Un séminaire consacré au Concile panorthodoxe, prévu pour le mois de juin sur l’île de Crète, a eu lieu le 11 mars 2016 à l’Institut des Hautes Études Saints-Cyrille-et-Méthode, avec la bénédiction de Sa Sainteté le Patriarche Cyrille.

Les deux intervenants étaient le métropolite Emmanuel de France (Patriarcat de Constantinople), président de l’Assemblée des évêques de France, et le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, président de la Commission synodale biblique et théologique, recteur de l’Institut des Hautes Études.

Prenaient part à l’évènement : le métropolite Arsène d’Istra, premier vicaire de Sa Sainteté le Patriarche de Moscou et de toute la Russie pour la ville de Moscou ; l’archevêque Eugène de Vereïa, président du Comité pédagogique de l’Église orthodoxe russe ; l’évêque Théophilacte de Dmitrov, supérieur du monastère Saint-André de Moscou ; l’évêque Serge de Solnetchnogorsk, directeur du Secrétariat du Patriarcat de Moscou ; l’évêque Pantéléimon d’Orekhovo-Zouïevo, président du Département synodal aux œuvres caritatives et au ministère social ; l’évêque Savva de Voskressensk, supérieur du monastère Novospassky de Moscou ; l’archimandrite Séraphin (Chemiatovski), représentant de l’Église orthodoxe des Terres tchèques et de Slovaquie auprès du Patriarcat de Moscou ; l’archimandrite Alexandre (Pikhatch), représentant de l’Église orthodoxe en Amérique ; l’archiprêtre Nicolas Balachov, vice-président du DREE ; l’archiprêtre Serge Privalov, président intérimaire du Département synodal aux relations avec les forces armées et les organes de maintien de l’ordre ; l’archiprêtre Vladimir Vorobiov ; A. Chichkov, secrétaire de la Commission synodale biblique et théologique.

L’ambassadeur de Grèce en Russie, G. Davaris, et N. Sapfo Stella, du Département d’information et de presse de l’Ambassade de Grèce.

L’Institut des Hautes Études était représenté par son vice-recteur, le hiéromoine Jean (Kopeïkine), l’archiprêtre Vladimir Chmaly, chargé d’études à l’Institut, M. Palacio, responsable de la Direction des études et de la méthodologie ; et V. Katassonov, chef du département de philosophie.

Accueillant l’assemblée, le métropolite Hilarion a dit : « La décision de convoquer le Concile a été prise à la Synaxe des Primats des Églises orthodoxes locales à laquelle participait Sa Sainteté le Patriarche Cyrille de Moscou et de toute la Russie. Nous nous sommes alors adressés au Patriarche Bartholomée de Constantinople, pour demander d’envoyer sur le territoire de l’Église russe un hiérarque autorisé du Patriarcat œcuménique, qui pourrait exposer le point de vue de ce Patriarcat sur la préparation et le déroulement du Concile panorthodoxe. »

La parole a été donnée au métropolite Emmanuel de France, qui a présenté un exposé sur le prochain Concile, ainsi que sur le contexte interorthodoxe et social général dans lequel est convoqué ce Concile.

Parlant de l’importance de la tenue du Concile, le métropolite Emmanuel a souligné : « Il manifestera au monde l’unité de l’Orthodoxie qui doit aujourd’hui apprendre à vivre et à intégrer sa pluralité à l’échelle mondiale et par conséquent panorthodoxe. »

L’une des principales questions à l’ordre du jour est la situation au Proche Orient, la situation désastreuse des communautés chrétiennes de cette région, menacées d’extermination. « Cette tragédie est humaine. Elle est historique et civilisationnelle à la fois. La menace de leur disparition est donc globale et nous couperait tout d’abord de racines spirituelles indispensables à l’inspiration d’une époque traversée par des changements profonds. »

Cette question était centrale dans la rencontre de Sa Sainteté le Patriarche Cyrille avec le Pape François de Rome à Cuba, a rappelé le métropolite Emmanuel de France, constatant l’importance de cette rencontre.

Parlant du contexte social et démographique dans lequel évolue aujourd’hui l’’Eglise orthodoxe, l’intervenant a mentionné que le nombre de personnes confessant l’Orthodoxie avait beaucoup augmenté durant le siècle dernier. Suivant une étude réalisée par le Collège des Bernardins de Paris, la population orthodoxe dans le monde est passée de 124 923 000 fidèles au début du XX siècle à 274 447 000 en 2010.

« Il ne s’agit donc pas seulement de manifester l’unité de l’Orthodoxie, mais aussi de rester au contact d’une Histoire, en tant que phénomène, qui trop souvent aujourd’hui tend à reléguer dans ses marges, le fait religieux. La sécularisation de l’Histoire est donc une déformation du regard sur le réel, une transformation des mémoires tout comme un changement des valeurs par lequel l’écriture de la vocation spirituelle de l’humanité s’efface au profit du matérialisme consumériste dont nous sommes les acteurs malgré nous. »

Mgr Emmanuel a également abordé la question des documents préparés dans le courant du processus préconciliaire et publiés récemment. « La lecture attentive des documents qui seront portés à l’attention du Concile démontre parfaitement la grande actualité des sujets traités. »

Dans son exposé, le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, a constaté : « Le Concile est en préparation depuis 55 ans en tout. C’est un délai important. Et certains se demanderont pourquoi la préparation a été si longue. Nous pourrions citer toute une série de causes ayant entraîné le report de la tenue du concile : il s’agit de causes propres à l’Église, ou géopolitiques. Cependant, le fait est que la date du Concile approche et nous avons à nous interroger : pourquoi la Providence divine a-t-elle conduit l’Église de façon à ce que le Concile panorthodoxe ne soit pas convoqué plus tôt, mais maintenant. Tout récemment, nous avons organisé une rencontre entre le Patriarche de Moscou et le Pape de Rome, rencontre dont la préparation a duré vingt ans : en 1996, une rencontre avait été préparée entre le Patriarche Alexis II, de bienheureuse mémoire, et le Pape Jean-Paul II. Elle était prévue pour 1997, le lieu et la date avaient été fixés, mais la rencontre n’a pas eu lieu. » Ensuite, des tentatives ont été faites pour reprendre les préparatifs, mais la rencontre a finalement eu lieu au moment où elle devait avoir lieu. Nous voyons que le Providence Divine nous indique le temps et le lieu de ce genre de rencontres historiques. »

Selon le témoignage du métropolite Hilarion, le Concile panorthodoxe, sous la forme sous laquelle il a été conçu, sera la première réunion des représentants de toutes les Églises orthodoxes locales depuis le VII Concile œcuménique. « Cela ne nous impose pas seulement une responsabilité particulière, mais pose aussi certaines questions à une partie des fidèles qui se demandent : que sera ce Concile, pourquoi est-il nécessaire ? Sera-ce un VIII Concile œcuménique, qui remettra en question les décisions des anciens Conciles ? N’adoptera-t-on pas des nouveautés qui affaibliront la fermeté de la Sainte Église orthodoxe dans la vérité ? Des voix se font entendre en ce sens, et c’est justement pour que l’ordre du jour et la thématique du Concile soient connus et accessibles à tous les fidèles que nous avons insisté dès le départ pour que tout le processus de préparation soit transparent, comme on dit aujourd’hui. Nous insistons sur le fait que les fidèles de toutes nos Églises locales doivent savoir quelles décisions se préparent, quels document seront adoptés » a dit le métropolite Hilarion.

Le Président du DREE a rappelé que le Patriarcat de Moscou avait insisté dès l’origine pour que les décisions conciliaires soient prises au consensus de toutes les Églises locales. « Nous entendons par consensus l’accord de toutes les Églises orthodoxes locales sur telle ou telle décision, accord qui doit s’exprimer dans chaque déclaration, a précisé le métropolite Hilarion. Nous avons adopté un règlement, suivant lequel chaque Église orthodoxe locale aura une seule voix. Le consensus signifie l’accord de pensée de toutes les Églises orthodoxes locales. Il ne signifie pas qu’il ne peut y avoir de divergences à l’intérieur d’une délégation, mais la question litigieuse devra être résolue au sein de cette délégation et ne devra pas poser problème au Concile. Si un hiérarque n’est pas d’accord avec un document ou avec une affirmation d’un document, il pourra le déclarer au sein de sa délégation, mais c’est la délégation qui prendra la décision de soutenir ou de ne pas soutenir le document en question. Le consensus entre délégation est la base sur laquelle fonctionnera le Concile panorthodoxe. Nous avons insisté dès le départ sur le fait que ce consensus devait être assuré au Concile et à toutes les étapes du Concile. »

Pour cette raison, l’ordre du jour du Concile panorthodoxe, sous sa forme actuelle, n’est pas imposant, ni impressionnant, a poursuivi le métropolite Hilarion : « Visiblement, nous ne prendrons aucune décision capitale qui ferait l’effet d’un coup de tonnerre dans le monde entier, mais nous prendrons des décisions qui doivent aller dans le sens de la doctrine multiséculaire de notre Sainte Église orthodoxe, refléter les attentes du peuple de Dieu. Des décisions qui ne doivent être discutées par personne. »

En dehors du Règlement du Concile, six textes figurent à l’ordre du jour du Concile : Le sacrement du mariage et ses empêchements ; L’importance du jeûne et son observance aujourd’hui ; Les relations de l’Église orthodoxe avec l’ensemble du monde chrétien ; L’autonomie et la manière de la proclamer ; La mission de l’Église orthodoxe dans le monde contemporain et La diaspora. Ce dernier a été adopté dès 2009 à la IV Conférence préconciliaire panorthodoxe. Les documents sur l’autonomie et le jeûne ont été adoptés pendant la V Conférence préconciliaire panorthodoxe en 2015. Le document « La mission de l’Église orthodoxe dans le monde contemporain », qui est une réponse conciliaire des Églises orthodoxes à de nombreuses questions de l’époque contemporaine et consacré principalement aux questions de société, a été adopté pendant la Synaxe des Primats et des représentants des Églises orthodoxes locales, en janvier de l’année en cours, à Genève.

Suivant le président du DREE, deux documents posent question. L’un d’eux, « Le sacrement du mariage et ses empêchements », a été discuté à la synaxe de janvier. Ce document est reconnu par une grande partie des Églises, mais n’a pas été signé des représentants des Patriarcats d’Antioche et de Géorgie. « Pour autant que nous sachions, l’Église orthodoxe de Géorgie oppose des raisons de principe : la mention de la possibilité des mariages mixtes (avec des hétérodoxes) et de la bénédiction de ces mariages par économie a suscité la critique de cette Église. » Le document sur « Les relations de l’Église orthodoxe avec l’ensemble du monde chrétien » a été signé de toutes les Églises orthodoxes à la conférence préconciliaire de 2015. Néanmoins, après cette réunion et après la synaxe, le Saint Synode de l’Église orthodoxe de Géorgie, réuni le 12 février 2016, a rejeté ce texte, y apportant des amendements et des remarques de principe. Par ailleurs le Règlement du Concile n’a pas été signé par la délégation de l’Église orthodoxe d’Antioche.

Le métropolite Hilarion a donc demandé au métropolite Emmanuel comment agirait le Patriarcat de Constantinople au sujet de ces documents qui n’ont pas été signés de tous ou sont critiqués par différentes Églises.

« Nous devons prêter attention aux raisons pour lesquelles ces textes n’ont pas été signés de l’’Eglise orthodoxe d’Antioche et critiqués par l’Église orthodoxe géorgienne. Ce sont des raisons différentes, a remarqué le représentant du Patriarcat de Constantinople. Nous ne prenons pas de décisions unilatérales et ne pouvons prévoir ce qui se passera au Concile, mais il s’agit d’un processus, et nous devons continuer à prier et à tout faire pour trouver une solution aux problèmes existant dans les relations entre les Églises orthodoxe d’Antioche et de Jérusalem, et pour qu’elles acceptent ces documents. Quant à l’Église de Géorgie, nous devons attendre ses commentaires pour comprendre pourquoi elle a rejeté ce texte. »

Le président du DREE a approuvé la dernière thèse du métropolite Hilarion, disant à son tour espérer que les divergences qui se sont exprimées pendant la première partie du Concile seraient résolues avant le Concile. « De notre côté, nous ferons tout pour assurer le succès du Concile panorthodoxe » a constaté le métropolite Hilarion.

Le métropolite Arsène, l’évêque Serge de Solnetchnogorsk et l’évêque Savva de Voskressensk ont posé des questions relatives à la thématique, au règlement et au protocole du Concile.

L’archiprêtre Nicolas Balachov a remercié le métropolite Emmanuel de sa visite. « Le processus de préparation au Concile dans les quelques mois qui restent est très important pour nous, a dit le vice-président du DREE. Je suis convaincu que ce temps doit être au maximum rempli d’évènements pareils au séminaire d’aujourd’hui. Nous avons besoin de développer par tous les moyens la communication entre Églises orthodoxes locales, d’échanger sous différentes formes, y compris sous la forme de rencontres comme celle d’aujourd’hui, afin de sentir l’atmosphère, de sentir les dispositions, d’écouter avec attention des voix différentes et d’être extrêmement attentifs aux divergences qui peuvent exister entre nous. »