Guatemala, Gisela Atalida Godinez Sazo ; l’ambassadeur du Brésil, Antonio Luis Espinola Salgado ; l’ambassadeur du Pérou, Luis Benjamin Chimoy Arteaga ; l’ambassadeur du Chili, Rodrigo Jose Neto Maturana ; l’ambassadeur du Venezuela, Carlos Rafael Faria Tortosa ; l’ambassadeur d’Argentine, Pablo Anselmo Tettamanti ; le chargé d’affaires intérimaire du Salvador, Yuri Santacruz ; le chargé d’affaires intérimaire de l’ambassade des États-Unis du Mexique, Joaquim Pastrana ; le chargé d’affaires intérimaire du Costa Rica, David Alfaro Mata.

Le ministère des Affaires étrangères russe était représenté par le directeur du Département d’Amérique latine, A. V. Chetchetinine.

Le Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou était représenté par l’archiprêtre Sergui Zvonariov, secrétaire du DREE aux affaires de l’étranger lointain, et M. Palacio, employé de ce secrétariat.

Le primat de l’Église orthodoxe russe a rappelé que sa première rencontre avec les diplomates des pays d’Amérique latine datait de septembre 2009, peu après le début de son entrée en fonctions. « Je me réjouis de pouvoir à nouveau vous rencontrer » a poursuivi le patriarche Cyrille. « Je remercie l’ambassadeur de Cuba, M. Emilio Losada, d’avoir eu l’initiative de cette rencontre ».

Il y a peu, le 21 mai 2017, on fêtait le 230e anniversaire de la rencontre du grand homme politique et militaire d’Amérique latine, Francisco de Miranda, avec le métropolite de Moscou Platon (Levchine), lequel joua un grand rôle dans l’organisation de la vie de l’Église, et plus particulièrement de l’enseignement de la théologie dans l’Église russe. « On sait que le métropolite Platon a conseillé à M. Miranda de se rendre la Laure de la Trinité-Saint-Serge afin d’y sentir l’esprit de l’orthodoxie russe et de comprendre l’âme russe, a remarqué Sa Sainteté. C’est ce que M. Miranda a fait. Il a laissé des notes sur cette visite dans son journal intime. On m’a dit que le 21 mai certains d’entre vous ont fait le même voyage, marchant sur les pas du héros d’Amérique latine, Francisco de Miranda. »

Le patriarche Cyrille de Moscou et de toute la Russie a rappelé que l’histoire de l’Orthodoxie russe en Amérique latine avait commencé en 1901, quand la première église orthodoxe, dédiée à la Sainte-Trinité, a été construite à Buenos-Aires. Selon Sa Sainteté, il y a aujourd’hui des églises orthodoxes russes dans la plupart des pays d’Amérique latine. Leur principale mission est d’assurer la pastorale des expatriés russes et, plus généralement, des slaves orthodoxes vivant dans ces pays.

Le Patriarche a aussi mentionné le fait qu’il s’était souvent rendu en Amérique latine. « Avant cette rencontre, j’ai fait le compte de mes voyages : je suis allé dans treize états latino-américains, plus d’une fois pour la plupart de ces pays » a précisé le primat de l’Église orthodoxe russe.

Le Patriarche Cyrille est revenu sur plusieurs de ces visites. En 2008, alors qu’il occupait encore le poste de président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, il avait participé aux Journées de la Russie dans les pays d’Amérique latine. Une chorale orthodoxe, des représentants de l’Église et l’intelligentsia artistique avaient pris part à ce projet. « Il s’agissait de présenter la culture et les traditions spirituelles de la Russie à la société latino-américaine, a constaté le Patriarche. Pendant ce voyage, j’ai aussi consacré la plus grande église orthodoxe d’Amérique latine, l’église Notre-Dame-de-Kazan à La Havane, à Cuba. Les négociations autour de la construction de cette église avaient commencé quelques années auparavant. J’avais rencontré M. Fidel Castro, qui a répondu avec beaucoup d’enthousiasme à ma proposition de bâtir une église orthodoxe dans la capitale cubaine. Elle a été construite par les Cubains eux-mêmes, l’Église russe n’a pris part qu’à l’ornementation et à la décoration de l’intérieur. »

Dans le cadre des Journées de la Russie dans les pays d’Amérique latine de 2008, Sa Sainteté avait aussi visité le Venezuela, la Colombie, l’Equateur et le Costa-Rica, s’était entretenue avec les chefs d’état de ces pays. Pour la plupart d’entre eux, c’était une première rencontre avec un hiérarque de l’Église orthodoxe russe. « C’était très important pour moi, j’ai pu sentir quels étaient les problèmes réels des peuples d’Amérique latine, notamment leurs problèmes économiques et sociaux. J’ai compris qu’il existait différentes solutions à ces problèmes, et j’ai vu en même temps que les dirigeants s’efforçaient de leur mieux d’assurer le développement de leur état et de la société » a souligné le patriarche Cyrille.

L’année qui a suivi cette visite, une église orthodoxe a ouvert en Colombie, qui est très active aujourd’hui.

« L’an dernier, j’ai visité de nouveau les pays d’Amérique latine, cette fois en tant que Patriarche : Cuba, le Paraguay, le Brésil. En mai 2016, nous avons fêté le 45e anniversaire de l’ouverture de la première église orthodoxe de La Havane : pendant quelques temps, elle avait cessé de fonctionner, puis, lorsque le nombre de Russes orthodoxes a commencé à augmenter sur l’île, nous avons eu l’idée de bâtir une nouvelle église, ce qui a été remarquablement exécuté avec l’aide de Fidel Castro. »

Sa Sainteté a partagé ses souvenirs de voyage à Cuba, l’an dernier. « Le président actuel de Cuba, Raoul Castro, a pris part à beaucoup de manifestations et cela nous a permis de mieux faire connaissance, d’avoir de longues conversations » a témoigné le patriarche Cyrille. J’ai aussi pu me rendre compte de la façon dont vivaient les Cubains et, bien sûr, du fonctionnement de la communauté orthodoxe de Cuba. »

De Cuba, le primat de l’Église orthodoxe russe était parti pour le Paraguay. « Ce pays entretient des liens particuliers avec le nôtre, a constaté le patriarche. Vous savez certainement qu’après la révolution d’octobre beaucoup de Russes, qui n’avaient pas accepté la révolution, ont émigré. Une grande partie des émigrés russes s’est installée au Paraguay. Le général Ivan Beliaev était à la tête de cette importante communauté russe, il a beaucoup fait pour l’organisation de paroisses orthodoxes au Paraguay. C’est avec un sentiment bien spécial que j’ai célébré la Divine liturgie dans notre église d’Asunción, celle où venaient prier les émigrés ruses au Paraguay. Comme vous le savez, les Russes ont joué un rôle important dans l’organisation des forces armées du Paraguay, notamment en participant aux opérations militaires que menait ce pays. Les noms de beaucoup d’entre eux sont immortalisés sur des plaques dans la Salle de la gloire d’Asunción, que j’ai eu l’occasion de visiter. J’ai rencontré deux fois le président du Paraguay, Oracio Cartes, et il m’a beaucoup parlé de la contribution des Russes à la vie de la société paraguayenne, au développement de la science, de l’enseignement et des forces armées de cet état. »

Sa Sainteté avait terminé son voyage de 2016 aux pays d’Amérique latine par une visite au Brésil, se rendant à Brasilia, San-Paolo et Rio-de-Janeiro. Le patriarche avait rencontré le président d’alors, les hiérarques catholiques du pays et célébré la Divine liturgie devant d’importantes foules à la cathédrale orthodoxe de San-Paolo, qui se trouve dans la juridiction du Patriarcat d’Antioche.

L’évènement central de la visite du Patriarche au Brésil avait été la célébration d’un office d’intercession devant la statue du Sauveur sur le mont Corcovado, à Rio-de-Janeiro. « Nous avons prié avant tout pour les chrétiens persécutés, pour ceux qui sont aujourd’hui poursuivis à cause de leurs convictions religieuses. Nous avons parlé de ceux qui meurent pour la foi au Proche-Orient, en Afrique du Nord, des chrétiens qui se sentent limités dans leur droit de confesser leur foi, même dans des pays considérés comme démocratiques. »

Le patriarche Cyrille a souligné l’importance de cette visite de dix jours dans les pays d’Amérique latine : « J’ai toujours senti, et cette fois plus particulièrement, qu’il y a beaucoup en commun entre la Russie et l’Amérique latine. D’abord, la foi chrétienne est très forte et vivante, c’est vraiment la foi de millions de personnes. Le christianisme, dans notre pays comme en d’Amérique latine, est un facteur important non seulement dans la vie spirituelle, mais aussi dans la vie intellectuelle. En Russie comme en Amérique latine, j’ai vu des églises pleines à craquer, j’ai vu d’excellents exemples de mission chrétienne, notamment parmi les pauvres. J’ai remarqué un grand intérêt pour la Russie, nous avons partout été accueilli chaleureusement et avec émotion, reçu de nombreuses marques de sympathie. »

Selon le patriarche, le rôle du christianisme n’est pas suffisamment pris en compte dans les relations entre la Russie et les pays d’Amérique latine. « J’estime très important de prendre ce facteur en compte, parce que nous avons beaucoup en commun, notamment dans le domaine des valeurs » a constaté le patriarche de Moscou et de toute la Russie.

Sa Sainteté a constaté avec regret la crise de la foi chrétienne qui se fait sentir dans plusieurs parties du monde, notamment dans les pays d’Europe occidentale et en Amérique du Nord. « Ce sont ces pays qui étaient les leaders du monde chrétien, mais ils ont cessé de l’être, a continué le patriarche Cyrille. Au contraire, en Amérique latine, on ne vend pas les églises pour en faire des institutions laïques, on ne ferme pas les églises. En Russie, on en construit en grand nombre. La vie religieuse connaît un nouveau souffle, et c’est encore un point commun entre la Russie et les pays d’Amérique latine. »

Le primat de l’Église orthodoxe russe a parlé à ses invités du programme de construction de 200 églises, en cours à Moscou. « A l’heure actuelle, nous avons déjà bâti plus de 40 églises, mais nous commençons à comprendre que 200, ce ne sera pas assez. Nous ne faisons que commencer à construire, et les églises sont déjà si pleines qu’il n’y a pas de place, à la liturgie dominicale les gens n’ont pas où se tenir. » Comme le remarquait le patriarche, en dehors de la célébration des offices, les paroisses réalisent différents programmes sociaux et culturels.

« Comme l’Amérique latine et la Russie ont un rôle particulier à jouer dans la sauvegarde et le développement du christianisme contemporain, nous avons décidé que la première rencontre de l’histoire entre le Patriarche de Moscou et de toute la Russie et le Pape de Rome devait avoir lieu sur le sol latino-américain, a raconté Sa Sainteté. Les problèmes qui sont apparus dans les rapports entre les Églises d’Orient et d’Occident, entre orthodoxes et catholiques, sont beaucoup liés au contexte historique européen. Mais ils n’ont touché directement ni la Russie à l’époque, ni l’Amérique latine. Nous avons hérité des conséquences de la séparation qui s’est produite. Certes, aujourd’hui, entre orthodoxes et catholiques, il existe des différences, notamment des divergences théologiques. Nous avons conscience de leur importance et soutenons le dialogue théologique qui se poursuit entre nos Églises. Nous ne cherchons pas à minimiser ces divergences, mais nous comprenons en même temps que les chrétiens d’Amérique latine et de Russie peuvent réellement collaborer, qu’ils peuvent jouer de la force du christianisme pour résoudre de nombreux problèmes inquiétant la société d’aujourd’hui. »

Sa Sainteté le Patriarche Cyrille de Moscou et de toute la Russie a constaté que la rencontre de Cuba n’était pas consacrée à la théologie, mais aux problèmes qui préoccupent le monde entier aujourd’hui, chrétiens et non chrétiens.

« C’est pourquoi nous avons décidé de nous rencontrer en Amérique latine, dans un pays qui est très éloigné de l’histoire des divergences, qui se sont produites en Europe. Par ailleurs, nous voulions souligner qu’il est impossible aujourd’hui de parler d’eurocentrisme ou d’américano-centrisme dans la famille chrétienne. Aujourd’hui, les peuples d’autres pays jouent un grand rôle dans la résolution des problèmes qui se posent aux chrétiens » a témoigné le patriarche.

Il a raconté que le principal thème discuté pendant la rencontre était la défense des chrétiens persécutés. Le patriarche Cyrille et le pape François ont aussi évoqué la lutte contre le terrorisme et d’autres thèmes d’actualité, notamment la situation en Ukraine. La valeur de la famille, la nécessité de défendre la vie humaine dès l’instant de la conception ont été soulignées. La Déclaration commune adoptée après la rencontre appelle l’Église à poursuivre sa mission pacificatrice ; elle souligne la nécessité d’une collaboration entre catholiques et orthodoxes pour la défense des valeurs chrétiennes de la civilisation européenne.

« Je dois dire que depuis cette rencontre nos relations bilatérales sont devenues plus intensives, a constaté le patriarche Cyrille. Nous espérons que les orthodoxes et les catholiques apporteront leur contribution à la résolution des problèmes qui inquiètent aujourd’hui l’humanité. »

Durant la suite de la rencontre, le primat de l’Église orthodoxe russe a évoqué les points communs dans la vision du monde des Latino-américains et des Russes. « Nous sommes attachés à la foi chrétienne, d’une part, et d’autre part, nous avons un sens très aigu de la justice et de l’aspiration à la liberté. Ceci est caractéristique des chrétiens d’Amérique latine, mais reflète aussi en grande partie la façon qu’ont les orthodoxes russes de voir le monde. »

Sa Sainteté a affirmé sa conviction : « Nous pouvons contribuer ensemble à expliquer comment doit se développer l’économie mondiale. Il est évident que la globalisation actuelle ne fait que renforcer les positions des gens les plus riches, entre les mains desquels sont concentrées des ressources matérielles et financières colossales, et donc un immense pouvoir que ni l’état ni le peuple ne peuvent contrôler. On peut donc se poser la question : qu’est-ce que la démocratie, si le pouvoir réel n’est pas contrôlé par le peuple ni même par l’état ? Des millions de personnes souffrent de ce pouvoir. Je pense qu’on le ressent aussi bien en Amérique latine qu’en Russie et dans d’autres pays du monde. »

Selon le Primat de l’Église orthodoxe russe, de ses entretiens avec les chefs d’état latino-américains, il a conclu que le thème d’une économie sociale était important pour les gouvernements de nombreux pays d’Amérique latine. « Il me semble que l’avenir dépend de ce que nous pourrons faire pour surmonter la pauvreté, pour que le processus de réalisation du pouvoir devienne plus transparent » a assuré le patriarche. « Certes, il faut instruire, éduquer les gens. En tant que pasteur, je tiens à souligner l’importance de l’éducation spirituelle. Je pense qu’ensemble nous pouvons et devons défendre la diversité culturelle, ethnique et linguistique de nos pays, car en Russie comme en Amérique latine, on observe une mosaïque ethnique très variée. Je suis convaincu qu’ensemble nous pouvons contribuer à la diffusion d’un modèle de relations paisibles, fondées sur le respect mutuel, entre les pays et entre les peuples. »

A la fin de son discours, le patriarche Cyrille de Moscou et de toute la Russie a dit sa conviction qu’en partant de ce qui était commun aux peuples de Russie et d’Amérique latine, il fallait élaborer un dialogue intensif et collaborer dans tous les domaines : religieux, politique, économique et culturel.

Au nom des chefs des représentations diplomatiques, l’ambassadeur de Cuba en Russie, Emilio Losada Garcia, s’est adressé au patriarche Cyrille.

Remerciant le primat de l’Église orthodoxe russe de les avoir reçu et de s’être entretenu avec eux, l’ambassadeur a constaté : « Nous voyons en vous un homme qui a beaucoup d’influence, aussi bien dans la Fédération russe que dans l’ensemble du monde slave. Nous voyons aussi la force que représente l’Église orthodoxe russe, qui joue un rôle immense dans la vie religieuse de nos pays. L’Église répand et renforce les valeurs spirituelles dans la société russe, et c’est pourquoi elle a une si grande importance. »

Emilio Losada Garcia a exprimé sa solidarité avec l’opinion exprimée par le patriarche Cyrille sur la communauté de valeurs entre la Russie et l’Amérique latine, malgré la distance géographique. Par ailleurs, les relations entre la Russie et les peuples latino-américains sont tout à fait pacifiques et se développent de façon positive. « Ensemble, nous nous déclarons pour le droit international, pour que l’ONU joue un rôle moteur, a poursuivi le diplomate. Nous avons aussi intérêt à renforcer nos relations culturelles, nos liens économiques. »

Emilio Losada Garcia a qualifié de grand honneur pour la région latino-américaine la rencontre historique de Cuba, en février 2016, entre le patriarche Cyrille de Moscou et de toute la Russie et le pape François de Rome.

Il a aussi témoigné de ce que les communautés orthodoxes dans les pays d’Amérique latine, notamment à Cuba, occupaient une place importante dans la société.

Dans la suite de l’entretien, les diplomates d’Amérique latine ont pu poser leurs questions au primat de l’Église orthodoxe russe et partager leurs impressions sur cet échange.