Le 18 décembre 2013, à la résidence patriarcale du monastère Saint-Daniel, le Patriarche Cyrille de Moscou et de toute la Russie a reçu le Cardinal Kurt Koch, président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens.

Le cardinal Kurt Koch était accompagné du Nonce apostolique en Fédération de Russie, l’archevêque Ivan Jurkovic, du conseiller de la Nonciature, Mgr A. Yuzvovitch, et du père Hyacinthe Destivelle, du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens.

L’Église orthodoxe russe était représentée par le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, l’archimandrite Philarète (Boulekov), vice-président du DREE, le prêtre Alexis Dikarev, du secrétariat aux relations interchrétiennes du DREE.

Le Primat de l’Église orthodoxe russe a accueilli son hôte en disant : « J’apprécie de pouvoir échanger et dialoguer directement. J’estime qu’un tel dialogue est très important, en particulier à l’étape actuelle de la vie nos Églises ».

Sa Sainteté a rappelé que durant les deux années qui se sont écoulées depuis sa précédente rencontre avec le cardinal Kurt Koch, de nombreux évènements s’étaient produits dans les Églises orthodoxe russe et catholique romaine. « Durant cette période, l’Église romaine a changé de Pontife. Nous attendons beaucoup du nouveau pape François car ses déclarations, ce qu’il propose au monde et à la société correspond à notre propre vision des choses. Nous avons apprécié les nombreuses expressions de sympathie du Pape François, à l’adresse de notre Église, y compris lors de sa rencontre avec le métropolite Hilarion de Volokolamsk. Ces rencontres témoignent de la communauté de vue du Pape de Rome et du Patriarche de Moscou sur de nombreux thèmes inquiétant les gens dans le monde ».

Sa Sainteté a souligné l’identité des positions des deux Églises sur la situation au Moyen Orient, en particulier sur le conflit syrien. Le Patriarche Cyrille a mentionné ses visites en Syrie et au Liban, au tout début du conflit. « Ce que j’ai ressenti durant ces voyages (et cela s’est confirmé par la suite), c’est la menace d’une disparition de la population chrétienne, d’un exil des chrétiens des lieux où ils résident depuis pratiquement deux mille ans. Ce n’est pas seulement d’une grossière violation des droits de l’homme et de la liberté religieuse qu’il s’agit, mais de la souffrance des gens et, par ailleurs, d’une modification de la civilisation au Moyen Orient. C’est dans cette région que sont apparues les premières communautés chrétienne, musulmane et juive. En détruisant l’équilibre de ces communautés, on risque de changer le code culturel de ces régions ».

Sa Sainteté a mis aussi en avant la position du Pape François sur la Syrie, telle qu’il l’a énoncée dans sa lettre au Président Poutine en septembre 2013. « Je présume que l’identité de nos positions sur la Syrie est un bon point de départ pour le développement du dialogue entre nos Églises sur ce qui se passe aujourd’hui dans le monde » a dit le Primat de l’Église orthodoxe russe.

Orthodoxes et catholiques insistent aussi sur la préservation des valeurs familiales traditionnelles. « En Russie, en Ukraine et dans les autres pays du territoire canonique du Patriarcat de Moscou, nous nous efforçons de faire entendre la position de nos Églises sur cette question et menons une campagne active pour la conservation de la famille, la réduction du nombre des divorces, l’opposition à l’avortement et surtout pour la défense de l’institut de la famille en tant que tel. Nous savons qu’il ne s’agit pas d’un simple défi théorique au christianisme, mais d’actions pratiques, comme des modifications de la législation dans différents pays occidentaux. » Le Patriarche s’est montré satisfait que la famille soit une des priorités du Pape François, rappelant que l’Église russe et l’Église romaine travaillaient déjà ensemble sur cette question.

Le monde est aujourd’hui confronté à des inégalités sociales de plus en plus marquées. Le Patriarche a rappelé qu’avec la chute de l’URSS, le problème de la pauvreté était devenu d’une tragique actualité dans les anciennes républiques soviétiques. « Ce problème est, grâce à Dieu, en cours de résolution, le niveau de vie augmente, surtout en Russie, mais des foyers de pauvreté existent toujours et nous le gardons toujours à l’esprit lorsque nous nous adressons à la population. Les thèmes de la justice sociale, de la disproportion économique, du développement des actions caritatives et du ministère social de l’Église sont au centre de nos préoccupations. » Le Patriarche a constaté que l’Église catholique et son chef accordaient beaucoup d’attention à cette thématique.

« Je crois qu’il est très important que nous échangions nos opinions sur toutes ces questions dans le cadre d’un dialogue bilatéral formel et informel, d’autant plus que nos Églises sont engagées non seulement dans la discussion de ces thèmes, mais aussi dans la résolution de problèmes concrets ».

Le Patriarche a évoqué la situation de la population en Syrie, « proche de la catastrophe humanitaire. Nous collections des fonds, nos paroissiens font des dons. Et nous envoyons là-bas des convois d’aide humanitaire ».

Le Patriarche Cyrille a comparé le développement actuel de l’Église orthodoxe russe et les processus en cours dans l’Église catholique depuis l’élection du Pape François.

Le Pape souligne l’importance du rôle du Synode des évêques. Il a créé un conseil de cardinaux qui l’assistent dans la résolution des problèmes qui se posent à l’Église.

Dans l’Église orthodoxe russe, un Haut conseil a récemment été créé. Il se compose des directeurs de toutes les institutions ecclésiastiques. Il y a quelques années, un nouvel organe, entièrement collégial, est apparu à l’intérieur de l’Église russe. Il s’agit de la Conférence interconciliaire. Elle se compose d’évêques, de prêtres et de laïcs. C’est cette institution qui prépare les documents importants examinés ensuite au Concile ou au Synode, après avoir fait l’objet d’une discussion ouverte à l’ensemble des fidèles. Nous les envoyons dans les diocèses, les gens peuvent donner leur avis, tout est publié sur internet. Nous recevons des milliers et des milliers de corrections et de remarques. Ensuite, nous en tenons compte dans la rédaction suivante. Le document est alors discuté en assemblée plénière, puis présenté au Synode et au Concile épiscopal. Au final, nous avons un document soutenu par le peuple ». Comme le remarque Sa Sainteté, la Conférence interconciliaire est un organe de conciliarité aidant l’Église orthodoxe russe à prendre les décisions qui seront soutenues par le plus grand nombre dans le contexte actuel. « Nous suivons attentivement l’évolution du thème de la conciliarité et du primat dans le cadre du dialogue entre les Églises catholiques et orthodoxes » a constaté le Patriarche Cyrille.

Le Cardinal Kurt Koch a transmis au Patriarche Cyrille les salutations et les bons souhaits du Pape François.

« Chaque Église a son trésor, a-t-il remarqué. Dans son message, le Pape François dit ouvertement que nous avons beaucoup appris des orthodoxes, en particulier en ce qui concerne la collégialité et la conciliarité ».

Le chef du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens a également signalé le rejet des valeurs chrétiennes par le monde moderne, dont l’une des manifestations était la crise de la famille.

Suivant le cardinal K. Koch, la position solidaire des Églises sur la situation en Syrie et au Moyen Orient en général a une grande importance. Il a dit avoir beaucoup entendu de paroles de reconnaissance adressées par les patriarches catholiques orientaux au Patriarche Cyrille, qui s’était rendu en Syrie et au Liban dans une période difficile. « Le fait que le christianisme est en voie de disparition dans cette région est très inquiétant. S’il n’y reste que des pierres et que les gens sont partis, perdons l’essentiel » a-t-il affirmé.

Pendant l’entretien qui a suivi, les interlocuteurs ont discuté de l’état du dialogue théologique dans le cadre de la Commission internationale mixte et des difficultés qu’il traverse.

A la fin de la rencontre, qui s’est déroulée dans un climat de dialogue constructif, des cadeaux ont été échangés.