Le Primat de l’Église orthodoxe russe invité à une réception à l’ambassade de grèce pour la fête du Triomphe de l’Orthodoxie
Le 16 mars 2011 a eu lieu à l’ambassade de Grèce à Moscou la réception traditionnelle suivant le Dimanche de l’Orthodoxie. Le patriarche Cyrille de Moscou et de toute la Russie assistait aux festivités.
Parmi les invités se trouvaient également le métropolite Juvénal de Kroutitsy et Kolomna, le métropolite Barsanuphe de Saransk et Mordovie, l’archevêque Niphon de Philippopolis (Patriarcat d’Antioche), l’archimandrite Stéphane Dispirakis (Patriarcat de Jérusalem), le hiéromoine Théoctiste Dimitrov (Patriarcat de Bulgarie), l’évêque Serge de Solnetchnogorsk, l’archiprêtre Vsevolod Tchapline, président du Département synodal aux relations entre l’Église et la société, V. Legoïda, président du Département synodal d’information, l’archiprêtre Vladimir Divakov, secrétaire du patriarche pour la ville de Moscou, l’higoumène Philippe (Riabykh), vice-président du Département des relations extérieures du Patriarcat de Moscou, le prêtre Igor Iakimtchouk, du secrétariat aux relations inter-religieuses du Département des relations extérieures, le hiéromoine Antoine (Serviouk), directeur du secrétariat personnel du Patriarche. Des représentants des religions traditionnelles étaient présents à la réception, à laquelle étaient également conviés différents membres du gouvernement.
Le Primat de l’Église orthodoxe russe a été accueilli par Mikhaïl Spinellis, ambassadeur plénipotentiaire de la République grecque en Russie.
Sa Sainteté et M. Spinellis ont procédé à un échange de cadeaux. L’ambassadeur de Grèce a offert au Patriarche Cyrille un bateau d’argent. Sa Sainteté a remis au chef de la représentation diplomatique de Grèce en Russie un exemplaire unique en fac-similé de l’édition du livre de saint Épiphane le Sage sur la vie de saint Serge de Radonège et une représentation miniuature de l’higoumène des terres russes.
L’ambassadeur de Grèce s’est ensuite adressé à ses invités. Il a évoqué les différentes épreuves subies par les peuples russe et grec durant l’année écoulée : les attentats de Moscou, la grave crise économique traversée par la Grèce. « L’Église orthodoxe, a souligné M. Spinellis, est en mesure de déterminer les valeurs spirituelles qui permettront d’améliorer notre monde et notre société. Il s’agit du refus de la violence, de l’amour du prochain, de la critique des comportements consomnateurs, de l’acceptation des valeurs spirituelles, de la compréhension des particularités de chaque membre de la société, de la tolérance envers toute confession et de toute idéologie respectant la dignité humaine, des principes moraux et des acquis de l’humanisme ».
Depuis plus d’un millénaire, la foi orthodoxe est l’un des fondements des relations entre les peuples russe et grec, a-t-il souligné. « Dans un monde secoué par la violence et l’instabilité, dans une atmosphère de changements permanents, dans un contexte d’incertitude face à l’avenir, nos pays s’appuient sur le socle de l’Église et des traditions orthodoxes qui durant des siècles ont été confrontées à des situations autrement plus tragiques que la violence civile ou une crise économique et sont parvenues à les surmonter, garantissant à nos peuples survie, stabilité, prospérité, épanouissement culturel et historique », a conclu l’ambassadeur grec.
Dans son allocution, le Patriarche Cyrille a remercié l’ambassadeur d’avoir évoqué les valeurs et les racines communes aux peuples russe et grec. « La date de notre rencontre à l’ambassade de Grèce est symbolique. En 843, au Concile de Constantinople, l’Orthodoxie était définitivement confirmée et on instituait la fête en l’honneur de laquelle nous nous retrouvons aujourd’hui. Ce jour symbolise la victoire sur une hérésie extrêmement dangereuse, qui ne concernait pas seulement le domaine de la doctrine, mais touchait également à la sphère si importante de la dimension esthétique de la vie religieuse. Il suffit d’imaginer que sans la victoire de l’Orthodoxie, nous n’aurions connu ni Théophane le Grec, ni André Roublev, ni rien de cette immense strate culturelle reflétée dans notre iconographie traditionnelle orthodoxe. Ceci témoigne à quel point les hérésies sont dangereuses non seulement pour l’esprit, mais encore pour le cœur humain, pour le sentiment esthétique. Il suffit de se souvenir de tout ce qui se produisit à Byzance après la victoire sur l’iconoclasme pour constater à quel immense développement amena ce triomphe, à une véritable renaissance byzantine. La lumière de cette renaissance atteignit la Russie, éveillant ici le génie du peuple russe, éveillant les talents de ceux qui allaient eux-mêmes créer ces œuvres uniques de l’art ancien.
Je vous remercie de m’avoir offert ce navire, symbolisant la venue en Russie des premiers missionnaires byzantins. Saint Cyrille, dont je porte le nom était l’un d’entre eux. Avec sa mission à Chersonèse commence la mission orthodoxe dans l’ancienne Russie. Je remercie Dieu de ce que mon ordination épiscopale, célébrée il y a tout juste 35 ans, ait eu lieu le jour du Triomphe de l’Orthodoxie.
Je vous suis également reconnaissant d’avoir mentionné aujourd’hui les victimes des attentats terroristes de Moscou. J’aimerais remercier les différents états, en votre personne, en la personne des autres ambassadeurs ici présents, qui ont manifesté leur solidarité avec notre peuple et exprimé leur soutien. Je suis profondément convaincu de ce que malgré toutes les horreurs du radicalisme qui n’hésite pas assassiner des innocents, les gens sont pleinement conscients de ce que ces actes terroristes sont incapables de changer quoi que ce soit au cours historique, y compris celui de notre peuple, car c’est la force spirituelle des hommes qui est, naturellement, le fondement de toute chose.
En regardant aujourd’hui les terribles reportages du Japon, beaucoup en tirent des leçons à mon avis très pertinentes. Du point de vue de l’évolution technologique et de l’organisation sociale, le Japon est en avance de plusieurs dizaines d’années sur des pays comme la Russie. Il est le symbole du progrès technologique. Et que voyons-nous aujourd’hui ? Le raz-de-marée emporte toute cette puissante civilisation scientifico-technologique de la même façon que le déluge au temps de Noé. Que restera-t-il ? L’homme. Et son avenir dépend de sa force d’esprit. Ces images épouvantables doivent, à mon sens, modifier notre admiration romantique pour les mouvements de la raison, pour la puissance du management moderne, pour la force politique, la force économique, la force scientifique. La vie spirituelle ne peut être laissée à la périphérie de la vie sociale. Elle doit être au centre, et c’est seulement en s’appuyant sur elle que l’on peut aller de l’avant et vaincre, y compris en surmontant des évènements tragiques.
Votre pays connaît également des temps difficiles, des temps de profonde crise économique, de bouleversements économiques et, comme nous l’apprend là encore la télévision, les hommes réagissent différement à ces évènements. Nous prions, nous espérons que les fondements spirituels, orthodoxes de la nation grecque s’avèreront ici une base suffisante pour assurer à votre pays prospérité et tranquilité.
Aujourd’hui, l’Afrique du Nord et le Proche-Orient connaissent également de profonds bouleversements. Là-bas aussi vivent de nombreux orthodoxes, ces régions font partie du monde orthodoxe, et leurs problèmes ne sont pas seulement ceux de la communauté musulmane. C’est pourquoi je pense que les pays orthodoxes doivent plus qu’activement contribuer à surmonter les crises intervenues en Afrique du Nord et au Proche-Orient.
Il me semble qu’afin d’assurer un développement vraiment stable et rationnel à la civilisation humaine, il faut en renforcer la base spirituelle. Il s’agit, naturellement des valeurs traditionnelles, les valeurs morales, l’intégrité de la personne humaine, la famille, mais aussi de la dignité de l’homme, la liberté, la miséricorde, la justice. L’Église orthodoxe russe appelle à faire des valeurs traditionnelles la pierre d’angle aussi bien du développement social politique interne que des relations internationales. Cette position provoque des réactions différentes, certains manifestent plus d’intérêt et de volonté de discuter de ces problèmes, d’autres n’y sont pas encore sensibles. L’an passé, un séminaire international très important a eu lieu à Genève, à l’ONU, sur le thème « L’Encouragement des droits de l’homme au travers d’une meilleure compréhension des valeurs traditionnelles de l’humanité ». Nous sommes profondément satisfaits du fait même de ce séminaire et de ce qu’il a suscité un intérêt certain dans la communauté internationale.
Aujourd’hui, ceux qui profitent aujourd’hui de l’hospitalité de l’ambassade grecque à l’occasion de la fête du triomphe de l’Orthodoxie expriment leur foi profonde en la victoire de la vérité et de la justice. Cette certitude fait malheureusement parfois défaut à l’homme moderne. J’estime que la vocation des Églises orthodoxes et des peuples orthodoxes consiste aujourd’hui à ne pas se laisser emporter par le courant d’idées étrangères, mais, en partant de leur propre expérience spirituelle, de leur immense expérience historique, à proposer un paradygme frais et attrayant, y compris dans la construction de la vie sociale des hommes dans les relations internationales. »