Le métropolite Hilarion : Le Seigneur appelle tous les hommes à la sainteté
Le 14 juin 2020, 1er dimanche après la Pentecôte, fête de tous les Saints, le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, a célébré la Divine liturgie à l’église Notre-Dame-Joie-de-tous-les-affligés.
Des prières ont été dites pendant la litanie instante pour implorer la fin de l’épidémie de coronavirus.
A la fin de l’office, le métropolite Hilarion a prononcé une homélie.
« Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit !
Bonne fête à tous, chers frères et sœurs. Nous faisons aujourd’hui mémoire de tous les saints, de tous ceux qui, au cours des siècles et des millénaires ont resplendi des exploits de leur sainteté, depuis les justes et les prophètes de l’Ancien Testament, jusqu’aux nouveaux martyrs et confesseurs de l’Église russe, presque nos contemporains.
Nous faisons aujourd’hui mémoire d’un immense cortège d’hommes qui ont resplendi des exploits de leur sainteté, parce qu’ils ont consacré leur vie à Dieu. Ils ont attaché leur cœur à Dieu et ont prouvé par l’exemple de leur vie que la voie de la sainteté est ouverte à tout homme, s’il souhaite seulement s’y engager.
L’histoire de l’histoire chrétienne montre que les chemins et les moyens de parvenir à la sainteté diffèrent. Les prophètes de l’Ancien Testament, que le Seigneur appelaient et qui répondaient à cet appel, allaient de l’avant, accomplissant la volonté de Dieu. Ils proclamaient la volonté divine au peuple, même lorsqu’ils n’en avaient pas envie. C’est ce qui arriva, par exemple, au prophète Jonas, qui, ayant reçu de Dieu l’ordre de partir immédiatement pour Ninive et d’y prêcher, voulut se dérober à la face du Seigneur. Mais Dieu fit en sorte que Jonas accomplît néanmoins la mission qui lui était confiée.
Nous glorifions aussi les apôtres du Seigneur Jésus Christ, choisis par le Fils de Dieu pour poursuivre son œuvre sur la terre. Hommes simples et illettrés, les disciples du Christ, ayant reçu l’Esprit Saint au jour de la Pentecôte, trouvèrent en eux des forces nouvelles et purent prêcher au monde entier le Christ crucifié et ressuscité. Ils portèrent au monde la prédication qui est, selon l’apôtre Paul, « scandale pour les Juifs et folie pour les païens » (I Cor 1,24), mais salut pour le monde.
Nous faisons mémoire des martyrs, ceux de l’Église paléochrétienne, et ceux qui furent martyrisés durant les siècles suivants, jusqu’au XXe siècle, quand un cortège immense de martyrs et de confesseurs vint orner l’Église russe. Ils sont allés jusqu’au bout dans l’obéissance à Dieu. Ils ont témoigné, non seulement par leur vie, mais par leur mort, de leur amour infini et de leur fidélité à Dieu.
Avec les martyrs, l’Église glorifie les confesseurs, pour avoir proclamé ouvertement leur foi au Christ pendant les persécutions. Les confesseurs professèrent le Christ par leur vie, supportant les souffrances, mais le Seigneur voulut qu’ils mourussent de mort naturelle. Nous les glorifions avec les martyrs, car si les circonstances de la mort sont différentes pour chacun, quiconque est passé par la voie de la confession de foi est élevé par l’Église au rang des saints.
Nous glorifions aussi aujourd’hui les multiples pontifes, qui reçurent de l’Église leur rang hiérarchique et, par leurs œuvres, notamment en défendant l’Église des hérésies et des fausses doctrines, ont plu à Dieu et éclairé des milliers d’hommes, leurs contemporains et ceux des générations suivantes.
Aujourd’hui, peu nombreux sont ceux qui lisent les œuvres des pères de l’Église, Athanase le Grand, Basile le Grand, Grégoire le Théologien, Grégoire de Nysse, Jean Chrysostome et tant d’autres, canonisés précisément pour avoir défendu la doctrine orthodoxe, lutté contre les hérésies, exposé la doctrine du Seigneur Jésus Christ et de ses apôtres dans une langue accessible à leurs contemporains.
Les pères ont laissé de multiples écrits, dont l’ensemble remplit de nombreux tomes. La seule patrologie grecque, publiée au XIXe siècle, occupe 161 tomes. La patrologie latine en comprend encore plus. Sans parler des pères syriens, des pères russes… Les pères et les docteurs de l’Église ont laissé leurs œuvres pour défendre la foi orthodoxe, parler d’elle à leurs contemporains et aux descendants de ceux-ci. L’Église du Christ les glorifie tous.
Nous glorifions encore aujourd’hui les pieux princes, les rois et les dirigeants qui, dans leur politique et la direction de l’état, ont montré qu’un homme revêtu du pouvoir terrestre pouvait employer son autorité à atteindre des buts célestes. Ces dirigeants sont glorifiés par l’Église pour leur activité de gouvernant et pour avoir défendu la foi chrétienne, parfois au prix de leur vie. C’est pourquoi, au nombre des pieux princes et rois que nous célébrons, on compte des martyrs et des confesseurs.
Nous faisons aussi mémoire des vénérables pères qui, au désert, dans les montagnes et les ravins, s’exercèrent à la solitude, supportant le froid de l’hiver et la chaleur de l’été, passant nuits et journées en prière pour eux et pour le monde entier. Seuls un petit nombre d’entre eux sont connus du monde, les autres sont morts dans l’anonymat, et le Seigneur seul connaît les efforts qu’ils s’imposèrent.
Nous glorifions encore aujourd’hui les laïcs qui, n’étant ni pontifes, ni hiérarques, ni prêtres, n’ayant pas écrit de livres, n’étant pas partis pour le désert, ont manifesté dans leur vie ordinaire de laïc l’idéal de sainteté auquel le Seigneur Jésus Christ nous appelle tous.
Les paroles du Seigneur Jésus Christ, qui résonnent dans le texte de l’évangile d’aujourd’hui, dans Son Sermon sur la montagne, dans Ses paraboles, montrent qu’Il ne nous appelle pas à un mode de vie particulier. Il ne dit pas : quittez le monde et allez au désert. Il ne dit pas : vous parviendrez à la sainteté si vous devenez prêtre ou si vous prenez le pouvoir terrestre.
Le Seigneur appelle tous les hommes à la sainteté, évêques et prêtres, diacres, moines et laïcs. Tout homme peut parvenir à l’idéal spirituel tracé dans l’Évangile. Il dépend de nous, de notre volonté, de nous engager pour atteindre cet idéal. On se sent souvent incapable de prendre cette voie, comme le prophète Jonas, que le Seigneur appelait à une mission concrète, lui ayant même dicté les paroles qu’il devait dire au peuple, mais qui désobéit à Dieu et prit un bateau vers une autre destination. Chacun sait ce qui lui arriva ensuite. L’Écriture Sainte et l’histoire de l’Église montrent que si le Seigneur veut obtenir quelque chose de quelqu’un, Il l’obtiendra. S’Il n’y parvient pas avec l’un, Il confie cette mission à une autre.
L’œuvre de Dieu s’est toujours accomplie et s’accomplira toujours. Mais si le Seigneur nous appelle à être Ses collaborateurs, c’est une vocation qu’il ne faut ni laisser passer, ni manquer. Répondons-y de toute notre nature humaine, avançons à la mesure de nos forces sur le chemin qu’indique le Seigneur.
Je vous souhaite à tous de vous laisser inspirer par l’exemple des saints de différentes générations, ayant vécu à différentes époques, dans différents milieux et différentes circonstances : les saints qui plurent à Dieu pendant les persécutions, ceux qui lui agréèrent aux temps de prospérité. On ne peut pas lire la vie de tous les saints, ni aimer et vénérer également chacun d’eux. Mais on peut trouver dans l’histoire de la sainteté des exemples qui inspirent et aident à avancer sur le chemin du Royaume des cieux.
Je souhaitais vous dire encore autre chose. Nous passons par des temps difficiles. Durant deux mois, nous n’avons pu prier ensemble à l’église. Beaucoup ont été enfermés entre quatre murs. J’espère que chacun a retiré quelque chose de cette expérience. Comme l’a souvent redit le patriarche Cyrille dans ses homélies, si le Seigneur nous visite dans des circonstances difficiles, cela veut dire qu’Il veut obtenir de nous quelque chose. Il attend un résultat. J’espère que chacun aura retiré de cette période un bien pour son âme.
Certains ont consacré ce temps et leurs forces à un art. Pendant cette liturgie, nous avons entendu la musique de notre chef de chœur, Mikhaïl, assistant du chef de chœur Alexeï Pouzakov. Mikhaïl n’a pas perdu son temps pendant le confinement : il a écrit une Divine liturgie, chantée pour la première fois dans cette église. J’ai apprécié cette musique, j’espère que vous aussi.
La musique sacrée ne doit pas distraire de la prière, elle ne doit pas être trop éclatante ou trop forte. Elle doit inviter à la prière. Aujourd’hui, pendant ce service divin, la musique ne m’a pas distrait de la prière, et c’est ce que j’attends principalement de toute musique sacrée en tant que célébrant.
Je souhaite que Dieu aide notre Chœur synodal. Je vous souhaite à tous qu’inspirés par l’exemple de tous les saints et de chacun des saints, nous avancions sur la voie que le Seigneur nous a indiquée. Amen.
Bonen fête, que le Seigneur vous garde ! »