Le 14 octobre 2019, Sa Sainteté le patriarche Cyrille de Moscou et de toute la Russie a reçu le président du Conseil des cantons de la Confédération suisse, Jean-René Fournier. La rencontre avait lieu à la résidence patriarcale et synodale du monastère Saint-Daniel de Moscou.

La délégation suisse se composait de l’épouse du président du Conseil des cantons de la Confédération suisse, Mme Birgit Fournier, de l’ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de Suisse en Russie, Yves Rossier, de l’adjoint au directeur du Département des relations internationales et du multilinguisme de l’Appareil du Parlement suisse, Joachim Tomaschett, du collaborateur scientifique du Département des relations bilatérales et des relations avec l’Union européenne de la Direction des relations internationales et interparlementaires du Département des relations internationales et du multilinguisme de l’Appareil du Parlement suisse, Sophie Lachat Rohrer, de l’attaché aux questions économiques de l’Ambassade de Suisse en Russie, Kevin Bonvin.

Le Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou était représenté par l’archiprêtre Serge Zvonariov, secrétaire du DREE chargé de l’étranger lointain, et par le hiéromoine Stéphane (Igoumnov), secrétaire du DREE chargé des relations interchrétiennes.

Le primat de l’Église orthodoxe russe a chaleureusement souhaité la bienvenue à ses hôtes : « Je suis particulièrement attaché à votre pays. Je n’en ai sans doute visité aucun autant de fois que la Suisse, parce que les organisations internationales sont basées à Genève, et que j’ai souvent eu à m’y rendre. J’y ai même vécu plus de trois ans, lorsque je représentais notre Église au Conseil œcuménique des églises et devant d’autres organisations internationales. »

Le patriarche Cyrille a expliqué que l’Église orthodoxe russe était présente en Suisse depuis 1816, date à laquelle des premières paroisses ont été crées à Berne et à Genève. Aujourd’hui, un certain nombre de Russes orthodoxes résident en Suisse. Des prêtres du Patriarcat de Moscou assurent la pastorale de ces fidèles, à Genève on trouve de très belles églises russes dans la vieille ville, a rappelé Sa Sainteté.

« Nous continuons à entretenir des relations assez intensives au niveau des églises, a expliqué le patriarche. D’une part, nous sommes en rapport avec églises protestantes et catholiques de votre pays. D’autre part, nous avons établi des contacts avec les établissements d’enseignement supérieur de Suisse, notamment avec la faculté de théologie de l’université de Fribourg et avec l’institut œcuménique de Bossey, près de Genève. »

Le patriarche s’est arrêté plus longuement aux liens historiques entre les deux pays : « On se rappelle, naturellemement, surtout de l’exploit du généralissime Souvorov, qui libéra la Suisse de l’agression napoléonienne. Un monument lui est dédié au col Saint-Gothard, et nous sommes reconnaissants aux Suisses de se souvenir de ce grand homme. Les Russes éprouvent donc des sentiments particulièrement cordiaux envers la Suisse. » De nos jours, le développement du tourisme favorise les rapports russo-helvètes. Beaucoup de Russes aiment aller en Suisse, apprécient la nature, la montagne.

Dans la suite de son entretien avec le président du Conseil des cantons de la Confédération suisse, le primat de l’Église orthodoxe russe a déclaré que la Russie était aujourd’hui un état démocratique et laïc, où les valeurs morales chrétiennes étaient encore préservées. « Nous sommes profondément convaincus qu’état démocratique ne signifie pas forcément laïcisation totale, éviction de la religion et des valeurs morales de la vie de la société » a souligné le patriarche Cyrille.

Sa Sainteté a exprimé son inquiétude devant les processus en cours dans les pays occidentaux, où les valeurs religieuses et traditionnelles sont mises au ban de la société, déclarées incompatibles avec une organisation démocratique et laïque de la vie sociale. « La Russie est aussi un état laïc, mais il y a au parlement un groupe inter-fractions de députés, qui s’efforcent de défendre les valeurs chrétiennes dans notre pays » a raconté le patriarche. « Ce n’est pas seulement l’affaire de l’Église. Des députés, des membres actifs de la société s’en occupent aussi. Nous avons de bons rapports avec le parlement, nous sommes en dialogue avec les partis politiques. L’Église ne soutient aucun d’eux en particulier, ni de droite, ni de gauche, ni du centre, mais elle dialogue avec chacun des partis représentés au parlement, et nous apprécions de pouvoir échanger et apporter notre contribution au développement du pays, notamment au développement de la démocratie. Mais l’essentiel reste pour nous la protection des valeurs morales sans lesquelles la vie humaine est en grand danger. »

Rappelant que des élections parlementaires auront prochainement lieu en Suisse, le patriarche a témoigné que les problèmes qui inquiètent l’électeur suisse – l’inégalité sociale, les problèmes écologiques, le changement climatique, les processus migratoires – inquiètent aussi les Russes et la population d’autres pays. « Cela veut dire que ce sont des problèmes globaux, ils ne sont pas propres à un pays ou à une culture. Je suis profondément convaincu que nous devons les résoudre ensemble » a dit le primat de l’Église orthodoxe russe, soulignant par ailleurs le rôle essentiel des organisations internationales, dont les quartiers généraux sont en Suisse, ainsi que l’importance des relations bilatérales entre pays, aussi bien que d’un dialogue élargi, auquel l’Église orthodoxe russe prend part.

« Je remercie Votre Sainteté de son bon accueil dans ces lieux magnifiques, a dit Jean-René Fournier. Je vous suis particulièrement reconnaissant de nous accorder de votre temps. Je pense, en effet, qu’il est tout simplement impossible, et qu’il ne serait pas raisonnable, d’essayer de comprendre la Russie d’aujourd’hui sans un dialogue profond avec l’Église orthodoxe russe, sans avoir de contacts avec l’Église. »

« Je ne suis pas seulement venu en tant que président de la Chambre des cantons, mais aussi comme confrère dans la foi chrétienne » a déclaré M. Fournier, rappelant qu’il avait été élevé dans la foi catholique et était membre d’un parti dans la dénomination duquel figure le mot « chrétien » (il s’agit du Parti populaire démocrate-chrétien de Suisse, n.d.r.).

Jean-René Fournier a déclaré partager la conviction du patriarche Cyrille sur le fait que le principe de laïcité d’un état ne signifie pas négation des valeurs religieuses, des valeurs chrétiennes.

Parlant des liens entre la Russie et la Suisse, il a constaté l’importance des évènements du col de Saint-Gothard, col qu’il a qualifié de « cœur de la Suisse », ajoutant : « Les Russes sont au cœur même de la Suisse. »

Quant aux grands thèmes qui inquiètent aujourd’hui les orthodoxes et les chrétiens occidentaux, il a parlé de la situation de l’Église en Ukraine, notant que les orthodoxes en étaient tristement touchés. Il a fait part de son inquiétude devant l’indifférence des pays européens aux questions de foi et aux valeurs religieuses.

Selon lui, le témoignage commun des chrétiens sur l’universalité des valeurs chrétiennes ne peut pas vieillir, il est capable de trouver un écho dans la société d’aujourd’hui.

Des cadeaux ont été échangés à la fin de la rencontre.