Le métropolite Hilarion : La profanation des sacrements par les représentants de « l’église orthodoxe d’Ukraine » témoigne de ce qui se passe à l’intérieur de cette structure pseudo-ecclésiale
Le 30 mai 2020, le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, a répondu aux questions de la présentatrice Ekaterina Gratcheva, dans l’émission « L’Église et le monde » (Tserkov’ i mir), diffusée sur la chaîne de télévision « Rossia-24 ».
E.Gratcheva : Bonjour ! C’est l’heure de l’émission « L’Église et le monde », sur la chaîne « Rossia-24 ». Nous interrogeons le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou. Bonjour, Monseigneur !
Le métropolite Hilarion : Bonjour, Ekaterina ! Chers frères et sœurs, bonjour !
E.Gratcheva : Grâce à Dieu, le niveau de contamination au coronavirus se stabilise peu à peu dans notre pays. Les spécialistes disent que la courbe ne va pas manquer de redescendre, et on peut donc s’attendre à un relâchement des mesures de confinement pour les citoyens. Beaucoup aimeraient sortir se promener, échanger, d’autres attendent de pouvoir retourner au café ou au fitness, enfin certains attendent la réouverture des églises. Qu’est-ce qui vous a le plus manqué pendant cette période de confinement ?
Le métropolite Hilarion : Les échanges avec mes paroissiens, mes collaborateurs. Un homme d’église, c’est quelqu’un qui est toujours en train d’échanger, et le fait de célébrer dans une église vide est psychologiquement très difficile, bien que la présence de ceux qui suivent la retransmission de l’office, par la caméra, se fasse sentir. J’attends le moment où nous pourrons à nouveau célébrer avec nos fidèles.
S’agissant du confinement en général, en tant que moine, je n’ai pas eu besoin de m’y habituer. C’est un mode de vie qui m’est habituel, et ma cellule monastique satisfait tous mes besoins. Durant toute ma vie, j’ai rassemblé une bibliothèque assez importante, et durant cette période j’ai pu lire les livres qui étaient restés pendant des années sur les étagères, sans que j’ai la possibilité de les ouvrir. Vous voyez derrière moi une collection de 161 tomes ; ce sont les œuvres des pères de l’Église en grec avec traduction latine. Pendant la quarantaine, j’ai pu terminer, si ce l’ensemble de ces livres, du moins une partie.
Par ailleurs, je me suis efforcé de faire de l’exercice physique tous les jours. De façon générale, nous, ecclésiatiques, nous bougeons peu, nous sommes généralement debout ou assis, et pendant la période de quarantaine et de confinement, on peut encore moins bouger. Je me suis donc efforcé de m’exercer à la barre régulièrement, afin de ne pas perdre la forme.
E.Gratcheva : Combien de tractions faites-vous ?
Le métropolite Hilarion : Pour l’instant, un maximum de dix fois. Au service militaire (j’avais 20 ans alors), je n’y arrivais pas du tout. J’ai donc fait certains progrès depuis.
E.Gratcheva : Je vous en félicite ! Monseigneur, sur les réseaux sociaux circulent de nombreux textes relevant du genre psychologique ou philosophique, traitant de ce que le confinement et, plus généralement, cette pandémie, ont appris à l’humanité, des avantages à en retirer. Effectivement, il y a de nombreux avantages : la nature se repose, dans certains pays les requins, qu’on n’avait pas vu depuis des années, se sont approchés des rivages. Les gens ont eu le temps de lire, de passer plus de temps en famille, avec leurs enfants. Monseigneur, si l’on porte un regard global sur ce qui nous arrive, sur quoi voudriez-vous attirer l’attention, sur quelles habitudes qui ont pu être prises pendant la quarantaine ? Lesquelles conseilleriez-vous aux gens de conserver, même une fois sortis du confinement ?
Le métropolite Hilarion : Lorsqu’il se produit quelque chose d’extraordinaire, les croyants disent : c’est Dieu qui l’a permis. Puisque Dieu a permis aux hommes du monde entier de passer par une épreuve aussi difficile que l’épidémie, il faut se demander ce qu’Il a voulu nous dire. Dieu adresse à chacun un message au travers de ces évènements. Les uns consacraient peut-être trop de temps à leur travail et pas assez à leur famille, Dieu leur a donné la possibilité de rester en famille, d’équilibrer leur emploi du temps. D’autres espéraient peut-être trop dans les biens matériels, et ne s’occupaient pas assez de leur vie spirituelle, Dieu leur a permis de s’occuper de l’aspect spirituel de leur vie. Certains encore, peut-être, pensaient trop peu aux membres âgés de leur famille, à leurs parents ; Dieu nous a montré à tous combien nos proches sont importants, combien fragile est leur vie et la nôtre, et qu’il faut s’apprécier les uns les autres, se montrer responsables les uns des autres.
J’aimerais espérer que le sentiment de responsabilité mutuelle qui, me semble-t-il, a beaucoup grandi, restera, que nous ne le perdrons pas. Soyons attentifs les uns aux autres, ayons plus de sollicitude ; que les valeurs spirituelles et familiales soient à la première place, c’est-à-dire nos proches ; le reste doit passer en seconde ou troisième position. Le monde entier a vécu durant des années et des décennies dans une course incessante à la nouveauté, aux biens matériels. Dieu veut peut-être nous dire : arrêtez-vous, faites une pause, pensez à l’éternité. J’aimerais que vous écoutiez la voix douce de Dieu qui se fait entendre au travers des évènements menaçants qui se produisent autour de nous.
E.Gratcheva : Monseigneur, passons à d’autres nouvelles. En Ukraine, un « prêtre » de « l’église orthodoxe d’Ukraine » a proposé aux fidèles de communier par l’intermédiaire de leurs écrans de télévison. Les paroissiens plaçaient du pain et du vin chez eux devant l’écran, le prêtre lisait les prières, pour une liturgie à distance. Est-ce là l’avenir de l’Église ? A votre avis ?
Le métropolite Hilarion : Je pense que parler de cette « église » comme de l’Église n’est pas sérieux, parce que c’est un groupuscule schismatique. Le patriarche Bartholomée a beau l’avoir légitimée, elle ne s’en est pas transformée en Église pour autant. Si les prétendus prêtres de cette « église » accomplissent ce genre de rites, cela ne fait que témoigner de ce qui se passe à l’intérieur de cette structure pseudo-ecclésiale.
Les représentants de générations plus âgées se souviennent, sans doute, des prétendus « guérisseurs » Kachpirovski et Tchoumak, qui « chargeaient » l’eau. Les gens devaient placer de l’eau devant leur télévision, et l’utiliser ensuite. L’Église rejette ces pratiques plus ou moins magiques et les dénonce.
Dans le cas présent, j’estime impossible de prendre cet évènement au sérieux, de même qu’il est impossible de prendre au sérieux la structure qui existe aujourd’hui sous le nom « d’église orthodoxe d’Ukraine ». En Ukraine, depuis la Rus’ de Kiev, il existe une seule Église canonique, qui porte le nom d’Église orthodoxe ukrainienne et est présidée par Sa Béatitude le métropolite Onuphre. C’est cette Église qui est l’arche de Noé salutaire, conduisant les orthodoxes ukrainiens au Royaume des Cieux.
E.Gratcheva : Monseigneur, dans notre émission du 9 mai, nous avons souligné d’importance du 75e anniversaire de la victoire de la Seconde guerre mondiale, du devoir de mémoire envers ses héros. Vous avez dit que vous prendrez part au Régiment immortel en ligne, et avez invité les paroissiens à y participer. Mais certains ont une tout autre vision de l’histoire : le Comité d’enquête a arrêté récemment des personnes ayant mis sur le site du Régiment immortel des photos d’Hitler et d’Himmler. Ils risquent d’être emprisonnés pour soutien au nazisme. Monseigneur, à votre avis, pourquoi ces gens se moquent-ils de la grande victoire, quel est leur motif ? Est-ce une mauvaise plaisanterie, comme ils l’affirment aujourd’hui, ou un signal donnant à s’inquiéter sérieusement pour la jeune génération ?
Le métropolite Hilarion : J’ai du mal à croire que ce soit une mauvaise plansanterie, parce qu’on ne plaisante pas avec ces choses-là. Se moquer de ce qui est sacré pour le peuple est inadmissible, quelles que soient les circonstances. Mais j’espère que les enquêteurs tireront l’affaire au clair et sauront avoir une approche individuelle pour chacun des coupables. S’ils ont agi ensemble, c’est une chose, si chacun l’a fait de son côté, s’en est une autre. Il faut éclaircir les motifs, et, en fonction des motifs, prendre les décisions qui s’imposent. Mais je suis convaincu, et je pense que beaucoup d’entre nous partagent ma position : ces crimes ne doivent pas rester impunis.
E.Gratcheva : Monseigneur, pourriez-vous, en tant que représentant de l’Église, commenter le scandale qui grandit à l’Université d’état de Moscou depuis que plusieurs étudiantes des facultés d’histoire et de philologie ont accusé leurs enseignants de harcèlement. Leur lettre ouverte a fait beaucoup de bruit sur internet. Un professeur, directeur de département à la faculté de philologie, a même donné sa démission, reconnaissant avoir eu des relations avec des étudiantes, mais précisant que celles-ci avaient agi de leur plein gré. Qu’en pensez-vous ? Les relations entre étudiants majeurs et enseignants sont-elles tolérables, si elles sont volontaires ?
Le métropolite Hilarion : Vous savez, même le président d’un pays européen est marié à son ancienne professeur. C’est un domaine très délicat, très personnel. S’il s’agit de majeures, il faut espérer qu’elles se rendent compte de ce qu’elles font. Par contre, il est certain que l’enseignant, devant l’étudiant, est en position de force ; dans certains cas, il peut faire pression sur ses élèves. Si des situations de ce genre se produisent, si des étudiantes ou des étudiants sont victimes de pressions ou de harcèlement, il faut mener sérieusement l’enquête. L’établissement peut prendre des mesures administratives, dans certains cas, s’il ne s’agit pas seulement de harcèlement, mais de viol, on entre dans le domaine du droit pénal.
E.Gratcheva : Merci, Monseigneur, d’avoir fait connaître votre position.
Le métropolite Hilarion : Merci, Ekaterina.
Dans la seconde partie de l’émission, le métropolite Hilarion a répondu aux questions posées par les téléspectateurs sur le site du programme « L’Église et le monde ».
Question : Qu’est-ce que les évangiles non-canoniques, dont parlent si souvent les gens qui n’appartiennent pas vraiment à l’Église ?
Le métropolite Hilarion : Les évangiles non-canoniques sont un ensemble d’écrits paléochrétiens, que la littérature spécialisée appelle apocryphes. Ce sont des textes de qualité variable. Certains évangiles apocryphes ont été rejetés par l’Église, par exemple celui qu’on appelle l’Évangile de l’enfance, qui raconte l’enfance de Jésus Christ et les miracles qu’Il aurait accomplis pendant cette période. Ce texte contient de multiples détails fantastiques, et l’Église a toujours tenu pour un faux et a rejeté ce pseudo-évnagile. Il y a eu d’autres « évangiles » que l’Église a rejetés.
Mais l’Église a aussi reçu un certain nombre de ces Évangiles apocryphes, sans les inclure au canon du Nouveau Testament. Par exemple, le Protoévangile de Jacques. Cet écrit rapporte la naissance de la Vierge Marie de Joachim et d’Anne, son enfance, son entrée au temple de Jérusalem. Les détails rapportés par cet écrit apocryphe font partie de la tradition de l’Église et sont à l’origine des fêtes de la Nativité de la Mère de Dieu et de l’Entrée de la Mère de Dieu au temple. Quelques autres œuvres apocryphes, beaucoup plus tardives que les premiers Évangiles apocryphes, datant environ du Ve siècle, rapportent la Dormition de la Mère de Dieu et sont à l’origine de cette fête.
Il existe aussi un Évangile de Nicodème, qui rapporte la descente du Christ aux enfers avec Son âme, après Sa mort. Cet Évangile a aussi été reçu par la tradition orthodoxe : les offices de la Semaine sainte, notamment ceux du Samedi saint, s’appuient sur cette tradition, ainsi que la représentation canonique de la Résurrection du Christ, où l’on voit, sur l’icône ou sur la fresque, le Christ sortant de l’abîme de l’enfer et tirant Adam, Eve et d’autres justes de l’Ancien testament. Ce sujet est aussi tiré de l’Évangile de Nicodème.
Les Évangiles apocryphes sont donc divers. Ils ont été écrits à différentes époques, varient par la qualité de l’information. Certains ont été clairement rejetés par l’Église, d’autres ont été reçus, mais, comme je l’ai dit, n’ont pas été inclus au canon du Nouveau Testament, parce que l’Église ne les a jamais placés au même niveau que les Évangiles canoniques. Les Évangiles canoniques sont un témoignage absolument fiable de témoins d’évènements qui se sont produits sous leurs yeux, tandis que les textes apocryphes sont une littérautre d’un autre niveau, d’un autre genre, et, pour m’exprimer avec précaution, je dirais qu’ils sont à un autre niveau de fiabilité.
Je remarque que nos téléspectateurs, en cette période de pandémie, se sont mis à lire plus souvent la Bible, parce que j’ai reçu beaucoup de questions sur la Bible, sur l’Évangile. Cela me fait très plaisir.
Question : Pourquoi le Christ considérait-il Jean comme son disciples préféré ?
Le métropolite Hilarion : Jean lui-même répète souvent, dans son Évangile, qu’il était le disciple que Jésus aimait. On ne peut pas dire que Jésus aimait Jean plus que les autres, on ne le sait pas. Nous savons simplement, par l’Évangile de Jean, que pendant la Sainte Cène, le disciple préféré reposait sur la poitrine de Jésus. Et c’est à lui que Pierre fait signe de demander à Jésus qui le trahira. Ces différents témoignages sont contenus dans l’Évangile de Jean. L’évangéliste dit de lui-même qu’il est le disciple préféré. Mais je pense que chacun des apôtres sentait l’amour du Seigneur Jésus Christ et aurait pu écrire la même chose.
En recontrant le Christ dans sa vie spirituelle, chacun ressent l’amour du Seigneur et que le Christ aime chaque homme d’une manière particulière. Nous ne représentons pas, pour Lui, une masse, chaque homme est précieux au Christ, tout homme L’intéresse. Un des pères disaient que même si Jésus Christ devait souffrir et mourir pour le salut d’un seul homme, Il n’aurait pas épargné Sa vie pour un seul.
Question : Qui est Melchisédech ? Qu’est-ce que l’ordre de Melchisédech ?
Le métropolite Hilarion : Melchisédech est un personnage énigmatique. Il est mentionné au livre de la Genèse, où il est rapporté que le patriarche Abraham, après sa victoire sur quatre fois, fut reçu par Melchisédech, roi de Salem, prêtre du Dieu Très-haut, qui offrit à Abraham du pain et du vin. La Bible ne dit rien de plus sur Melchisédech, et on ne sait absolument pas ce qu’il était comme prêtre et où avait lieu, à cette époque, le culte du Dieu Très-haut. C’est pourquoi ce personnage a toujours été considéré comme énigmatique, et l’apôtre Paul voyait déjà dans la figure du Melchisédech du livre de la Genèse un prototype de Jésus Christ. Dans son épître aux Hébreux, il explique longuement que le sacerdoce du Christ était un sacerdoce selon l’ordre de Melchisédech.
Voici ce qu’il veut dire : le sacerdoce vétérotestamentaire était héréditaire, et tous les prêtres appartenaient à l’une des tribus d’Israël, la tribu de Lévi. Ils portaient à Dieu des sacrifices de rachat pour les péchés des hommes. Puisque le Christ s’offrit Lui-même en sacrifice pour les péchés des hommes, dit l’apôtre Paul, les sacrifices des prêtres de l’ordre de Lévi sont devenus inutiles. Le Christ n’appartenait pas à la tribu de Lévi, autrement dit, Il n’était pas un prêtre de profession. C’est pourquoi Paul, dans son épître aux Hébreux, dit que le Christ est devenu prêtre selon l’ordre de Melchisédech. Melchisédech, roi de Salem, qui offrit le pain et le vin à Abraham, devient le prototype du sacerdoce du Christ, tel qu’il est réalisé dans l’Église, avant tout dans le Sacrement de l’Eucharistie, où le Corps et le Sang du Christ sont donnés aux fidèles sous la forme du pain et du vin.
Je suis très content que nos téléspectateurs s’intéressent à ces questions. Je conseille à tous de lire la Bible et je répondrai volontiers à vos questions.
Je terminerai cette émission en citant le psaume 109 : « Le Seigneur a dit à mon Seigneur : « Siège à ma droite, jusqu’à ce que je fasse de tes ennemis l’escabeau de tes pieds » » (Ps 109,1). Un peu plus loin, le psalmiste dit : « Tu es prêtre pour l’éternité selon l’ordre de Melchisédech » (Ps 109,4). La tradition chrétienne voit dans ces paroles une prophétie parlant de Jésus Christ.
Bonne continuation à tous, que Dieu vous garde !