Le 16 décembre 2018, 29e dimanche après la Pentecôte, le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, a célébré la Divine liturgie à l’église Notre-Dame-Joie-de-tous-les-affligés, rue Bolchaïa Ordynka, à Moscou. L’archipasteur concélébrait avec le père Gueorgui Zaverchinski, doyen des paroisses d’Écosse et d’Irlande du Nord (diocèse de Souroge, Patriarcat de Moscou), l’hiéromoine Nicolas (Ono), clerc du métochion de l’Église orthodoxe russe à Tokyo (Japon) et les clercs de l’église.

Après la litanie instante, Mgr Hilarion a lu la prière pour la paix en Ukraine.

A la fin de l’office, le métropolite a prononcé une homélie :

« Au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit !

Aujourd’hui, nous avons entendu la lecture suivante, de l’évangile selon saint Luc : « Un chef interrogea Jésus, et dit : Bon maître, que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ? » Jésus lui répondit : Pourquoi m’appelles-tu bon ? Il n’y a de bon que Dieu seul. Tu connais les commandements : Tu ne commettras point d’adultère ; tu ne tueras point ; tu ne déroberas point ; tu ne diras point de faux témoignage ; honore ton père et ta mère. J’ai, dit-il, observé toutes ces choses dès ma jeunesse. Jésus, ayant entendu cela, lui dit : Il te manque encore une chose : vends tout ce que tu as, distribue-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux. Puis, viens, et suis-moi. Lorsqu’il entendit ces paroles, il devint tout triste, car il était très riche. Jésus, voyant qu’il était devenu tout triste, dit : Qu’il est difficile à ceux qui ont des richesses d’entrer dans le royaume de Dieu ! Car il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu. Ceux qui l’écoutaient dirent : Et qui peut être sauvé ? Jésus répondit : Ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu » (Lc 18, 18-27).

Lisant les récits des évangélistes sur les avertissements de Jésus Christ sur les dangers de la richesse, l’écoutant dire qu’il est difficile à un riche d’entrer au Royaume des Cieux, on se demande qui est ce riche, de quelles richesses s’agit-il ?

Il n’y a pas tant de riches que cela, mais chacun possède quelques biens sur la terre, si modestes soient-ils. On s’y attache parfois tellement qu’ils empêchent de voir le reste. Toute la vie, toute l’attention sont concentrées exclusivement sur ces biens matériels. Et peu importe combien l’on possède d’argent ou de propriétés, l’essentiel est notre rapport à ces biens : sert-on la richesse, ou la richesse est-elle à notre service ? Il y a des gens qui mettent toutes leurs forces à la multiplication de leurs richesses, leur activité tend uniquement à conserver et à défendre leurs biens de ceux qui pourraient vouloir s’en emparer.

Mais le Seigneur rappelle que le Royaume des Cieux et sa justice doivent être à la première place. En dehors de la richesse matérielle, il y a encore la richesse spirituelle. Si la richesse matérielle que nous accumulons restera ici, sur la terre, nous pourrons emmener nos richesses spirituelles dans l’éternité. Et bien entendu, nous sommes appelés à partager nos richesses, tant matérielles que spirituelles.

« Il est difficile à ceux qui ont des richesses d’entrer dans le Royaume des cieux » : cette parole de Jésus a toujours soulevé des questions, des débats, suscité l’incompréhension. Les disciples du Sauveur se sont déjà demandé : « Qui peut être sauvé » ? Durant des siècles, les hommes ont posé la même question, notamment ceux qui possédaient de la fortune.

Un des docteurs de l’Église de la seconde moitié du IIe siècle et du début du IIIe siècle, Clément d’Alexandrie, a même écrit un ouvrage sous le titre : « Quel riche peut être sauvé ? » Exposant sa propre opinion sur la richesse, il pose la question : si le Seigneur nous appelle à la bienfaisance, s’il appelle à aider nos proches, comment pouvons-nous aider, si nous n’avons ni argent, ni moyens ? Que partager ? Le philosophe chrétien conclut que si le Seigneur donne à quelqu’un des richesses, ce n’est pas parce qu’Il veut sa perte, mais pour lui permettre de partager ces biens avec d’autres. La richesse cesse alors d’être condamnable, au contraire, elle lui sert, et, peut-être à d’autres, de chemin vers le Royaume céleste.

Le Seigneur nous appelle à partager nos seulement nos richesses matérielles, mais aussi nos richesses spirituelles. Nous pouvons avoir de fort modestes possessions, mais en même temps un cœur généreux. Nous pouvons partager le trop-plein de notre cœur, notre richesse intérieure.

Souvenons-nous des saints qui n’avaient rien mais qui donnaient leur amour et partageaient la grâce divine avec des milliers de personnes, de Saint Séraphin de Sarov, dont la richesse se limitait à quelques objets quotidiens et à une icône de la Mère de Dieu devant laquelle il priait. On venait le voir de toute la Russie, et il trouvait pour chacun des mots de consolation et de soutien. Les gens repartaient inspirés, allégés. Le vénérable a ouvert à beaucoup la voie du Royaume des Cieux.

La lecture d’aujourd’hui se termine par la question des disciples : « Qui peut être sauvé » (Lc 18,26) et par la réponse du Seigneur Jésus Christ : « Ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu » (Lc 18,27). Il ne s’agit plus seulement ici du salut des riches, mais du salut de chacun. Il n’y a pas d’œuvre, ni d’exploit qu’il s’agirait de faire pour s’assurer de son salut. Le salut est entre les mains de Dieu, mais cela ne veut pas dire, comme l’ont cru certains docteurs de l’Église occidentale, que certains sont prédestinés au salut, tandis que d’autres le sont à la perdition.

Tout homme a une demeure préparée pour lui dans le Royaume des Cieux. Mais on ne peut l’atteindre par ses propres forces. Nos efforts ne sont pas suffisants pour vaincre en nous le péché, les passions, éduquer un nouvel homme. Cela n’est possible que si la grâce de Dieu agit en nous. Notre vie dans l’Église nous convainc que ce qui est impossible aux forces humaines devient possible à Dieu, qui nous vient en aide. Dieu vient nous aider lorsque nous observons Ses commandements, lisons l’Évangile, nous nourrissons du Corps et du Sang du Christ, lorsque nous nous purifions de nos péchés dans le sacrement de la confession et nous efforçons d’observer Sa volonté. Alors, ce qui est impossible aux hommes devient possible à Dieu.

Nous disons de Dieu qu’Il est tout-puissant. Mais nous ne savons pas que Dieu ne va pas contre la volonté de l’homme, si elle n’est pas dirigée vers le salut. Car, comme le disait les saints pères, Dieu ne peut aider l’homme contre sa volonté. Dieu sauve l’homme lorsqu’il s’adresse à Lui, le priant de le sauver et vivant de façon à atteindre ce salut.

Demandons à Dieu d’avoir toujours en nous la force d’accomplir Ses commandements divins. Demandons-Lui la grâce de nous sauver, non pas à cause de nos quelconques mérites, mais par Son indicible miséricorde, et de nous ouvrir les portes du Royaume des Cieux. Amen. Bonne fête à tous ! »