Le 28 juin 2020, 3e dimanche après la Pentecôte, le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, a célébré la Divine liturgie à l’église Notre-Dame-Joie-de-tous-les-affligés.

Des prières ont été dites pendant la litanie instante pour la fin de l’épidémie de coronavirus.

A la fin de l’office, le métropolite Hilarion a prononcé une homélie :

« Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit !

Chers frères et sœurs,

Ce dimanche, le Seigneur, dans la lecture de l’évangile selon saint Mathieu, nous disait que l’homme ne peut servir deux maîtres. Soit il prendra soin de l’un et négligera l’autre, soit il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. « Vous ne pouvez servir Dieu et Mamon » (Mt 6,24), c’est-à-dire servir Dieu et les richesses matérielles.

Ces paroles du Seigneur à Ses disciples, s’adressent aussi à nous. Il ne s’agit pas de renoncer à toute propriété terrestre et de vivre dans l’inscouciance, la paresse et l’oisiveté. Le Seigneur Jésus Christ, disant de ne pas se soucier du lendemain, ne veut pas dire que les parents ne doivent pas se soucier de leurs enfants, ni les nourrir, ni assurer leur bien-être matériel, ou que les enfants, une fois adultes, n’ont pas à prendre soin de leurs parents âgés. Le Seigneur ne les invite ni à l’inscouciance, ni à la paresse, ni à la passiveté. Il invite à mettre Dieu et le Royaume à la première place. Le reste s’organisera autour de cet axe unique, sur cet unique fondement, sur lequel le Seigneur invite à bâtir sa vie terrestre.

La vie terrestre se compose à la fois de biens spirituels et de biens matériels. Inévitablement, on est amené à prendre soin de soi et de ses proches. Il faut penser non seulement à aujourd’hui, mais au lendemain. Le Seigneur veut que ce souci du lendemain, cette préoccupation du terrestre ne ronge pas le cœur, qu’on ne consacre pas sa vie entière à acquérir prospérité matérielle et richesse terrestre, qu’on n’applique pas son cœur à l’acquisition des biens matériels.

Le Seigneur nous invite à nous soucier de nos proches. Ce sont, en premier lieu, les membres de notre famille, notre parenté, nos amis. Mais le Seigneur nous demande, avant tout, de chercher le Royaume de Dieu et dit que le reste, c’est-à-dire la prospérité matérielle, la richesse matérielle, seront donnés par surcroît si l’on cherche d’abord le Royaume des Cieux.

Ayant entendu ces paroles du Seigneur Jésus Christ aujourd’hui, cherchons à les appliquer à nos vies. Demandons-nous ce que nous cherchons d’abord : la prospérité matérielle, la richesse, le confort, ou bien le Royaume des Cieux offert par le Seigneur Jésus Christ ?

Mais qu’est-ce que le Royaume des Cieux, demanderont certains. Le Seigneur Jésus Christ en parle souvent dans l’Évangile, sans jamais expliquer ce que c’est. Peut-être faut-il mépriser la vie terrestre, ne penser qu’à l’au-delà, mépriser les travaux d’ici-bas, pour ne penser qu’à la vie spirituelle ?

Le Seigneur ne demande pas de quitter le monde, de renier le monde et nos proches, comme le font les moines, qui ont choisi un état particulier. Mais il dit qu’il faut mettre Dieu à la première place, que Dieu doit être toujours dans nos cœurs. Ceci s’adresse aussi bien aux moines qu’aux laïcs.

Le Seigneur n’explique pas ce qu’est le Royaume des Cieux, mais chacun connaît ce Royaume par expérience spirituelle. En allant au magasin, au marché, dans un lieu public comme le cinéma, le théâtre, la salle de concert, on n’y trouve pas le Royaume des Cieux, on ne peut y acquérir que des biens matériels ou éprouver un plaisir esthéthique. En venant à l’église, en priant ensemble, en communiant aux Saints Mystères du Christ, on devient participant du Royaume des Cieux qui n’est pas loin, et n’est pas réservé à une époque lointaine, à l’outre-tombe, au Royaume de l’au-delà, mais qui est présent ici, parmi nous et, comme dit le Seigneur, au-dedans de nous.

Pour autant, on peut venir à l’église et ne pas sentir le Royaume des Cieux dans son cœur. On peut assister à l’office, debout, perdu dans ses pensées, égaré dans ses sentiments ; on entend les prières, mais on pense en même temps aux biens matériels ; on entend le chant du chœur, mais on pense au lendemain.

Le Seigneur nous appelle à nous concentrer sur le service divin, à s’appliquer à sa participation, à écouter les lectures de l’Écriture Sainte et les prières chantées par le chœur ou lues par le prêtre, le diacre ou le lecteur. Chaque mot de ces prières est fort d’une puissance vivifiante et thaumaturgique : à nous d’apprendre à entendre ces paroles et à les appliquer à notre vie.

La parole du Seigneur Jésus Christ dans l’Évangile agit différemment selon les gens, et chacun l’interprète à sa manière. Malheureusement, il y a des interprétations fausses, erronées, inexactes. Pour s’en garder, il faut se référer à l’interprétation que l’Église du Christ a donnée de l’Écriture Sainte.

Au cours des siècles, l’Écriture Sainte a été lue dans les églises, et les pères l’ont interprétée. Aujourd’hui, nous faisons mémoire de deux théologiens occidentaux, saint Jérôme de Stridon, et saint Augustin d’Hippone.

Saint Jérôme était l’un des hommes les plus savants de son temps. Il possédait l’hébreu et le grec à la perfection, mais sa langue maternelle était le latin. Il traduisit toute la Bible en latin, l’Ancien Testament depuis l’hébreu, le Nouveau Testament depuis le grec. Il écrivit de nombreux traités de théologie, notamment des commentaires sur l’Évangile de Mathieu, que chacun peut lire, puisqu’ils sont disponibles sur internet.

Saint Augustin, évêque d’Hippone, vécut peu après saint Jérôme, mais ils furent en correspondance. Ils débattaient même parfois de certains points de doctrine. Saint Augustin a laissé une œuvre immense, notamment un traité intitulé « de la concordance des évangélistes », où il compare les récits des quatre évangélistes là où la narration semble différer, disant qu’il faut superposer ces récits les uns sur les autres pour retrouver le tableau de ce qui se passait pendant la vie terrestre du Seigneur Jésus Christ.

Les œuvres des pères sont une immense richesse. Ce sont elles, les œuvres des pères orientaux, occidentaux, grecs, syriens, latins, qui contiennent l’interprétation de l’Écriture Sainte reçue par l’Église, nous permettant de pénétrer plus profondément dans le texte évangélique.

Mais aucun commentaire, même le livre le plus savant et le plus sage ne remplacera l’expérience personnelle de vie en Christ. On peut avoir lu quantité d’œuvres des pères sur le Royaume des Cieux, sans jamais comprendre de quoi il s’agit, si le cœur et l’âme n’en font pas l’expérience vivante. L’Église permet d’approcher le Royaume par la Divine liturgie, par les sacrements, par la structure de la vie liturgique. Elle permet d’approcher le Royaume des Cieux que tout homme qui a cru au Christ attend, s’il observe les commandements évangéliques et vit comme le veut le Christ.

Apprenons de l’Évangile la sagesse de la vie. Soyons attentifs aux paroles du Seigneur Jésus Christ qui enseigne comment vivre et que mettre à la première place, comment chercher le Royaume céleste. Souvenons-nous que tout le reste, suivant, sa parole, sera donné par surcroît : la santé du corps et la santé de l’âme, la richesse matérielle et la richesse spirituelle. Amen. Bonne fête à tous. »