Le métropolite Hilarion : Nous soutenons et soutiendrons l’Église canonique au Monténégro
Le soir du 2 août 2020, le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, a participé en direct à l’émission «E-ЛИТИJA» (« Internet-Litie ») de la télévision monténégrine.
- Éminence, au nom du métropolite Amphiloque du Monténégro et du Littoral et d’autres hiérarques de l’Église orthodoxe serbe, dont la juridiction s’exerce au Monténégro, permettez-moi de vous remercier d’avoir trouvé le temps de nous rencontrer sur l’émission « Internet-Litie » en ce jour où nous fêtons le prophète Élie, malgré les multiples obligations qu’imposent vos fonctions de président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou.
Depuis l’adoption dans notre pays d’une loi sur la liberté de confession religieuse et sur le statut des communautés religieuses, suivant laquelle l’état peut confisquer les biens des diocèses monténégrins de l’Église orthodoxe serbe, les habitants du Monténégro descendent dans la rue pour protester contre l’injustice faite à notre Église. Notre Église et le peuple ont manifesté pacifiquement contre la loi anticléricale, avec dignité, défilant en priant. Durant plusieurs mois, les jeudis et les dimanches, le peuple, fraternellement uni par la prière, a appelé les autorités à annuler cette loi contradictoire ou à en modifier les points litigieux.
A cause des mesures prises contre l’épidémie de COVID-19, les processions ont été temporairement interrompues, et se sont reportées dans l’espace virtuel.
Nous savons que vous êtes au courant de ce qui se passe au Monténégro depuis des années, des processus qui se sont accélérés l’an dernier, avec l’adoption arbitraire, fin 2019, d’une loi limitant les droits de l’Église orthodoxe serbe. Vos déclarations publiques témoignent de votre connaissance du problème, ainsi que les déclarations de la hiérarchie de l’Église orthodoxe russe, du Saint-Synode et de Sa Sainteté le patriarche Cyrille.
A quel point cette situation est-elle connue de l’Église orthodoxe russe en général ? Et que pensez-vous de l’évolution de la situation, notamment des derniers évènements, avec les négociations manquées entre des groupes d’experts de l’Église et le gouvernement monténégrin ?
- Je tiens à saluer tous ceux qui nous regardent en ce moment, au Monténégro, en Serbie, tous les orthodoxes auxquels le sort de l’Orthodoxie au Monténégro n’est pas indifférent. J’aimerais transmettre un salut cordial à Son Éminence révérendissime le métropolite Amphiloque du Monténégro et du Littoral, et à tous les hiérarques de l’Église orthodoxe serbe dont le ministère se poursuit au Monténégro. Au nom de Sa Sainteté le patriarche Cyrille de Moscou et de toute la Russie, en mon nom propre et au nom de toute l’Église orthodoxe russe, je tiens à assurer l’Église orthodoxe serbe de notre soutien plein et entier.
J’aimerais aussi dire combien j’admire les prouesses des orthodoxes du Monténégro, qui confessent aujourd’hui leur foi. J’ai été très impressionné par les images retransmises, par les chaînes de télévision centrale russe, où l’on voit des dizaines et des centaines de milliers de gens défiler dans les rues des villes monténégrines pour témoigner de leur attachement à leur Église. Ces images ont fortement impressionné les fidèles de l’Église orthodoxe russe.
Certes, dans l’Église orthodoxe russe on suit avec beaucoup d’inquiétude le développement de la situation au Monténégro. Il est remarquable que, dans le contexte de la pandémie de coronavirus, les orthodoxes monténégrins, empêchés de sortir dans les rues des villes, continuent à témoigner sur internet de leur fidélité à l’orthodoxie.
Pour nous, la situation faite à l’Église canonique orthodoxe au Monténégro constitue une attaque des autorités civiles contre le patrimoine séculaire de l’orthodoxie dans ce pays. Il ne s’agit pas seulement d’attaquer l’Église serbe, mais d’attaquer l’orthodoxie canonique.
La foi orthodoxe a une dimension universelle, elle n’est pas byzantine ou russe, serbe ou monténégrine. En même temps, dans chaque pays et dans chaque peuple cette foi véridique acquiert des formes d’expression nationale originales. Mais la structure canonique de l’Église, son organisation canonique, est loin de toujours correspondre aux frontières des états. De nombreuses Églises orthodoxes sont multinationales.
L’Église orthodoxe russe, par exemple, n’est pas seulement l’Église de Russie. Le territoire canonique de l’Église orthodoxe russe englobe aussi l’Ukraine, la Biélorussie, la Moldavie, les républiques baltes et plusieurs états d’Asie centrale. La juridiction de l’Église orthodoxe russe s’étend aussi au Japon, à la Mongolie, à la Chine. Dans chacun de ces pays, l’orthodoxie a pris des formes d’expression originales, mais, malgré les particularités de la mentalité nationale, les orthodoxes de ces pays sont membres d’une seule et même Église orthodoxe russe.
L’Église orthodoxe serbe est aussi une Église multinationale, elle n’est pas seulement présente en Serbie, mais aussi dans d’autres pays. Et si les policitiens veulent fonder une église monténégrine indépendante, l’arrachant à l’Église orthodoxe serbe, nous ne pouvons aucunément être d’accord, car ce ne sont pas les hommes politiques, mais l’Église, qui doit s’occuper de son organisation administrative. Les hommes politiques doivent s’occuper des problèmes politiques, et sociaux, de la politique étrangère et intérieure, du bien-être matériel de la population. Il ne leur appartient pas d’intervenir dans les affaires internes de l’Église, ni dans son organisation.
- Le Parti démocratique des socialistes, force politique dominante au Monténégro, a inclus la création d’une « église autocéphale » à ses objectifs. Éminence, qu’en pensez-vous, sachant qu’il s’agit d’un parti laïc orienté sur la société civile ?
- Notre Seigneur Jésus-Christ a dit : « Je bâtirai mon Eglise, et les portes du séjour des morts ne prévaudront point contre elle » (Mt 16,18). Nous avons ici des politiciens qui disent : nous fonderons notre église à nous. Ce n’est pas l’affaire des leaders politiques, que de fonder une église. Qu’ils créent des partis politiques. L’administration de l’Église est la prérogative des ecclésiastiques.
Historiquement parlant, les frontières des Églises ont souvent été déplacées. Elles ne sont pas un fait immuable, il s’agit d’un processus. Mais ce n’est pas aux hommes politiques d’introduire des frontières à l’intérieur d’une Église. C’est une question qui concerne uniquement l’Église. Si un parti politique se donne pour objectif de créer une sorte d’église, on est en droit de se demander si ce parti n’a rien d’autre à faire. Aurait-il, par hasard, déjà résolu tous les problèmes sociaux ?
Les notions de « liberté de conscience » et de « liberté de confession religieuse » existent toujours. Si un parti politique a pour slogan de fonder une église, il s’agit d’une ingérence et d’une invasion dans une sphère où les politiciens ne devraient absolument pas s’immiscer. C’est une violation du droit de liberté de conscience et du droit de liberté de confession religieuse.
L’Église catholique romaine, par exemple, a des diocèses et des structures dans de nombreux pays, mais son centre ecclésiastique est à Rome. En Chine, jusqu’à une date récente, les dirigeants exigeaient que l’Église catholique de Chine se sépare de Rome. Du point de vue catholique, c’est une situation anormale. Finalement, les dirigeants chinois ont entamé des négociations avec le Vatican, on est parvenu à un accord, et les catholiques chinois ont désormais le droit de reconnaître Rome pour leur centre ecclésiastique. Rome est le centre de tous les catholiques du monde entier. Pour les orthodoxes, non seulement de Russie, mais de tous les pays que j’ai énumérés, le centre spirituel (non pas politique, mais spirituel) est à Moscou. C’est la même chose pour l’Église orthodoxe serbe, qui a des structures dans différents pays, mais dont le centre spirituel est le Patriarcat de Serbie, installé à Belgrade, après avoir longtemps eu son siège à Peč. De la même façon que le centre historique de l’Église orthodoxe russe est aujourd’hui situé à Moscou, après avoir été à Kiev.
Ce n’est donc pas l’affaire des partis politiques que de s’engager dans l’aventure de la création d’une église. Qu’ils laissent aux ecclésiastiques le soin de résoudre eux-mêmes leurs affaires et leurs problèmes.
- Il y a quelques jours, le président du Monténégro a déclaré que l’Église orthodoxe serbe ne voulait pas s’entendre avec les autorités monténégrines parce qu’elles recevait ses instructions de Moscou et de Belgrade. On entend souvent ce genre d’accusations de la part de fonctionnaires, ces derniers temps. Monseigneur, quels sont les rapports de l’Église orthodoxe russe avec les Églises locales sœurs, notamment avec notre Église orthodoxe serbe ? Cette opinion est-elle aussi répandue ?
- L’Église orthodoxe russe ne peut pas donner d’instructions aux Églises locales sœurs. Mais l’Église russe aide et soutient par la prière les Églises orthodoxes.
Je rappelle que les liens entre les Églises orthodoxes russe et serbe remontent à plusieurs siècles. Je tiens aussi à souligner les liens profonds existant entre nos peuples orthodoxes. Ce n’est pas en Russie, mais au Monténégro qu’existe la locution suivante : « nous, Monténégrins, en comptant les Russes, sommes… » (et de donner le total du nombre d’habitants des deux pays).
L’unité entre nos peuples a été scelleé par le sang de nos soldats, qui ont donné leur vie pour la libération des Balkans de la domination turque. Cette histoire est sacrée pour nous. C’est pourquoi, nous soutenons et nous soutiendrons les peuples dont les Églises orthodoxes russe et serbe ont la responsabilité pastorale. Nous soutenons et nous soutiendrons l’Église orthodoxe en Serbie et au Monténégro. Mais il s’agit bien de l’Église canonique, et non de groupes schismatiques qui se disent orthodoxes, mais ne sont que des imposteurs dont les repsonsables se sont consacrés eux-mêmes.
- L’Église orthodoxe russe, durant ces deux dernières décennies où nous sommes témoins de turbulences provoquées par les relations entre l’Église et l’état au Monténégro, a soutenu toute initiative visant à l’amélioration et au règlement des rapports entre Églises et entre états. En dehors de rencontres régulières et de contacts avec les représentants de l’Église orthodoxe serbe, l’Église russe est en contact avec les hauts représentants des autorités monténégrines. On sait que M. Djukanovič a rencontré à Moscou le patriarche Alexis II, de bienheureuse mémoire. L’actuel patriarche a aussi rencontré le président Djukanovič lorsqu’il est venu participer à la consécration de la cathédrale de Podgorica. Pendant votre visite au Monténégro, en 2011, vous avez rencontré les dirigeants de notre pays. Quel message adressez-vous aujourd’hui aux autorités monténégrines ?
- Notre message est simple : ne touchez pas à l’Église orthodoxe. Nous sommes profondément convaincus que les hommes politiques qui s’en prennent à l’Église orthodoxe s’en prennent aussi à leur peuple. En témoignent les dizaines de milliers de personnes qui sortaient dans les rues des villes monténégrines jusqu’à récemment. C’est ce dont témoignent aussi les enseignants, les médecins, les marins, les militaires qui recueillent des signatures pour défendre l’Église orthodoxe monténégrine canonique, faisant partie de l’Église orthodoxe serbe. Dans cette situation, si l’état va contre l’Église, il va aussi contre son peuple. Notre message aux autorités monténégrines est donc très simple : arrêtez, réfléchissez, cessez de persécuter l’Église.
Peu avant l’épidémie, j’avais reçu l’ambassadeur du Monténégro en Russie, venu me voir, visiblement, à la demande du président du Monténégro, M. Djukanovič. Le chef de la mission diplomatique du Monténégro m’avait apporté une traduction russe de la loi sur la liberté de confession religieuse et de convictions et sur la situation juridique des communautés religieuses, et il avait tenté de démontrer qu’elle ne contenait rien de discriminatoire pour l’Église.
Mais il ressort de cette loi que toutes les propriétés de l’Église antérieures à 1918 doivent revenir à l’état, et qu’un organe administratif décidera ensuite de la structure ecclésiastique à laquelle il confiera cette propriété. Pendant ma rencontre avec l’ambassadeur, je lui ai dit alors qu’ils étaient en train de mettre en place les conditions d’une expropriation des biens de l’Église, pour les remettre à d’autres structures. C’est s’engager sur une voie dangereuse.
M’adressant aux autorités monténégrines, je leur dirais : si vous voulez le soutien du peuple, n’allez pas contre l’Église. Soutenez l’Église, et le peuple vous soutiendra.
- Dans une précédente interview, dans le cadre de l’émission « l’Église et le monde », vous avez établi un parallèle entre la situation de l’Église canonique au Monténégro et celle de l’Église en Ukraine. On ne peut pas ne pas remarquer que le problématisation de cette question – le rapport de l’état à l’Église au Monténégro et en Ukraine – n’est pas le résultat d’une initiative des fidèles, ni même de la société, mais est entièrement voulue par les autorités civiles. Pourquoi ?
- En effet, la situation au Monténégro rappelle la situation en Ukraine, sous le président P. Porochenko. M. Porochenko s’était aussi donné pour objectif, dans sa compagne électorale, de créer une église ukrainienne autocéphale, indépendante de l’Église orthodoxe russe, supposant qu’il s’assurerait un avenir politique et un second mandat présidentiel.
A cet effet, P. Porochenko s’est entendu avec le patriarche Bartholomée, et, à notre grand regret, le patriarche Bartholomée a soutenu ces ambitions politiques et légalisé le schisme en Ukraine, ce qui n’a pas, naturellement, résolu la question du schisme ukrainien. L’Église canonique est, comme auparavant, en unité avec l’Église russe, et le schisme reste un schisme. Dans ces structures schismatiques, il y a des gens qui n’ont même pas été consacrés évêques, ce sont des imposteurs qui se sont auto-consacrés. Aucun « tomos » du patriarche Bartholomée ne peut leur donner une légitimité.
Tout le monde sait comment s’est terminée la carrière politique de monsieur Porochenko : il a sillonné l’Ukraine avec son fameux « tomos », mais il a perdu les élections, subissant un échec cuisant et honteux ; le tomos ne lui a servi à rien.
Je pense que les leaders politiques qui cherchent à jouer la carte ecclésiastique dans leur campagne électorale commettent une grande erreur. D’autant plus que, dans le cas présent, il ne s’agit pas de s’assurer le soutien de l’Église. Au contraire, au nom de leurs objectifs politiques, ils cherchent à anéantir l’Église existante. L’Église qui existe aujourd’hui au Monténégro ne leur plaît pas, et ils veulent en fonder une autre. Mais l’Église et le peuple, c’est un tout. Peut-être faudrait-il alors changer de peuple ? J’estime que c’est de la myopie et de l’aventurisme politiques.
- Malgré les rapports particulièrement difficiles entre l’Église orthodoxe russe et le Patriarcat de Constantinople, nous avons pu voir, lorsqu’il a été résolu de modifier le statut de l’église Sainte-Sophie pour la transformer en mosquée, l’Église orthodoxe russe s’élever fermement contre cette décision. Que pourriez-vous dire à ce sujet ?
- Tout d’abord, j’aimerais rappeler que Sa Sainteté le patriarche Cyrille a été le premier leader orthodoxe à élever la voix pour défendre l’église Sainte-Sophie lorsque la décision d’en faire une mosquée a été annoncée, mais n’était pas encore prise. Ensuite, la Douma de la Fédération de Russie, à la suite du patriarche, a publié une déclaration à ce sujet.
Certains médias, en Russie et en Ukraine, ont affirmé que le patriarche Bartholomée était lui-même responsable de cette transformation de Sainte-Sophie en mosquée, parce qu’il s’était rendu coupable de divisions au sein de l’Église orthodoxe et que Dieu l’en a puni. Mais je ne suis pas d’accord avec cette position.
Sainte-Sophie de Constantinople est un sanctuaire commun à tous les orthodoxes. Pour les Russes, il est exceptionnellement important. Quand le prince Vladimir réfléchissait à l’adoption d’une autre religion pour le peuple russe, il envoya des ambassadeurs dans différents pays afin qu’ils voient comment on y priait Dieu et le lui rapportent. Les ambassadeurs du prince se rendirent chez les juifs, les musulmans, les chrétiens occidentaux et, enfin à Constantinople. Entrés à Sainte-Sophie, ils furent éblouis par la divine beauté de cette église, par sa précieuse ornementation, par ses inestimables mosaïques ; ils entendirent le chant et virent la solennité de l’office liturgique, et, à leur retour, ils dirent à Vladimir : « Nous ne savions plus si nous étions au ciel ou sur terre ». Cette visite a déterminé le choix historique du prince Vladimir en faveur du christianisme orthodoxe.
La transformation de Sainte-Sophie en mosquée est un coup porté à l’ensemble du christiansime orthodoxe, je dirais même, à tout le christianisme. C’est un coup dont nous, chrétiens, sommes tous touchés, et durement touchés.
Là encore, ont dit que le patriarche Bartholomée aurait pu empêcher la transformation de Sainte-Sophie en mosquée, mais qu’il ne l’a pas fait. Je ne suis pas non plus d’accord avec cela. Il ne pouvait pas l’empêcher, de même qu’il ne parvient pas à obtenir l’ouverture d’une école de théologie sur l’île de Halki, depuis qes années. Les autorités turques ne font pas attention au patriarche Bartholomée.
Nous regrettons vivement, bien entendu, que l’orthodoxie vive ce triste évènement en état de division. Non seulement on nous porte des coups de l’extérieur, mais nous nous portons des coups à nous-mêmes. C’est affligeant.
Mais il y a aussi de bonnes nouvelles. Récemment, on a consacré à Moscou une immense église, où les militaires viendront prier. A Belgrade, on termine les travaux d’ornementation de la cathédrale Saint-Sabas. L’état russe, l’Église orthodoxe russe et d’excellents mosaïstes de Russie participent à ce projet. J’espère que, lorsque nous viendrons dans quelques temps à Belgrade, après la fin des travaux, nous pourrons sentir dans la cathédrale Saint-Sabas ce que les ambassadeurs du prince Vladimir ressentirent il y a dix siècles à Sainte-Sophie.
- Monseigneur, nous sommes très reconnaissants à l’Église orthodoxe russe et à l’état russe de son aide dans l’ornementation de Saint-Sabas, qui sera non seulement la cathédrale centrale de Belgrade, mais l’église principale de toute l’Église orthodoxe serbe.
Nous aimerions aussi aborder le thème des rapports entre l’Église orthodoxe russe et les autorités russes. Des amendements à la constitution ont été récemment adoptés en Russie ; L’Église orthodoxe russe a pris une part active à ce processus, faisant ses propres propositions en vue d’améliorer la constitution. Quelle importance ont ces amendements pour l’Église russe et, plus généralement, pour la société russe dans son ensemble ?
- La Constitution mentionne désormais le nom de Dieu. C’est très important pour les croyants, non seulement pour les orthodoxes, mais aussi pour les musulmans de Russie, les juifs, les bouddhistes, qui ont tous soutenu ces amendements.
Les religions traditionnelles ont aussi soutenu l’article sur le mariage, désormais défini dans la Constitution comme l’union d’un homme et d’une femme.
Il y beaucoup d’autres amendements, notamment certains traitant de l’amélioration du bien-être de la population. Par exemple, un article sur l’indexation obligatoire des pensions de retraite. Il y a aussi un article sur la protection de la maternité et de l’enfance par l’état. Les articles amendés répondent donc aux attentes du peuple. C’est pourquoi une majorité absolue de citoyens a voté pour.
A la fin de l’émission, le métropolite Hilarion a répondu aux questions posées par les téléspectateurs.
- On a récemment publié vos vœux de Pâques au président du Monténégro, et les autorités monténégrines ont présenté votre message comme un signe de soutien de votre part à leur politique. Pourriez-vous commenter ?
- Tous les ans, à Noël et à Pâques, j’envoie mes vœux à environ 100, peut-être 120 chefs d’état, avec lesquels la Fédération de Russie entretient des relations diplomatiques, ainsi qu’à ceux des pays où résident des orthodoxes. De mon côté, je reçois les félicitations de nombreux chefs d’état, chefs d’Églises et de multiples personnes. Je reçois environ un millier de messages pour Pâques et pour Noël tous les ans, mais il ne me vient pas à l’esprit d’interpréter ces messages comme une forme de soutien aux opinions que je défends.
- Depuis l’adoption de la loi « De la liberté de confession religieuse et de convictions et de la situation juridique des communautés religieuses », les orthodoxes du Monténégro ont pris l’habitude de se saluer d’une exclamation spéciale. De même qu’à Pâques nous nous saluons en disant « le Christ est ressuscité », depuis les récents évènements, les fidèles se saluent en disant : « On ne donnera pas nos sanctuaires ». Cela veut dire que les gens sont prêts à défendre leurs sanctuaires, leurs valeurs. Comment percevez-vous ces mots ?
- Au début de notre entretien, j’ai dit, et je veux le répéter encore une fois, que j’admire le courage des orthodoxes du Monténégro, qui n’ont pas craint de descendre dans la rue. Ils n’ont pas peur de recueillir des signatures pour défendre leurs sanctuaires, et, comme ont dit chez nous, ils défendent leurs sanctuaires avec leurs poitrines.
Je m’adresse aux orthodoxes du Monténégro pour leur demander de continuer à défendre l’orthodoxie canonique, à défendre leurs sanctuaires, à ne pas se laisser intimider par les leaders politiques qui disent que votre église n’est pas comme il faut, qui veulent la remplacer par une église « correcte ».
Il ne peut y avoir qu’une seule Église, celle que le Seigneur Jésus Christ a fondée. Les églises que fondent les schismatiques et les politiciens ne sont pas de vraies églises. Si les hommes politiques ont quelque chose à demander à l’Église, qu’ils s’asseyent à la table des négociations, et qu’on trouve un accord. Mais, malheureusement, les tentatives d’impliquer l’Église canonique dans un dialogue, qui sont prises aujourd’hui au Monténégro, ne peuvent être considérées comme une vraie volonté de dialogue. Parce que la loi qui a été adopté est ouvertement discriminatoire. Elle constitue une véritable attaque contre l’Église. Et les demi-mesures pour suspendre la loi ou pour atténuer certains articles ne résolvent pas le problème.
Lorsqu’on nous dit qu’en commentant la situation au Monténégro nous interférons soi-disant dans les affaires internes de ce pays, nous ne pouvons être d’accord. L’Église orthodoxe est le Corps du Christ. Comme dit l’apôtre Paul, « si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui » (I Co 12,26).
C’est pourquoi ce qui se passe maintenant au Monténégro nous touche profondément et suscite notre sincère compassion. Nous ne nous immisçons pas dans les affaires politiques, nous ne disons pas au peuple monténégrin pour qui il doit voter, pour quel parti politique. Mais nous soutenons et nous continuerons à soutenir l’Église canonique au Monténégro, qui fait partie de l’Église orthodoxe serbe.