Le 17 février 2019, dimanche du publicain et du pharisien, le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, a célébré la Divine liturgie à l’église moscovite Notre-Dame-Joie-de-tous-les-affligés.

Après la litanie instante, le métropolite Hilarion a lu la prière pour la paix en Ukraine. A la fin de l’office, l’archipasteur a prononcé une homélie :

« Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit !

Nous avons entendu aujourd’hui la lecture de la parabole du Seigneur Jésus Christ sur le publicain et le pharisien, tirée de l’Évangile selon saint Luc. Deux hommes montèrent au temple de Jérusalem pour y prier. L’un se mit en avant (c’était un pharisien) et fit le compte devant Dieu de tout ce qu’il avait fait de bien, exposant la manière dont il avait observé les commandements et comment il avait donné la dîme. L’autre, un publicain, se mit au fond du temple, se frappa la poitrine, se contentant de répéter une seule phrase : « O Dieu ! Sois apaisé envers moi, qui suis un pécheur ! » (Lc 18,13).

J’attire votre attention sur le fait que tous deux priaient à voix haute. A l’époque de Jésus Christ, il était d’usage de prier à haute voix, de lire à haute voix. Même lorsque quelqu’un lisait pour son propre compte, à part soi, il lisait à haute voix. On priait aussi à voix haute.

Aujourd’hui encore, nous prions à voix haute à l’église. Mais lorsque nous sommes seuls avec nous-mêmes, chacun a sa façon de prier : les uns prient à haute voix, les autres dans leur tête. L’expérience séculaire de l’Église montre que la prière prononcée à voix haute touche plus le cœur. Toutes les prières parviennent à Dieu, qu’elles soient prononcées à haute voix ou dites au fond de son cœur ou de son esprit. Mais pour entendre les mots de la prière, il faut qu’ils aient été prononcés à voix haute.

Dans la Divine liturgie, à laquelle nous participons, le prêtre doit prononcer une grande quantité de prières. Certains prêtres les lisent dans leur tête, mais je trouve que c’est une erreur car toutes les prières de la Liturgie sans exception sont faites pour être lues à haute voix. Même si seuls ceux qui sont dans le sanctuaire les entendent, ces prières doivent être dites de façon à être entendues, parce que c’est pour cela qu’elles ont été écrites.

Le sens de la parabole d’aujourd’hui, évidemment, n’est pas de savoir s’il faut prier par devers soi ou à voix haute : il s’agit des dispositions avec lesquelles on se met en prière. Plus largement, il s’agit de savoir quelles doivent être les dispositions intérieures de ceux qui aspirent à la vie spirituelle.

Chaque fois qu’on se met en prière, à l’église, en cellule, dans sa chambre, on entre en présence de Dieu. Avec quels sentiments entre-t-on dans Sa présence ?

Le pharisien est venu à Dieu pour faire le décompte de ses mérites, supposant qu’il en avait assez pour être justifié aux yeux de Dieu. Le publicain, au contraire, ne s’attribue aucun mérite. Peut-être en avait-il, mais il ne nous en apprend rien. Le Seigneur n’entend de la bouche du publicain que cette brève invocation : « O Dieu ! sois miséricordieux envers moi qui suis un pécheur ! ». En prononçant ces mots, le publicain se frappe la poitrine pour signifier qu’il se repent de péchés qu’il n’énumère pas, mais auxquels il pense évidemment, s’adressant ainsi à Dieu avec contrition.

Chacun prie à sa manière. Nous venons tous à l’église, nous entendons tous les mêmes prières et les mêmes chants, mais notre prière et nos dispositions sont différentes : chacun vient avec ses propres sentiments, certains sont plus attentifs, d’autres moins, certains ont plus de repentir, d’autres moins.

A la fin de la parabole du publicain et du pharisien, le Seigneur ne dit pas que le pharisien est sorti condamné, et le publicain justifié. Le Christ dit que le publicain est sorti « plus justifié » que le pharisien. Cela veut dire que le Seigneur accueille toute prière, même celle du pharisien. Mais la prière du pharisien ne lui est d’aucun avantage, car l’état spirituel de chacun se réflète dans sa prière. Si quelqu’un ne voit pas ses péchés, n’a pas conscience de ses défauts, sa prière peut facilement se transformer en prière de pharisien. Quiconque, au contraire, a conscience de ses péchés et du gouffre qui le sépare de Dieu et du Royaume des Cieux, s’adresse au Seigneur avec un repentir et une contrition sincères.

La parabole du publicain et du pharisien est lue trois semaines avant le Grand Carême, elle est une invitation à s’engager sur la voie de la pénitence, dans laquelle nous entrerons dans trois semaines avec toute l’Église. Nous ne sommes pas encore engagés dans cette voie, mais nous nous y préparons et sommes appelés, comme le publicain, à nous tenir devant la face de Dieu et à lui apporter un cœur contrit.

Le Seigneur n’attend pas de longues paroles, Il n’attend pas qu’on énumère tous ses mérites dans la prière, Il les connaît déjà. « Car votre Père sait de quoi vous avez besoin, avant que vous le Lui demandiez » (Mt 6,8), dit le Christ à Ses disciples. Cela veut dire qu’il n’est pas nécessaire d’abonder en paroles dans la prière : ce qui compte, c’est la disposition du cœur. Le fruit de la prière en dépend.

Qu’est-ce que le fruit de la prière ? La prière peut-elle être infructueuse ?

Sans doute chacun de nous a-t-il fait l’expérience de cet état où l’on a l’impression que Dieu n’entend pas. Ou que notre prière reste sans réponse. D’où cela vient-il ?

Avant tout de ce que nous ne prions pas dans les dispositions requises, que nous prions avec un cœur impur. On prie comme on remplit une obligation, sachant qu’il faut prier matin et soir, et aller à l’église le dimanche et les jours de fête. Parfois, la prière semble un poids, un fardeau lourd à porter. Et  il arrive qu’on prie, sans recevoir de réponse, non parce que Dieu n’entend pas, mais parce qu’on est incapable de prier de façon à entendre la réponse. La réponse de Dieu se fait entendre lorsqu’on prie avec un cœur brisé, sans attendre de récompense pour ses bonnes actions ; lorsqu’on prie simplement parce qu’on aime Dieu et qu’on désire Lui parler, se tenir devant Lui dans la prière, Le glorifier et Lui rendre grâce de tout cœur. Alors, la réponse est parfois si sensible et si claire qu’elle en paraît inattendue.

Dieu entend toujours les prières, Il accueille toute prière. Mais ce n’est pas un hasard s’Il a appris à prier à Ses disciples. Le Seigneur nous avertit de ne pas prier comme le pharisien, Il met en avant l’exemple du publicain pécheur qui se repent, prenant conscience de ses péchés. La prière du publicain était brève, mais il sortit de l’église plus justifié que le pharisien qui pria longtemps, mais pas comme le Seigneur l’avait montré.

Nous préparant au Grand Carême, gardons ces exemples à l’esprit. Chaque fois que nous nous mettons en prière, pensons avant tout à nos péchés, faisons pénitence et demandons à Dieu de nous purifier de toute souillure de la chair et de l’esprit, d’ouvrir nos cœurs à la rencontre de l’amour divin, afin que le Seigneur, par la prière et le repentir, nous mène à Son Royaume céleste. Amen ! Bonne fête à tous. »