Le 31 mai 2020, 7e dimanche de Pâques, dimanche des Pères du Ier Concile œcuménique, le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, a célébré la Divine liturgie à l’église moscovite Notre-Dame-Joie-de-tous-les-affligés.

Des prières d’intercession pour la fin de l’épidémie de coronavirus ont été dites pendant la litanie instante.

A la fin de l’office, le métropolite Hilarion a prononcé une homélie.

« Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit !

Pendant cette Divine liturgie, nous avons entendu la lecture de l’Évangile de Jean, rapportant les paroles de la dernière prière du Seigneur Jésus Christ, prononcée après la Sainte Cène. Le Christ priait Son Père, avant tout, pour Ses disciples et pour ceux qui l’accepteraient comme Dieu et Sauveur, d’après leur parole. Il priait Dieu de garder Ses disciples dans l’unité, pour que rien n’ébranle cette unité et, de même que le Père et le Fils demeurent dans une unité indivisible avec l’Esprit Saint, pour que les disciples du Christ demeurent dans l’unité, la concorde de pensée et la charité.

Dans l’histoire de l’Église, à cause de schismes et d’hérésies, le commandement du Seigneur Jésus Christ sur l’unité a souvent été enfreint. Nous croyons que l’Église du Christ a toujours été une et demeure une, mais l’histoire montre, et on l’observe aujourd’hui même, qu’à cause d’hérésies ou de schismes, ou pour d’autres raisons, des personnes, parfois des groupes entiers, s’écartent de l’Église.

Aujourd’hui, nous faisons mémoire des saints pères du Ier Concile œcuménique. Peu savent, de nos jours, ce que sont les Conciles œcuméniques, à quoi ils servaient et quelle fut l’importance du Ier Concile. Pourtant, ce fut le premier grand bouleversement dans l’Église, après trois siècles de persécutions.

Durant les trois premiers siècles de son existence, l’Église, en effet, fut persécutée, d’abord par les Juifs, puis par les païens, qui voyaient dans le christianisme une étrange doctrine, pleine de mystères et de rituels bizarres. Les païens s’indignaient particulièrement de ce que les chrétiens refusaient de mettre de l’encens devant la statue de l’empereur et de l’adorer, comme eux, les païens, adoraient leurs dieux.

Après cette période de persécutions contre l’Église, lorsque l’empereur Constantin égal-aux-apôtres, publia l’édit de Milan, en 313, accordant au christianisme la liberté, l’Église sortit des catacombes. On se mit à construire des églises, des fêtes nouvelles apparurent. Cette nouvelle époque fut pour l’Église un temps de renaissance.

Mais l’ennemi du genre humain ne dormait pas, et presqu’immédiatement après la délivrance de l’Église, des disputes s’élevèrent en son sein à cause d’une hérésie nouvelle et très dangereuse. Tous, d’ailleurs, n’en sentirent pas immédiatement le danger. Ce sont les pères de l’Église qui en prirent conscience et s’y opposèrent. C’est à leur initiative que fut convoqué le Ier Concile œcuménique.

Voici en quoi consistait cette hérésie. Un prêtre de Constantinople, Arius, voulut réfléchir à ce qu’était Jésus Christ. Il crut impossible de mettre Jésus Christ au même niveau que Dieu, Dieu étant un, Dieu étant inengendré, Dieu étant éternel. Jésus Christ devait donc être une créature de Dieu, la plus parfaite, la plus belle, peut-être, mais une créature. Selon Arius, le Fils de Dieu n’était pas consubstanciel au Père, autrement dit Il avait une substance différence, ce n’était pas le même être.

En langage courant, disons qu’Arius, bien que prêtre de l’Église, ne reconnaissait pas Dieu dans Jésus Christ. Pour lui, le Fils de Dieu était un homme, qui, prédestiné par Dieu, était parvenu à la perfection, devenu maître de spiritualité et de morale, et rien de plus.

Lorsque l’hérésie d’Arius, semblable à un poison, se répandit dans tout le corps de l’Église, la réunion d’un Concile devint nécessaire. A l’invitation de l’empereur, des évêques de ce qui était alors tout l’univers, c’est-à-dire de tous les confins de l’Empire romain, arrivèrent pour discuter cette hérésie et prendre une décision. Le Ier Concile œcuménique résolut que Jésus Christ était Dieu, consubstanciel au Père dans Sa Divinité, consubstanciel aux hommes par Son humanité. Il est Dieu fait homme, possédant en même temps toute la plénitude de la nature humaine et de la nature divine. Selon la divinité, Il est égal à Dieu le Père, et Il nous est consustanciel par Son humanité.

Cette doctrine fut officiellement proclamée au I Concile œcuménique, où fut élaboré le Symbole de foi, lu ou chanté à chaque liturgie. Il fut complété au IIe Concile œcuménique, mais, notre Symbole de foi est, dans l’ensemble, celui qui fut proclamé par les pères du Ier Concile œcuménique.

Pourquoi est-ce si important pour nous ? Pourquoi faire mémoire chaque année des pères du Ier Concile ? Parce que de la réponse à cette question sur l’identité de Jésus Christ, dépendait l’avenir de l’Église chrétienne. Si Jésus Christ était un homme comme les autres, une créature ordinaire, comme l’enseignait le prêtre constantinopolitain Arius, alors le christianisme ne se distinguait finalement pas des autres religions monothéistes : il n’en était qu’une forme parmi d’autres. Chaque religion a son grand prophète, et Jésus Christ devenait le grand prophète du christianisme.

Or, lisant l’Évangile, on s’aperçoit que Jésus Christ ne se place jamais au rang des prophètes. Il mentionne les anciens et les prophètes en disant être plus grand qu’eux. Lorsqu’Il demanda à Ses disciples : « Qui dit-on que je suis, moi, le Fils de l’homme ? » (Mt 16,13), les disciples répondirent : « Les uns disent que tu es Jean-Baptiste; les autres, Elie; les autres, Jérémie, ou l’un des prophètes » (Mt 16,14). Mais cette réponse ne satisfit pas le Christ, qui reprit : « Et vous, qui dites-vous que je suis ? » (Mt 16,15). Alors, Pierre, au nom des disciples, répondit : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » (Mt 16,16).

Jésus Christ n’était pas un prophète, ni une créature. Il n’était pas pas notre égal par l’humanité, sans être égal à Dieu par la Divinité. Il était le Dieu incarné. C’est ce que dit l’Évangile : « La parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité » (Jn 1,14). De quelle parole, de quel Verbe s’agit-il ici ? De la Parole qui était au commencement, qui était avec Dieu et qui était Dieu. C’est par ce témoignage que commence l’Évangile de Jean, et l’Église chrétienne a toujours vécu de cette confession.

Les saints pères du Ier Concile œcuménique, qui eut lieu à Nicée, en 325, n’inventèrent rien. Ils ne créèrent pas une nouvelle doctrine, au contraire d’Arius, auteur d’une fausse doctrine, contraire à celle de l’Église. Les saints Pères du Ier Concile ont proclamé ce que l’Église avait toujours cru, depuis que le Seigneur Jésus Christ était ressuscité, s’était élevé aux cieux et avait envoyé l’Esprit Saint à Ses disciples ; depuis qu’avaient été écrits les Évangiles, proclamant que Jésus Christ était Dieu incarné. Mais, au IVe siècle, cette vérité devait être revêtue de formules théologiques précises, avant tout à cause de l’apparition de cette dangeureuse doctrine, de cette dangereuse hérésie. Les saints pères le firent, et c’est ce dont nous faisons mémoire aujourd’hui, les glorifiant.

Avec les pères du Ier Concile œcuménique, nous faisons aussi mémoire des pères des autres Conciles, car l’hérésie arienne, bien que condamnée par le Concile, a continué à vivre durant tout le IVe siècle. Il fallut encore un Concile pour la condamner une seconde fois. Par la suite, de nouvelles hérésies apparurent, troublant l’Église chrétienne durant le premier millénaire, et c’est pour en discuter et pour les condamner qu’on convoqua de nouveaux Conciles. Cela dura jusqu’au VIIIe siècle, où fut vaincue la dernière grande hérésie, l’iconoclasme.

De nos jours, tout le monde ne connaît pas l’histoire des Conciles œcuméniques de l’Église orthodoxe. Beaucoup pensent que c’est de l’histoire ancienne, remontant à l’antiquité. Mais en fait, l’œuvre des pères conciliaires nous concerne directement, notre foi, notre vie en église. Si une autre décision avait été prise au Ier Concile œcuménique, l’Église n’existerait pas, ou ce serait une toute autre Église. Si aux Conciles œcuméniques suivants, les pères, mus par l’Esprit Saint, n’avaient pas rejeté, les unes après les autres, les différentes hérésies, que serait aujourd’hui notre sainte Église, et existerait-elle encore ?

Le Seigneur dit à Ses disciples : « Je bâtirai mon Eglise, et les portes du séjour des morts ne prévaudront point contre elle » (Mt 16,18). L’Esprit Saint, qui agissait du Ier au IVe siècles, puis durant les siècles suivants, continue à agir à notre époque, et dans l’Église d’aujourd’hui. Nous croyons que, grâce à l’action de l’Esprit Saint, les nouvelles hérésies et les schismes seront aussi surmontés. Nous croyons que l’action de l’Esprit Saint ne se démentira jamais dans l’Église du Christ, et que les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle.

Aujourd’hui, nous sommes dans l’attente de la venue de l’Esprit Saint. Dans une semaine, nous ferons mémoire d’un évènement étonnant de la vie de l’Église, lorsque les disciples du Christ, réunis à Jérusalem, reçurent le Saint Esprit sous forme de langues de feu, après quoi chacun des apôtres se mit à parler différentes langues. C’est ainsi qu’eut lieu la première grande augmentation du nombre de membres de l’Église. Nous nous souviendrons de cet évènement dans une semaine, à la Pentecôte, qu’on appelle aussi fête de la sainte Trinité.

Je vous demande de prier pour que nous puissions nous retrouver ce jour-là à l’église. Je pense qu’on peut déjà l’espérer, il est possible que les autorités municipales autorisent l’accès des paroissiens aux églises, même si cet accès doit être limité et que tous ne pourront venir ; même s’il nous faut porter un masque et respecter une distance entre nous. Mais c’est possible, et je vous invite à prier pour que la municipalité de Moscou prenne la bonne décision et que nous puissions nous rassembler à l’église pour la fête de la Sainte Trinité.

Je vous souhaite à tous, chers frères et sœurs, de sentir dans vos vies et dans la vie de notre Église l’action de l’Esprit Saint. D’être fidèles à la mémoire des pères des Conciles œcuméniques, non seulement en paroles, mais en actes, afin que, comme eux, nous défendions la foi orthodoxe reçue du Seigneur Jésus Christ Lui-même par Ses apôtres et par les saints pères. Que la sainte foi orthodoxe soit pour nous une mère spirituelle et nourricière, de laquelle nous nous rassasions et soyons illuminés chaque jour.

Bonne fête à tous, chers frères et sœurs ! Prenez soin de vous, et que le Seigneur vous garde tous ! »