Rencontre du patriarche Cyrille avec le secrétaire général de l’Organisation des Nations-Unies
Le 20 juin 2018, le patriarche Cyrille de Moscou et de toute la Russie a reçu Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU. La rencontre avait lieu à la résidence patriarcale et synodale du monastère Saint-Daniel.
Prenaient part à la rencontre, pour le Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou : l’archiprêtre Nicolas Balachov, vice-président du DREE, et le diacre Andreï Titouchkine, collaborateur du Secrétariat aux affaires de l’étranger lointain.
L’ONU était représenté par : Rosemary DiCarlo, adjointe au secrétaire général de l’ONU pour les questions politiques ; V. Voronkov, chef de la Direction de l’ONU au contre-terrorisme ; F. Klimtchouk, conseiller aux questions politiques de l’appareil de l’ONU.
Pour le ministère des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, participaient à la rencontre : V. Nebenzia, représentant permanent de la Fédération de Russie à l’ONU, et S. Riabokon, chef de secteur au Département chargé des organisations internationales.
Accueillant son hôte, le patriarche Cyrille a constaté que l’Église orthodoxe russe suivait avec attention et respect le travail de l’Organisation des Nations-Unies, ayant conscience qu’il s’agissait du principal espace de dialogue, permettant à chaque pays du monde d’exprimer sa position.
« Nous vivons des temps alarmants. La montée du terrorisme dans le monde entier et les profonds conflits civils qui éclatent de temps à autre, détruisant la stabilité de l’état et de la société, sont particulièrement inquiétants, a constaté le patriarche Cyrille. Tout cela ne peut pas ne pas susciter la préoccupation. Nous ne pouvons pas ne pas être inquiets de l’écart croissant entre riches et pauvres. Cette histoire dramatique s’est développée durant le XX siècle, mais il semblait que l’humanité allait trouver la solution à ce problème. L’expérience a montré qu’il n’en était rien. »
Selon Sa Sainteté, on espérait que tout s’améliorerait au XXI siècle, mais, malheureusement, même en tenant compte des nombreux progrès obtenus ces dernières années de la civilisation humaine, la société ne parvient toujours pas à résoudre certains problèmes.
« L’Église sait pourquoi il en est ainsi, a assuré le patriarche. Cette réponse, malheureusement, n’a pas l’assentiment de tous, mais elle est fondamentale : tout cela arrive parce que le mal sort du cœur de l’homme. On ne peut ignorer la crise de la moralité dans l’humanité contemporaine. L’Église participe aux affaires internationales pour réveiller les consciences, pour montrer que sans renouvellement moral intérieur de la communauté humaine en général et de chaque personne en particulier, on ne parviendra pas à un progrès réel, notamment à la liquidation des conflits sur la planète. »
Durant la suite de l’entretien, le patriarche a aussi évoqué la difficile situation des chrétiens dans différentes régions du monde, notamment au Proche-Orient, où la population chrétienne est menacée d’extinction.
« Je suis allé en Syrie au tout début du conflit, a rapporté le patriarche Cyrille. Le conflit avait déjà commencé, il y avait eu des attentats terroristes, mais j’ai cru nécessaire de venir à Damas et au Liban pour rencontrer les chrétiens et parler avec eux de la situation. Je peux témoigner de ce que les différentes confessions chrétiennes et les musulmans vivaient paisiblement ensemble. Lorsque je suis arrivé à Damas, puis à Beyrouth, des milliers de gens, chrétiens et musulmans, sont venus m’accueillir. C’était un plaisir de voir le niveau d’interaction entre représentants des deux communautés. »
Sa Sainteté s’est dite préoccupée de ce qu’un nombre immense de chrétiens avaient dû quitter aujourd’hui la Syrie. « J’estime qu’il faut tout faire pour que les chrétiens rentrent en Syrie, au Liban, en Irak, sur les terres où ils vivaient et d’où ils ont été chassés par les opérations militaires et les attentats terroristes » a dit le patriarche.
« L’Église orthodoxe russe élève sa voix, en même temps que d’autres communautés chrétiennes, pour défendre les minorités chrétiennes persécutées. Nous pouvons témoigner que les chrétiens – orthodoxes, catholiques et protestants – sont convaincus qu’il est nécessaire de tout entreprendre pour arrêter la tendance dangereuse à la disparition des chrétiens sur le territoire des pays du Proche-Orient » a souligné le patriarche Cyrille.
« Nous sommes en train de mettre en place des programmes d’aide aux victimes de la guerre sur le territoire de la Syrie et d’autres pays du Proche-Orient, et nous efforçons d’impliquer non seulement nos frères catholiques et protestants, mais aussi la communauté musulmane de Russie » a expliqué Sa Sainteté, assurant que l’Église orthodoxe russe était parvenue établir un excellent dialogue avec les représentants d’autres religions.
Au cours de la conversation, le patriarche a aussi évoqué le problème des valeurs familiales dans la société contemporaine.
« Nous sommes aussi, naturellement, très inquiets de la crise des relations familiales. Malheureusement, un phénomène comme le laïcisme agressif est très répandu aujourd’hui. Sous son influence, les relations familiales s’affaiblissent, voire se détruisent dans de nombreux pays. Cela ne laisse pas d’inquiéter profondément » a déclaré le patriarche.
Selon le patriarche Cyrille, si la nature morale est détruite, rien n’arrêtera plus l’humanité dans une voie dont l’autodestruction peut être la conséquence. « La sauvegarde de la moralité est le garant de la sauvegarde de la paix sur notre planète, a assuré Sa Sainteté. C’est à cause de ces idées que nous estimons essentiel de prendre une part active à la discussion des problèmes, notamment internationaux. »
De son côté, le secrétaire général de l’ONU a remercié le primat de l’Église russe de l’accueillir pour discuter de l’actualité internationale.
« Pour augmenter la confiance entre pays à l’intérieur d’une communauté globale, le rôle de la religion est très important. C’est pourquoi je suis heureux de notre rencontre d’aujourd’hui » a affirmé A. Guterres, qui s’est dit également inquiet de la situation des chrétiens au Proche-Orient.
« Les communautés chrétiennes font partie intégrante de l’identité même de la région. Elles existaient bien avant la naissance de l’islam, a souligné le secrétaire général de l’ONU. Je suis profondément convaincu que lorsque la situation sera stabilisée en Irak et en Syrie et qu’une solution diplomatique aura été trouvée, il sera très important d’assurer le retour des chrétiens et, plus généralement, des minorités religieuses, comme les Yazidis, dans leur pays. C’est un problème que m’inquiète personnellement beaucoup. »