Le métropolite Hilarion : Chacun de nous doit partager la grâce divine qu’il reçoit du Seigneur Lui-même
Le 2 décembre 2018, 27e dimanche après la Pentecôte, mémoire de saint Philarète de Moscou, le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, a célébré la Divine liturgie à l’église Notre-Dame-Joie-de-tous-les-affligés, rue Bolchaïa Ordynka, à Moscou. L’archipasteur concélébrait avec le recteur de la cathédrale Saint-Michel d’Ouralsk, l’archimandrite Théodose (diocèse d’Ouralsk, région métropolitaine de l’Église orthodoxe russe en République du Kazakhstan), et avec les clercs de la paroisse.
Après l’ecténie instante, le métropolite Hilarion a lu la prière pour la paix en Ukraine.
A la fin de la liturgie, Mgr Hilarion a prononcé une homélie :
« Au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit !
Chers pères, frères et sœurs,
Ce dimanche coïncide avec la mémoire de saint Philarète, métropolite de Moscou.
Aujourd’hui, nous avons entendu la parabole du riche insensé, rapportée par l’Évangile selon saint Luc. Il y est question d’un homme qui fit une abondante récolte. Afin que rien ne se perdît, il résolut : « J’abattrai mes greniers, j’en bâtirai de plus grands, j’y amasserai toute ma récolte et tous mes biens ; et je dirai à mon âme : mon âme, tu as beaucoup de biens en réserve pour plusieurs années ; repose-toi, mange, bois et réjouis-toi » (Lc 12,17-19). Mais Dieu lui dit : « Insensé ! cette nuit même ton âme te sera redemandée ; et ce que tu as préparé, pour qui cela sera-t-il ? Il en est ainsi de celui qui amasse des trésors pour lui-même, et qui n’est pas riche pour Dieu » (Lc 12,20-21).
Le riche est ici représenté isolé de toute autre personne. La parabole ne met en scène ni ses proches, si enfants, ni parents. Il ne pense qu’à lui, il ne se concerte pas avec sa parenté, il ne se souvient pas de ses proches qui pourraient être dans le besoin. Il ne se concerte qu’avec lui-même, avec son âme. Dans cette image du riche insensé, le Seigneur nous montre l’homme-égoïste, qui ne considère sa richesse que comme un bien personnel et ne s’occupe que de la préserver et de la multiplier.
Le Seigneur Jésus Christ revient souvent sur le thème de la richesse. La lecture de ses paraboles peut laisser l’impression que la richesse est un empêchement à l’acquisition du Royaume des Cieux et que le Seigneur condamnait les riches pour leurs biens ou parce qu’ils se préoccupaient de les multiplier. Mais le Christ n’a jamais dit « bienheureux les paresseux », c’est-à-dire ceux qui ne font rien, qui ne travaillent pas. Il n’affirme nulle part que la richesse est en soi une mauvaise chose. Il attire seulement l’attention de ses auditeurs sur le danger qui consiste à faire de l’acquisition des richesses le sens de sa vie, ou à regarder ses biens matériels exclusivement comme une propriété personnelle. Dans ce cas, le riche est forcément affecté de problèmes spirituels. Si le riche sait partager avec les autres, sa richesse, au contraire, lui est profitable à lui comme à son entourage.
Dans la parabole du riche, le Seigneur veut surtout montrer qu’il ne faut pas être égoïste. Si la récolte est bonne, si Dieu donne des biens matériels, c’est parce qu’il souhaite qu’on les partage. Le riche peut dire à son âme : ne te repose pas, regarde autour de toi, vois combien de gens ont besoin de ton aide. Tu peux vider tes granges et aider des dizaines, des centaines de personnes, peut-être même des milliers. Le Seigneur ne jugera jamais à cause de sa richesse quelqu’un qui agit ainsi.
Nous faisons aujourd’hui mémoire de saint Philarète de Moscou, exemple étonnant de personne qui n’amassait pas pour lui, mais pour Dieu. Il choisit dès son jeune âge la voie monastique, et décida de consacrer toute sa vie à Dieu. Il ne pensait jamais à l’argent, ni à sa carrière ecclésiastique, mais le Seigneur le plaça au plus haut ministère, et il éclaira durant près d’un demi-siècle de sa parole et de sa personne inspirée l’ensemble du peuple orthodoxe, non seulement de la première cité de Russie, mais de tout le pays. A son époque, le Patriarcat n’existait plus, il avait été aboli par Pierre I. Mais saint Philarète, sans avoir le rang de patriarche, était connu de toute la Russie, car sa parole atteignait les coins les plus reculés du pays. Ce n’est pas un hasard s’il fut par la suite canonisé comme l’un des plus grands hiérarques de l’histoire de l’Église orthodoxe russe.
Saint Philarète a aussi marqué l’histoire de notre sainte église : c’est lui qui la consacra après sa reconstruction et sa restauration. Ses Œuvres complètes contiennent le sermon qu’il prononça à l’ambon de cette église.
Saint Philarète est l’un de ces hommes dont les noms sont inscrits en lettres d’or dans l’histoire de l’Église et dans l’histoire de l’état russes. Parmi ces hommes, il y a non seulement de grands évêques ou de vénérables moines, mais aussi des mécènes, qui mirent leur richesse au service des autres et de la patrie.
Notre église est située tout près de la Galerie Tretiakov, qui, comme on sait, porte le nom de Pavel Mikhaïlovitch Tretiakov, un marchand qui employa sa richesse au bien de la société. Il achetait les tableaux des meilleurs peintres russes qui vivaient dans le besoin et n’étaient pas riches. Il leur payait cher leurs travaux et rassembla le meilleur de ce qui se peignait à l’époque en Russie. En visitant la Galerie Tretiakov, admirant les toiles de Levitan, de Verechtchaguine, de Kouïndji et d’autres grands peintres, on prend conscience que c’est grâce à Tretiakov que ces œuvres d’art ont été conservées. Je ne parle même pas de ses voyages en Europe, car il collectionnait aussi les toiles des peintres européens. S’il avait l’un de ces nombreux riches de son époque, amassant pour eux-mêmes et non pour Dieu, ni vous, ni moi, ni les générations suivantes ne saurions rien de lui.
Pourquoi ai-je mentionné Pavel Tretiakov ? Parce que la parabole d’aujourd’hui sur le riche insensé ne parle pas de la nocivité de la richesse, mais du danger de l’égoïsme. Si le riche fait le bien, s’il prend soin des autres, il sera généreusement récompensé par le Seigneur dans cette vie et dans l’autre.
Chacun de nous possède des richesses, soit matérielles, soit spirituelles, soit les deux. Tous ne sont pas forcément très aisés sur le plein matériel, mais personne n’empêche de partager notre richesse spirituelle, celle que nous acquérons ici, à l’église, en venant à l’office, en participant à la Sainte Cêne et en communiant aux Saints Mystères du Christ.
Nous sommes aujourd’hui rassemblés dans cette église, mais combien d’autres sont au dehors. Passant devant l’église, ils n’ont même pas idée de ce qui s’y passe. Le devoir de chacun est de parler au plus grand nombre possible de ce que nous communique le Seigneur. Chacun doit partager la grâce divine qu’il reçoit du Seigneur Lui-même, partager la Parole divine qu’il entend à chaque Liturgie, et tout ce qui nous est donné par l’Église du Christ. Au jugement dernier, Dieu ne demandera pas à chacun comment il aura vécu, mais comment il aura employé ses talents, ses capacités, ses possibilités et la richesse, matérielle ou spirituelle, que lui a confiée le Seigneur.
Prions Dieu de nous permettre d’employer nos possessions spirituelles et matérielles pour le bien du prochain. Demandons à saint Philarète, métropolite de Moscou, de ne pas abandonner notre église, notre terre et chacun de nous dans sa prière et dans son intercession céleste.
Bonne fête à tous ! »