Le métropolite Hilarion : La croix, instrument de mort honteux, est devenu le symbole du salut de millions d’hommes
En la fête de l’Exaltation de la Croix, le 27 septembre 2020, le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, a célébré la Divine liturgie à l’église Notre-Dame-Joie-de-tous-les-affligés, rue Bolchaïa Ordynka, à Moscou.
L’archipasteur concélébrait avec les clercs de l’église. Des prières ont été dites pour la fin de l‘épidémie de coronavirus. A la fin de l’office, le clergé et les fidèles ont vénéré la Croix, après quoi le métropolite Hilarion a prononcé l’homélie suivante :
« Au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit !
Nous fêtons aujourd’hui l’Exaltation de la Croix du Seigneur. Cette solennité a été instituée en l’honneur d’évènements qui se produisirent au IVe siècle, quand l’empereur Constantin le Grand fit de Jérusalem un centre de pèlerinage chrétien.
A l’emplacement de la Jérusalem antique, une ville appelée AElia Capitolina avait existé durant trois siècles. C’était une ville païenne, dans laquelle il ne restait aucun monument pouvant rappeler le Seigneur Jésus Christ, Ses apôtres ou l’antique royaume d’Israël. Quand le christianisme sortit des catacombes grâce à l’empereur Constantin et acquit pratiquement le statut de religion d’état de l’Empire romain, on se souvint des reliques chrétiennes et de la sainte ville de Jérusalem.
Saint Constantin dépêcha l’impératrice Hélène, sa mère, à la recherche des reliques. L’invention miraculeuse de la Croix du Seigneur se produisit à cette époque. L’évêque de Jérusalem éleva la Croix à la vue de tous. C’est en mémoire de cet évènement mémorable qu’a été instituée la fête de l’Exaltation de la Croix du Seigneur. Hier soir, pendant les vigiles, nous avons accompli le rite de l’élévation de la croix.
Le passage de l’épître de saint Paul lu aujourd’hui dit que « la prédication de la croix est une folie pour ceux qui périssent; mais pour nous qui sommes sauvés, elle est une puissance de Dieu » (I Co 1,18). « Nous prêchons Christ crucifié; scandale pour les Juifs et folie pour les païens » (I Co 1,23), dit encore l’apôtre Paul. Ainsi, la prédication du Christ crucifié, pour les gens éduqués dans la culture païenne, avoisinait la folie : comment, en effet, adorer un crucifié comme Dieu ?
Ceux qui connaissent la mythologie païenne, les dieux et les héros grecs, savent que ces récits glorifient l’héroïsme, la force, la puissance. Les personnages sont présentés comme des idéaux. Le chrétien sait que ce sont des personnages inventés ou, comme disaient les pères de l’Église, des démons décrits comme des dieux et des héros.
Quand l’apôtre Paul prêcha le Christ à l’aréopage d’Athènes, devant des païens éduqués dans l’esprit de la culture grecque et de la mythologie païenne, quand il parla de la crucifixion et de la résurrection, sa prédication ne souleva rien d’autre que le rire. Les membres de l’aréopage disaient : « Nous t’écouterons une autre fois ». La prédication de la croix du Seigneur leur paraissait une folie qu’ils étaient incapables de comprendre.
L’Église a glorifié l’Homme qui donna sa vie pour le salut des hommes, n’étant pas simplement un homme, mais Dieu incarné. Ainsi Ses souffrances sur la croix prennent-elles tout leur sens. Sa mort était une rédemption. Il mourut pour le rachat de nos péchés. Nous vénérons aujourd’hui la Croix du Christ et remercions Dieu, descendu sur terre, devenu homme, devenu l’un de nous pour porter nos péchés, nos faiblesses, nos maladies, pour nous racheter de la mort éternelle et nous donner le Royaume des Cieux et la vie éternelle.
Au cours des siècles, les hommes ont accueilli l’annonce de la crucifixion et de la résurrection du Christ, ont bâti leur vie de façon à ce que cette annonce se manifeste dans leurs actes, dans leur rapport à la vie et avec leurs proches. Peut-être n’est-ce pas un hasard si la fête de l’Exaltation de la croix coïncide avec la mémoire d’un des plus grands saints de l’Église chrétienne, saint Jean Chrysostome. Nous faisons mention de son nom à l’envoi de chaque liturgie, puisqu’elle porte son nom.
Jean Chrysostome fut l’un des plus grands prédicateurs de l’histoire de l’Église. Comme cela arrive souvent aux personnes populaires, qui ont la confiance des foules, les grands de ce monde étaient mal disposés envers lui. Saint Jean, archevêque de Constantinople, fut calomnié par ses confrères et par les courtisans, déchu de son épiscopat et envoyé en exil. Il marcha des semaines et des mois, escorté par des gardes, depuis Constantinople jusqu’en Abkhazie, une province alors lointaine, pour arriver épuisé à Comana, où il rendit l’âme en disant : « Gloire à Dieu pour tout ».
Saint Jean Chrysostome, connu pour ses nombreux sermons, nous a légué cette doxologie. Ses œuvres complètes, traduites en russe, occupent douze tomes de plusieurs milliers de pages chacun, mais sa théologie et sa vie sont entièrement contenues dans cette courte phrase : « Gloire à Dieu pour tout ». Ces mots, il ne les a pas prononcés quand il était au sommet de sa gloire, quand il était reçu à la cour et dans les appartements royaux, ni quand il prêchait et était applaudi par la foule, mais quand, abandonné de tous, exilé en terre lointaine, épuisé, il rendit son âme à Dieu.
Où puisait-il sa force ? Dans la Croix du Seigneur, bien sûr. Il savait que le Seigneur Jésus Christ, portant Sa croix, montait vers le Golgotha. Lui aussi portait sa croix, montant vers son Golgotha. Le souvenir du Seigneur Jésus-Christ, lui donnait le calme, la joie et la force nécessaires pour supporter les épreuves.
Jean Chrysostome était soutenu par une femme, la diaconesse Olympiade, qui l’aidait lorsqu’il était à Constantinople. Quand il fut déchu de son épiscopat et envoyé en exil, Olympiade en fut très affligée. Saint Jean, en route vers sa dernière destination humaine, lui envoyait des lettres pour la consoler. Ce n’était pas elle qui le consolait, mais lui qui la confortait. Ces lettres ont été conservées, on peut les lire et se convaincre de la force d’âme de cet homme, de son calme, de son assurance quand il allait à la mort, sans que sa foi en fût affectée, trouvant possible, même dans ces circonstances difficiles, de consoler une personne qui compatissait à son malheur.
D’autres exemples semblables existent, notamment ceux des nouveaux martyrs, morts pour le Christ à une époque toute récente. Parmi eux, saint Constantin Lioubomoudrov, qui fut prêtre dans notre église et son recteur pendant quelques temps. Beaucoup d’autres chrétiens, au cours des siècles, dans les circonstances les plus difficiles, dans les souffrances, ont puisé leurs forces à la Croix du Seigneur, se souvenant qu’Il ne confie jamais à personne une croix trop lourde à porter, ni des épreuves trop grandes pour être surmontées. Pour surmonter les tentations, pour sentir la force de Dieu dans les souffrances, il faut espérer en Jésus Christ et non en soi-même, puiser la force divine à la Croix du Seigneur.
La Croix, instrument de mort honteuse, est devenue le symbole du salut de millions d’hommes. Aujourd’hui, nous élevons la croix en faisant mémoire des souffrances du Seigneur Jésus-Christ, des souffrances des martyrs et des confesseurs. En même temps, nous regardons ce symbole sacré avec joie et espérance, sachant, comprenant et sentant que la Croix du Seigneur est empreinte de la grâce divine. Elle est aujourd’hui source de guérison et de salut.
Vénérons la croix du Christ et demandons au Seigneur de nous aider à porter la croix qu’Il nous a confiée. Prions-Le de ne jamais être privé de la force de la Croix du Christ, qu’elle nous affermisse sur le chemin par lequel le Seigneur Lui-même, crucifié et ressuscité, nous conduit vers Son Royaume céleste. Amen. Bonne fête à tous. »