Message de Pâques de Sa Sainteté le Patriarche Cyrille de Moscou et de toute la Russie

aux archipasteurs, pasteurs, moines et à tous les fidèles enfants de l’Église orthodoxe russe.

Éminences, révérends pères, vénérables moines et moniales, chers frères et sœurs !

C’est avec joie que je vous salue de l’ancienne et éternellement nouvelle, vivifiante et victorieuse acclamation :

LE CHRIST EST RESSUSCITÉ !

L’admirable harmonie de ces mots véritablement vivifiants contient le fondement de notre foi, le don de l’espérance, la source de l’amour.

Hier encore nous pleurions avec les disciples du Christ la mort de leur Maître bien-aimé ; aujourd’hui nous exultons avec le monde entier, visible et invisible : Le Christ est ressuscité, Lui l’éternelle allégresse (Canon de Pâques). Hier encore, tout espoir de salut semblait perdu ; aujourd’hui nous avons acquis la ferme espérance de la vie éternelle au jour sans déclin du Royaume de Dieu. Hier encore, le spectre de la corruption dominait la création, mettant en doute le sens même de l’existence terrestre ; aujourd’hui nous annonçons à tous la grande victoire de la Vie sur la mort.

Saint Paul, l’apôtre inspiré par l’Esprit divin, parlant du sens du miracle qui se produisit en cette lointaine nuit, toujours si proche de chaque chrétien, dit bien qu’il s’agit de l’évènement le plus important de notre foi. Car « Si le Christ n’est pas ressuscité, notre message est sans objet, et votre foi est sans objet » (I Cor 15, 14). La Pâque du Seigneur est le cœur et la force indestructible du christianisme. Suivant saint Philarète de Moscou elle crée l’espérance, elle enflamme l’amour, elle donne élan à la prière, elle fait descendre la grâce, elle illumine la sagesse, elle détruit toute calamité et même la mort, elle avive la vie, elle fait de la béatitude non plus un rêve, mais une réalité, de la gloire, non plus un fantôme, mais l’éclair éternel de la lumière éternelle, qui illumine tout sans rien foudroyer (Homélie du jour de Pâques, 1826).

La foi de l’Église en la résurrection du Christ est indivisiblement liée à la foi en ce que le Fils de Dieu incarné, ayant accompli la rédemption du genre humain, a détruit les chaînes du péché et de la mort, nous offrant la véritable liberté spirituelle et la joie de la réunion à notre Créateur. Nous avons tous pleinement part à ce don inestimable du Sauveur, nous qui sommes assemblés en cette nuit radieuse dans les églises orthodoxes afin de nous délecter, suivant le mot de saint Jean Chrysostome, du festin de la foi.

Pâques est la culmination du chemin épineux suivi par le Sauveur, couronné par ses souffrances et par son sacrifice sur le Golgotha. Pour cette raison, aussi bien dans les textes patristiques que dans les textes liturgiques, il est souvent dit du Christ qu’il est le « Premier héros de notre salut ». « C’est un exemple que je vous ai donné » (Jn 13, 15) dit le Seigneur à Ses disciples et nous appelant tous à suivre l’exemple de Sa vie.

Mais comment pouvons-nous imiter le Sauveur ? Quelle prouesse pouvons-nous accomplir dans le contexte de la vie contemporaine ? Aujourd’hui, lorsque nous prononçons ce mot, les gens l’associent souvent à l’image de quelque guerrier légendaire, d’un personnage historique ou d’un héros fameux du passé. Mais le sens de l’exploit ne consiste pas à s’acquérir une gloire retentissante ou à s’assurer la reconnaissance universelle. Par l’exploit, qui dépend toujours d’un effort intérieur et de restrictions personnelles, nous pouvons faire personnellement l’expérience de ce qu’est l’amour véritable et parfait, car l’abnégation, qui est le fondement de tout héroïsme, est la manifestation la plus haute de ce sentiment.

Le Seigneur nous appelle à la prouesse de la charité active, exprimée dans le service et le don de soi au prochain et avant tout de ceux qui ont le plus besoin de notre soutien : ceux qui souffrent, les malades, les personnes seules ou dépressives. Si cette règle de vie si clairement énoncée et exprimée dans la vie terrestre du Sauveur devient accessible à la majorité, les gens deviendront véritablement heureux. Car en servant les autres, l’homme reçoit beaucoup plus qu’il ne donne : le Seigneur Lui-même vient demeurer dans son cœur et la vie humaine est transformée par la communion à la grâce divine. De même qu’il n’y a pas de sainteté sans labeurs, de même qu’il n’y a pas de Résurrection sans Golgotha, il ne peut y avoir de transfiguration spirituelle et morale réelle de la personne sans héroïsme.

Lorsque l’héroïsme fait partie de la vie non plus simplement d’une personne en particulier, mais d’un peuple entier, lorsque s’unissent dans leur aspiration aux choses supérieures les cœurs de millions d’hommes prêts à défendre leur Patrie, à lutter pour des valeurs et des idéaux élevés, il se produit alors parfois des choses étonnantes, merveilleuses, voire inexplicables d’un point de vue purement logique. Un tel peuple acquiert une intense force spirituelle, qu’aucune calamité et qu’aucun ennemi ne peut vaincre. La Victoire dans la Seconde guerre mondiale, acquise grâce aux sacrifices et aux exploits de notre peuple sont un exemple éclatant de l’exactitude de cette analyse. Nous célébrons cette année avec solennité le 70e anniversaire de cette glorieuse date.

Dans les afflictions et les tentations, nous sommes appelés à garder notre calme et notre courage, car de grandes et glorieuses promesses de victoire du bien sur le monde nous ont été faites. Comment nous attrister et nous décourager ! Nous sommes l’Église du Christ sur laquelle, suivant la parole véridique du Seigneur, ne l’emportent pas même les portes de l’enfer (Mt 16, 18). La Révélation divine témoigne de nous en prophétisant que « Dieu essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort n’existera plus ; et il n’y aura plus de pleurs, de cris, ni de tristesse, car la première création aura disparu » (Ap 21, 4).

Dans la prière, je souhaite à vous tous, Éminences, frères archipasteurs, vénérables pères, chers frères et sœurs, force d’esprit, fermeté dans la foi, paix et joie inépuisable dans le Seigneur vainqueur de la mort. Pénétrés de la lumière de la Résurrection du Christ, communiant au mystère du miracle pascal, partageons notre joie triomphante avec nos proches et avec tous, témoignant du Sauveur relevé du tombeau.

Que les mots flamboyants de la salutation pascale nous réchauffent et nous consolent tout au long de notre vie, qu’ils nous donnent la vraie joie de l’existence et nous inspirent de bonnes œuvres :

LE CHRIST EST RESSUSCITÉ !

EN VÉRITÉ, IL EST RESSUSCITÉ !

 

CYRILLE,

PATRIARCHE DE MOSCOU ET DE TOUTE LA RUSSIE

 

Moscou,

Pâques 2015


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