Éminences et Excellences,

Chers pères, frères et sœurs,

 

Une année s’est écoulée depuis la rencontre du Pape François de Rome et du Patriarche Cyrille de Moscou et de toute la Russie à La Havane, le 12 février 2016. Cet anniversaire est l’occasion de réfléchir à l’importance de l’évènement, de discuter de ses premiers fruits et de parler des perspectives des relations entre catholiques et orthodoxes à la lumière de la rencontre de l’an dernier. J’aimerais remercier Mgr Charles Morerod, évêque de Lausanne, de Genève et de Fribourg, ainsi que la direction de l’université de Fribourg, d’avoir organisé cette manifestation.

La rencontre du Pape et du Patriarche a presque immédiatement été qualifiée d’historique. Et ce à juste titre. D’une part, elle est la première rencontre d’un Primat de l’Église orthodoxe russe et d’un évêque de Rome dans l’histoire. Pour qu’elle ait lieu, il a fallu parcourir un chemin de vingt années, surmonter des obstacles sérieux et des préjugés. D’autre part, cette rencontre est aussi historique parce qu’elle est l’expression visible de la confiance et de la compréhension mutuelle auxquelles sont parvenues nos Églises ces derniers temps, ouvrant de nouvelles perspectives historiques aux relations catholiques-orthodoxes.

Par ailleurs, on ne saurait ignorer que la rencontre de Cuba a eu une importance socio-politique primordiale grâce au message contenu dans la Déclaration commune des chefs des deux Églises, adressé aux leaders religieux et politiques du monde entier, ainsi qu’à tous les hommes de bonne volonté. La principale raison de cette rencontre était d’ailleurs la situation tragique résultant des conflits militaires et des actions des terroristes au Proche Orient et en Afrique du Nord.

La rencontre, volontairement organisée en Amérique latine, « loin des vieilles querelles de « l’Ancien monde » », devait déterminer de nombreuses décisions et actions des deux Églises, appelées à influencer le cours de l’histoire. Ceci concerne les relations inter-ecclésiales, internationales et sociales. De fait, dès le premier paragraphe de la déclaration de La Havane, trois groupes de thèmes sont mentionnés, comme ayant été abordés pendant la rencontre des deux Primats et se reflétant dans le texte : « les relations mutuelles entre les Eglises, les problèmes essentiels de nos fidèles et les perspectives de développement de la civilisation humaine » (§1).

La déclaration commune aborde avec honnêteté les problèmes existant entre les Églises. Le document constate avec regret que les catholiques et les orthodoxes sont « depuis presque mille ans, privés de communion dans l’Eucharistie » (§5). Cette division a des causes théologiques et culturelles. Elle est cependant avant tout la conséquence « des blessures causées par des conflits d’un passé lointain ou récent, par des divergences, héritées de nos ancêtres, dans la compréhension et l’explicitation de notre foi en Dieu, un en Trois Personnes – Père, Fils et Saint Esprit. Nous déplorons la perte de l’unité, conséquence de la faiblesse humaine et du péché, qui s’est produite malgré la Prière sacerdotale du Christ Sauveur : «Que tous soient un. Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu’eux aussi soient un en nous» (Jn 17, 21). » Si cette division, résultat du péché, contredit la volonté du Christ sur Sa Sainte Église, on ne peut l’accepter comme un fait normal. Le Pape et le Patriarche ont exprimé l’espoir que leur rencontre à La Havane allait « inspirer les chrétiens du monde entier à prier le Seigneur avec une ferveur renouvelée pour la pleine unité de tous ses disciples ». La rencontre de La Havane, selon ses participants, devait être un pas concret dans cette direction, un signe d’espérance pour tous les hommes de bonne volonté.

La déclaration commune énumère ce qui unit aujourd’hui les orthodoxes et les catholiques. Le Patriarche et le Pape soulignent qu’ils « se rencontrent comme des frères dans la foi chrétienne ». Les paragraphes 1 et 4 évoquent la doctrine et la tradition spirituelle du premier millénaire commune aux orthodoxes et aux catholiques : la confession de la Sainte Trinité, la Divino-humanité de Jésus Christ, la vénération de la Mère de Dieu et des saints. Les martyrs font l’objet d’une mention spéciale, eux qui « ont manifesté leur fidélité au Christ et sont devenus semence de chrétiens » (§4). Le thème du martyre comme témoignage sans compromis de la foi chrétienne occupe une place centrale dans le document, soulignons-le.

Ce n’est pas un hasard si le Pape et le Patriarche qualifient de « martyre » les souffrances des chrétiens du Proche Orient : les chrétiens de notre temps, issus de diverses Églises, « témoignent au prix de leur vie de la vérité de l’Évangile, préférant la mort à l’apostasie du Christ. » « Unis par une commune souffrance, ils sont un gage de l’unité des chrétiens » (§12). Ainsi, le document établit un parallèle direct entre les martyrs des premiers siècles du christianisme, vénérés aussi bien par les orthodoxes que par les catholiques, et les martyrs de notre temps qui, devant la mort, surmontent les divisions existantes dans la profession commune de la foi chrétienne.

La mention de la renaissance du christianisme en Russie et dans d’autres pays d’Europe de l’Est est aussi remarquable. Cette année, la Russie commémorera le centenaire des évènements révolutionnaires de 1917, début des persécutions contre l’Église orthodoxe et les autres confessions chrétiennes dans le pays. En ces années terribles de lutte contre Dieu, des milliers d’orthodoxes ont suivi le chemin de croix du Christ. Ils sont aujourd’hui canonisés, faisant partie du cortège des Nouveaux-martyrs et confesseurs de l’Église russe. Les croyants d’autres Églises, notamment de l’Église catholique romaine, ont expérimenté avec eux ces souffrances.

Au XX siècle, le martyre n’a pas été seulement le gage de la renaissance de la vie de l’Église en Russie et dans d’autres pays d’Europe de l’Est après des décennies de totalitarisme : il a aussi posé les bases de la coopération entre orthodoxes et catholiques : « Orthodoxes et catholiques œuvrent souvent côte à côte. Ils attestent des fondements spirituels communs de la convivance humaine, en témoignant des valeurs évangéliques » (§14). La collaboration entre orthodoxes et catholiques se développe fructueusement en Russie, où, ces dernières 25 années, la sphère d’action inter-ecclésiale s’est considérablement élargie, englobant différents aspects de la vie de la société, ce qui était absolument impossible à l’époque soviétique, lorsque les autorités limitaient l’action de l’Église. Le témoignage des martyrs des premiers siècles, de ceux du XX siècle et de notre temps est une base pour le rapprochement et le travail commun entre les Églises dès à présent, avant même que les obstacles théologiques soient levés sur le chemin de l’unité.

En même temps, j’ai la satisfaction de constater que c’est justement l’année de la rencontre de La Havane que nous sommes parvenus à initier une dynamique positive dans le dialogue théologique orthodoxe-catholique. Un document important a été adopté après de longues discussions, en septembre dernier, pendant la XIV session plénière de la Commission mixte pour le dialogue théologique entre l’Église orthodoxe et l’Église catholique romaine, à Chieti, en Italie, sous le titre : « La synodalité et la primauté au cours du premier millénaire: vers une compréhension commune au service de l’unité de l’Église ». Ce texte est une étape, qui permettra aux deux antiques traditions chrétiennes d’avancer dans le dialogue. J’espère que dans un proche avenir nous pourrons passer à l’examen de ce qui est au cœur de notre division : la synodalité et la primauté dans les Églises d’Orient et d’Occident au second millénaire.

Les conditions historiques dans lesquelles sont placés aujourd’hui les chrétiens, ainsi que les défis auxquels est confrontée l’humanité, nous obligent à apprendre à vivre et à agir dans ce monde non en concurrents, mais en frères, même avant la restauration de la pleine communion, afin de défendre ensemble les valeurs que nous avons en commun. La rencontre des Primats des deux plus grandes Églises chrétiennes a montré qu’ils comprenaient que la situation dans le monde exigeait des mesures urgentes et, comme le dit la déclaration, concertées.

La tragédie du génocide des chrétiens du Proche Orient et des pays d’Afrique du Nord et d’Afrique centrale a occupé une place centrale dans l’entretien des deux Primats, place qu’elle occupe aussi dans la déclaration. Le Pape de Rome et le Patriarche de Moscou et de toute la Russie ont appelé à s’unir contre l’extrémisme : les leaders politiques doivent surmonter leurs divergences et s’allier pour lutter contre la menace commune. Ce puissant appel, lancé des profondeurs d’un cœur croyant, ne pouvait pas ne pas être entendu. Immédiatement après la rencontre, des représentants de la Russie et des États-Unis se sont accordés sur un cessez-le-feu en Syrie, lors des négociations de Munich. L’État syrien et l’opposition ont donné leur accord à cette trêve. Ce fut un premier pas permettant d’avancer dans la direction indiquée dans la Déclaration commune du Pape et du Patriarche.

Durant l’année écoulée, notamment à cause de la montée des tensions autour d’Alep et de Mossoul, la hiérarchie de l’Église orthodoxe russe, lors de ses rencontres avec la direction et les représentants des États-Unis et des pays d’Europe occidentale n’a cessé de soulever la question du conflit au Proche Orient et des persécutions contre les chrétiens dans la région, soulignant qu’il était nécessaire de s’unir pour lutter contre le terrorisme dans le cadre d’une coalition unique.

Dance ce contexte, j’aimerais insister sur les visites de Sa Sainteté le Patriarche Cyrille de Moscou et de toute la Russie en Grande-Bretagne et en France, à la fin de l’année 2016. Sa Sainteté a rencontré les plus hauts représentants du pouvoir et abordé la question du Proche Orient.

Une avancée concrète dans le développement de la coopération inter-ecclésiale pour le soutien de la population chrétienne du Proche Orient a été la visite d’un groupe de représentants de l’Église orthodoxe russe et de l’Église catholique romaine au Liban et en Syrie, les 6 et 7 avril 2016. Les consultations tenues pendant ce séjour avec les différentes confessions doivent servir de base à l’élaboration de projets communs à venir, dont le but sera le soutien de nos frères et sœurs en détresse. Plusieurs objectifs primordiaux ont été définis, qui exigent d’être résolus afin que le but global soit atteint, c’est-à-dire la conservation de la présence chrétienne dans la région. Parmi ces objectifs, restaurer les églises et les monastères, qui sont traditionnellement des centres d’attraction pour les communautés chrétiennes, assurer à la population, en particulier à la jeunesse, un travail, restaurer l’infrastructure économique traditionnelle en Syrie. Les Syriens attendent que la communauté internationale leur accorde une aide conséquente sur ces différents points, une fois la guerre terminée dans leur pays.

Très récemment, du 9 au 12 janvier 2017, le V forum orthodoxe-catholique européen s’est tenu à Paris. Cette manifestation est organisée tous les deux ans par le Conseil des conférences épiscopales d’Europe en partenariat avec les Églises orthodoxes locales. Cette année, le forum avait pour thème la menace terroriste, directement impliquée dans la situation au Proche Orient et touchant aujourd’hui tout le monde sans exception. Intervenant lors de ce forum, j’ai proposé un exposé sur la violation des droits et des libertés religieuses, dans lequel j’ai souligné que « aujourd’hui plus que jamais, il importe que les églises soient solidaires dans leur témoignage devant le monde, insistant sur la nécessité de prendre des mesures urgentes pour la défense de la population chrétienne du Proche Orient. Le système global de relations politiques et internationales subit actuellement de sérieuses modifications, ce qui nous donne une chance d’y réserver une place pour la défense des droits et des intérêts des chrétiens du Proche Orient et d’Afrique. » Dans son message final, le Forum a déclaré qu’une collaboration étroite entre orthodoxes et catholiques devenait nécessaire face aux défis inconnus auparavant auxquels est confronté le monde moderne. Il a exprimé sa solidarité avec les chrétiens martyrisés du Proche Orient, d’Afrique et d’Asie, condamnant toute forme de discrimination religieuse. Le Forum a été aussi une nouvelle contribution commune des Églises orthodoxe et catholique-romaine à l’œuvre de la paix et de la concorde entre les chrétiens et les musulmans sur la terre du Proche Orient tant éprouvée.

J’ose espérer que l’appel des deux Primats à tout faire pour arrêter le bain de sang en Ukraine sera enfin entendu par les parties impliquées dans le conflit et qu’une paix stable s’établira dans ce pays où orthodoxes et catholiques vivent côte à côte. Cet appel devient particulièrement actuel aujourd’hui, devant le regain de tension en Ukraine, où les opérations militaires ont récemment repris et où les civils recommencent à être victimes de la guerre. Lors du 25e anniversaire de l’indépendance ukrainienne, célébré en août 2016, le Patriarche Cyrille et le Pape François ont tous deux félicité les autorités du pays, les appelant une fois encore à faire leur possible pour trouver la voie d’un règlement pacifique au conflit. La hiérarchie de l’Église orthodoxe russe et le Saint Siège ont souvent souligné que le seul moyen de résoudre la question ukrainienne était d’appliquer les accords de Minsk. Malheureusement, nous sommes témoins du contraire, une fois de plus, on tente de régler la question par les armes.

Dans ces circonstances tragiques, le rôle des Églises croît considérablement. Elles sont appelées à agir ensemble au nom de la paix. On ne saurait parvenir à ce but sans que les orthodoxes et les gréco-catholiques s’efforcent de surmonter l’inimitié historique. Pour les orthodoxes, la déclaration, faite pour la première fois à La Havane au plus haut niveau, selon laquelle l’uniatisme n’est pas une méthode pour parvenir à l’unité entre les Églises et que le prosélytisme sous toutes ses formes est inadmissible dans les relations orthodoxes-catholiques, a été un pas important dans la restauration de la confiance. La déclaration commune n’a fait ici que confirmer la position du document mixte orthodoxe-catholique adopté en 1993 à Balamand, « L’uniatisme, méthode d’union du passé et la recherche actuelle de la pleine communion ». Cependant, nous savons avec quelle irritation la rencontre du Pape François avec le Patriarche Cyrille a été reçue dans l’Église gréco-catholique ukrainienne, et, plus particulièrement, les passages de la déclaration concernant directement l’Ukraine et l’uniatisme. A propos de la Déclaration commune, l’archevêque suprême de l’EGCU, Sviatoslav Chevtchouk, a dit : « Nous avons survécu à plus d’une déclaration semblable, nous survivrons bien à celle-ci ».

Une fois encore, malgré les accords auxquels nous sommes parvenus au prix de grands efforts au plus haut niveau entre les Églises orthodoxe et catholique, l’uniatisme se révèle une force semant l’hostilité et la haine, empêchant systématiquement et volontairement la réconciliation entre l’Orient et l’Occident. Voilà pourquoi nous estimons qu’il faut poursuivre la discussion sur l’uniatisme, déjà commencée dans le cadre du dialogue théologique entre l’Église catholique romaine et l’Église orthodoxe, mais non achevée, afin de la mener à sa conclusion logique.

Orthodoxes et catholiques doivent prendre enfin conscience que la vieille psychologie de concurrence et de « pêche aux âmes » doit céder la place à une collaboration fraternelle pour faire face aux défis auxquelles sont confrontées nos Églises en Europe où, sous couvert de promotion des idées de tolérance, de démocratie, de diffusion des valeurs libérales, se déchaîne une véritable persécution contre le christianisme et les valeurs traditionnelles. C’est ce à quoi nous appelle avec une nouvelle force la Déclaration commune du Patriarche Cyrille et du Pape François. Elle fait une large place au thème du mariage, de la famille et de l’enfance, base de toute société saine. Répondant aux tendances alarmantes à mettre la famille traditionnelle sur le même plan que « des formes alternatives de cohabitation », telles qu’elles se développent dans certains pays occidentaux, les Primats des deux Églises, conformément à une tradition chrétienne de deux millénaires, soulignent que la famille, union d’un homme et d’une femme d’où naissent des enfants, est un « chemin de sainteté » (§19).

La première conséquence de l’oubli du dessein de Dieu sur la famille appelé à transmettre la vie, est la situation autour de l’avortement, absolument effrayante. Le Patriarche et le Pape ne pouvaient passer sous silence cette tragédie : « Nous appelons chacun au respect du droit inaliénable à la vie. Des millions d’enfants sont privés de la possibilité même de paraître au monde » (§21). En Russie, premier pays du monde à avoir légalisé l’interruption de grossesse, en 1920, après la révolution athéiste, plus d’un million de vies ont été interrompues en 2013 selon les statistiques officielles. Nous perdons au moins un million de personnes par an à cause de ces assassinats d’enfants légaux. L’interdiction légale n’est pas suffisante pour mettre fin à cette pratique inadmissible. Il faut surtout que tout parent potentiel renonce à l’idée même de meurtre de son propre enfant. Pour cela, il est nécessaire de changer le regard des gens sur la vie, sur la famille, sur eux-mêmes.

La déclaration des deux Primats et l’encyclique Amoris laetitia, publiée au printemps dernier par le Pape François, sont empreintes de ces convictions. Bien que ce dernier document soit le résultat des Assemblées générales des synodes des évêques de l’Église catholique de 2014 et 2015, qui se sont penchées sur les thèmes de la famille et du mariage dans le monde contemporain, de nombreuses positions exprimées dans la déclaration de La Havane y sont développées.

Plusieurs projets devant servir au rapprochement entre les fidèles des Églises orthodoxe et catholique romaine ont été évoqués pendant la rencontre du Pape et du Patriarche. Il s’agit notamment des pèlerinages aux sanctuaires communs. Vers les reliques de saint Nicolas, par exemple, à Bari, où les pèlerins orthodoxes se rendent en foule chaque année, tandis que des pèlerins de l’Église catholique viennent se recueillir dans les sanctuaires orthodoxes. Nous pouvons intensifier ces deux courants, pour que les gens, ayant la possibilité de se rendre dans les sanctuaires appartenant à une autre Église, se rencontrent et apprennent à se connaître. La rencontre de La Havane a provoqué dans les milieux catholiques un intense intérêt pour l’Église orthodoxe russe, sa riche histoire, ses traditions spirituelles et sa renaissance après des décennies de persécutions. Depuis l’an dernier, le nombre de pèlerinages de fidèles de l’Église catholique en Russie a significativement augmenté. Il suffit de dire que nous avons reçu depuis des groupes de prêtres, de séminaristes et de laïcs venus d’Irlande, d’Allemagne, d’Italie, de France. Cet intérêt semble aller croissant. Il est difficile de surestimer l’importance de ces contacts immédiats des croyants avec l’expérience spirituelle et les sanctuaires de l’autre Église. Ils permettent non seulement de s’enrichir spirituellement, mais aussi d’élargir son horizon culturel, de surmonter les vieux préjugés et d’abandonner des représentations erronées.

Un projet élaboré dans le cadre de la collaboration culturelle entre l’Église orthodoxe russe et le Saint Siège, mis en place en 2015, mais ayant reçu une nouvelle impulsion après la rencontre de la Havane, a aussi un grand potentiel éducatif. Nous organisons, en effet, une « Université d’été » avec l’Institut des Hautes Études Saints-Cyrille-et-Méthode pour les étudiants des établissements d’enseignement pontificaux. Ces étudiants catholiques viennent passer deux semaines en Russie, durant lesquelles ils peuvent non seulement perfectionner leur connaissance du russe, mais aussi apprendre à mieux connaître les traditions et la vie actuelle de l’Église russe, en visiter les lieux saints. Depuis 2016, un groupe de clercs et d’étudiants de l’Église orthodoxe russe peut aussi se rendre à Rome pour découvrir le travail des différentes institutions de la Curie romaine et l’organisation de l’enseignement dans les universités pontificales. Sans aucun doute, ces contacts réguliers, qui évoluent parfois en amitié, permettront aux fidèles de nos Églises, de répondre à l’appel du Pape et du Patriarche en prenant conscience qu’ils sont « non des concurrents, mais des frères », apprenant à « vivre ensemble dans la paix, l’amour et à avoir les uns envers les autres la même aspiration » (§24). Dans ce cas seulement, les orthodoxes et les catholiques pourront « collaborer fraternellement en vue d’annoncer la Bonne Nouvelle du salut » (§28).

Beaucoup des succès auxquels nous sommes parvenus l’an dernier dans les relations orthodoxes-catholiques ont été rendus possibles par la rencontre historique de Sa Sainteté le Patriarche Cyrille et de Sa Sainteté le Pape François le 12 février 2016. Elle n’a pas été seulement le bilan du développement des relations entre les Églises à l’heure actuelle, mais, ce qui est beaucoup plus important, elle a défini les orientations dont doivent s’inspirer ces relations pour se développer à l’avenir. La déclaration commune des deux Primats a été, je ne crains pas de le dire, une véritable charte, qui doit nous servir de repère et sur laquelle nous devons régler nos actions durant les années à venir. Seulement dans ce cas, notre témoignage commun sera digne du témoignage des martyrs chrétiens, qui ont confessé leur foi dans le passé et en témoignent dans le présent, étant déjà parvenus à l’unité devant le Trône de l’Agneau.

La rencontre de La Havane doit avoir des conséquences à long terme pour le monde entier. La parole du Pape et du Patriarche, empreinte de sollicitude pastorale et d’amour, s’adresse aux gens les plus divers, y compris aux leaders politiques et sociaux. Entendront-ils cette parole ? De cela dépend l’avenir de l’humanité.