Le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, a donné une interview au portail « Interfax-religion ».

  • Éminence, les médias grecs accusent souvent l’Église russe, et le patriarche Cyrille plus particulièrement, de vouloir s’arroger la primauté dans le monde orthodoxe. Ces accusations sont-elles fondées ?
  • Effectivement, ces derniers temps le monde ecclésiastique hellénophone accuse souvent l’Église russe de nier la primauté du Patriarcat de Constantinople dans l’Orthodoxie et d’aspirer à occuper sa place. Cependant, je n’ai entendu aucun argument convaincant justifiant ces accusations.

L’Église russe a exposé sa conception de la primauté dans l’Église universelle dans un document adopté par le Saint-Synode en décembre 2013, et simplement intitulé « La position du Patriarcat de Moscou sur la primauté dans l’Église universelle ». Il y est dit clairement que, depuis le grand schisme de 1054, la primauté d’honneur dans l’Église orthodoxe appartient au patriarche de Constantinople. A ce propos, l’Église russe est l’une des rares Églises locales, peut-être même la seule, à avoir reconnu la primauté de Constantinople non seulement en paroles, mais aussi par un document spécial, approuvé par le Synode.

Notre Église n’a jamais remis en cause la primauté du patriarche de Constantinople, la question est de savoir comment comprendre cette primauté. La tradition canonique et l’ecclésiologie orthodoxe ont admis la primauté de l’Église romaine, puis, après 1054, celle de l’Église constantinopolitaine, une primauté d’honneur. Le premier primat dans l’ordre des dyptiques est considéré comme « le premier parmi des égaux ». Cependant, depuis un siècle, le Patriarcat de Constantinople a élaboré une doctrine de la primauté, qui, en réalité, ne fait que copier le modèle catholique-romain.

Cette doctrine est particulièrement bien exposée dans le célèbre article du métropolite Elpidophore (Lambriniadis), qui, caractéristiquement, porte le titre de « Premier sans égaux ». Cet article est paru sur le site du Patriarcat de Constantinople. Il y est affirmé nettement que le patriarche de Constantinople dispose de pleins-pouvoirs d’autorité exclusifs que ne possèdent pas et ne peuvent pas, par définition, posséder les autres primats.

Il va de soi que l’Église russe rejette cette conception de la « primauté » du siège constantinopolitain, car elle est en désaccord avec la Tradition de l’Église et avec l’ecclésiologie orthodoxe. Malheureusement, c’est précisément cette conception de la primauté qui domine au Phanar et qui explique son intervention en  Ukraine, avec comme conséquence notre rupture de la communion avec l’Église constantinopolitaine.

  • Monseigneur, parlez-nous du programme de réhabilitation des enfants syriens organisé sous le patronage de votre Département.
  • L’an dernier nous avons pu organiser la pose de prothèses et la rééducation de dix enfants syriens à Moscou. Le patriarche Cyrille se préoccupe surtout des gens, et pas seulement de restaurer des sanctuaires détruits. C’est une tâche difficile pour nous : chaque enfant a vécu un drame personnel, des évènements affreux qui ont bouleversé sa vie et celle de sa famille.

Voici deux exemples. Makhmoud al-Hassan, 15 ans, lors d’un tir de roquettes par les terroristes sur l’école « Hassan Al-Koudri » a été blessé par des éclats, ses yeux ont été touchés, le globe oculaire a éclaté, et il a souffert de graves brûlures de la peau. La main droit a été partiellement amputée. Au moment où il a été blessé, Makhmoud était en 7e classe. Autre exemple, Ibrahim Mardan, 12 ans. Un homme s’est approché d’Ibrahim qui sortait de l’école, lui a offert un jouet en lui disant qu’il pouvait le prendre. Lorsque l’homme est parti, le garçon a voulu rentrer chez lui, mais le jouet a explosé dans sa main. Il a perdu le bras gauche, l’oeil droit est aveugle.

Nous agissons de façon responsable, croyant que l’Église a pour vocation d’aider de toutes ses forces, en réunissant toutes les bonnes volontés, en collaborant avec les meilleurs médecins. Nous savons aussi que ce sont des milliers d’enfants qui ont besoin d’aide. La tâche de l’Église est de faire son possible pour donner à ces enfants une nouvelle chance et un espoir. C’est pourquoi nous espérons cette année organiser à la Représentation de l’Église russe à Damas un centre d’aide aux enfants blessés. Sur place, nous pourrons venir en aide à une quantité d’enfants beaucoup plus importante, nous serons accessibles même lorsqu’ils recevront leur prothèse et auront leurs premières séances de rééducation.

Avec l’aide de Dieu, nous prévoyons de poursuivre en 2020 la pose de prothèse chez les enfants syriens victimes de la guerre, ainsi que de faire venir à Moscou ceux qui ont besoin d’une aide plus spécialisée. J’espère que Dieu nous enverra des personnes qui aideront et soutiendront cette initiative.