On ne présente pas le métropolite Athanase de Limassol dans le monde orthodoxe. Sa vie hautement spirituelle lui a valu le respect de tous, et il est connu comme un homme de prière et un strict défenseur de l’Orthodoxie. C’est pourquoi son avis personnel sur la situation en Ukraine est particulièrement intéressant.

En entrant dans la pièce où devait avoir lieu l’interview, mon attention a été involontairement attirée par la grande quantité de représentants d’ascètes, de saints et de hiérarques chypriotes. Des croix sont suspendues dans les coins de la chambre. L’ensemble crée une atmosphère particulière, où le spirituel est placé au centre. « Nous n’allons parler que de l’Ukraine pendant l’interview ? » s’est enquis Monseigneur.

  • Monseigneur, bonjour. Je vous remercie d’accepter cet interview aujourd’hui. Oui, la situation en Ukraine est pratiquement le sujet le plus discuté dans le monde orthodoxe, c’est pourquoi c’est de cela que j’aimerais parler. Chypre est un des premiers pays à avoir adopté le christianisme, l’Église de Chypre a une longue histoire et une grande expérience de la vie chrétienne. C’est pourquoi la proposition de l’Église de Chypre de mettre en place un espace de négociation interorthodoxe ici, à Chypre, est tout à fait logique, et nous voyons qu’elle a porté ses premiers fruits. Les Églises de Jérusalem et d’Antioche sont prêtes au dialogue et ont l’intention de dépasser la crise qui assombrit leurs rapports. L’Église de Chypre a-t-elle une idée comment l’on pourrait sortir de la crise qui frappe le milieu ecclésiastique en Ukraine ?
  • Comme vous le savez, l’archevêque de Chypre a déjà rendu visite aux Patriarcats de Bulgarie et de Serbie, à l’Église de Grèce. Il a rencontré les patriarches d’Alexandrie, d’Antioche et de Jérusalem, il entretient des rapports avec l’archevêque de l’Église albanaise, Anastase. Il fait ce qu’il peut pour surmonter la crise. Je ne sais pas si l’on est déjà parvenu à un quelconque résultat, mais l’archevêque et le Synode de notre Église mettent tout en œuvre pour aider à la résolution de cette situation.
  • Avant la proclamation du tomos d’autocéphalie pour l’Église ukrainienne, le président de l’Ukraine, Petro Porochenko, et le patriarche Bartholomée avaient signé une convention suivant laquelle le Patriarcat de Constantinople prenait l’obligation de convaincre les autres Églises locales de reconnaître l’autocéphalie ukrainienne. Porochenko, de son côté, devait transférer à la propriété du patriarche Bartholomée des biens mobiliers et immobiliers en Ukraine. Cela ressemblait fort à un contrat de vente d’autocéphalie, et a causé des troubles et des remous dans le peuple.

Comment se passe la procédure de proclamation de l’autocéphalie et à quel point semblable commerce est-il convenable du point de vue des traditions ecclésiatiques ?

  • Concernant la première partie de la convention que vous avez mentionnée, je ne dispose d’aucune information à ce sujet, et ne peux donc faire aucun commentaire. Peut-être est-ce parce que je ne connais pas la langue. Quant à la seconde partie de votre question et à la procédure d’octroi de l’autocéphalie, pour autant que je sache, durant les rencontres qui ont précédé le Concile des Églises orthodoxes, en Crète, on a beaucoup parlé du mode de proclamation de l’autocéphalie. Je n’ai jamais participé à ces rencontres, mais, que je sache, toutes les Églises sont parvenues au dernier stade de la discussion sans pour autant trouver de solution qui convienne à tous.

En étudiant ces questions, il faut comprendre que chaque décision de l’Église doit avoir en vue l’unité et la charité. Je ne veux pas croire que le Patriarcat œcuménique, ou l’Église d’Ukraine, ou l’Église russe, voulaient créer un problème, mais le problème existe à présent, et c’est pourquoi nous devons ensemble trouver un moyen pour le résoudre, trouver la moyen de guérir cette blessure. Sur cette voie, les chefs des Églises doivent être très prudents, partir des intérêts communs des Églises et faire preuve d’humilité. Tout cela doit aller de soi pour les primats des Églises, pour les clercs et pour tous les chrétiens.

  • En Ukraine, l’Église placée sous la direction du métropolite Onuphre compte environ 100 évêques. Seuls 2 évêques de l’EOU ont rejoint la nouvelle structure. Les hiérarques de l’Église canonique ayant refusé de se joindre à la nouvelle structure, les gens, en Ukraine, ont tendance à penser que le tomos a été accordé aux schismatiques (EOU-KP et EOUA), et qu’il y a donc eu légalisation du schisme. Qu’en pensent les Églises orthodoxes locales ?
  • Je vous lirai un passage du 6e point de la déclaration du Saint-Synode de l’Église orthodoxe de Chypre, où il est montré que le Saint-Synode hésite à reconnaître comme prêtres des gens qui n’ont pas été ordonnés canoniquement. Ici, au 6e point, il est dit : « 2000 ans d’histoire de l’Église de Chypre, comme de l’histoire de toute l’Église orthodoxe mettent en doute la possibilité de légaliser les sacrements opérés par des hiérarques réduits à l’état laïc, excommuniés et anathématisés. »

Toutes les Églises orthodoxes ont reconnu ces sanctions. Nous avons reconnu l’anathème lancé contre Philarète, c’est pourquoi le Saint-Synode de l’Église de Chypre doute qu’on puisse reconnaître la validité des ordinations et des autres sacrements qu’il a célébré. Pour cette raison nous, l’Église de Chypre, n’avons pas reconnu Épiphane comme chef de la nouvelle église ukrainienne.

  • Certains médias ont déclaré que vous n’aviez pas signé le communiqué de l’Église de Chypre sur la situation en Ukraine. Pourquoi ?
  • C’est vrai. Je n’ai pas signé la déclaration du Synode de l’Église de Chypre parce que je n’étais pas d’accord avec certains points du texte. Bien entendu, la majorité des membres du Synode a approuvé ce texte, qui reflète donc la position de l’Église de Chypre. Ce texte avait pour but le maintien de l’ordre dans l’Église. Mais, personnellement, j’ai quelques doutes sur certains points du texte.
  • Des représentants de la nouvelle église ukrainienne, dirigée par Épiphane Doumenko, ont interprété ce refus comme une volonté de soutien de votre part.
  • C’est tout le contraire. Je voulais que le texte soit plus précis et plus clair, qu’il exprime notre soutien au métropolite Onuphre et quelques autres éléments. Certes, je respecte l’opinion de l’archevêque et des autres membres du Synode qui estiment que nous devons occuper une position neutre pour pouvoir servir de médiateurs entre Constantinople et Moscou. Je l’admets jusqu’à un certain point, mais j’aurais préféré que le Synode de l’Église de Chypre exprime une position claire et sans équivoque, car le texte, tel qu’il a été publié par l’Église chypriote, peut être interprété dans un sens ou dans l’autre, « pour » ou « contre ».

C’est d’ailleurs ce qui se produit. Je vous citerai un exemple pour que vous compreniez. Je premier paragraphe de la déclaration du Saint-Synode de l’Église de Chypre proclame : chaque nation a le droit de prétendre à l’autocéphalie ecclésiastique dès lors qu’elle a reçu son indépendance nationale. Si nous admettons ce point comme une règle, chaque pays fondera sa propre Église autocéphale. Je vous citerai une seul exemple : le Patriarcat d’Antioche a la responsabilité de nombreux pays : les Émirats arabes, le Liban, la Syrie, etc. Suivant cette logique, il faudrait accorder l’autocéphalie au Liban et les autres pays auraient aussi droit à leur autocéphalie ecclésiastique.

C’est la même chose pour le Patriarcat d’Alexandrie : il a la charge de nombreux pays d’Afrique. Suivant la même logique, le Kénya doit avoir son Église autocéphale, le Mozambique aussi, et la Tanzanie. Ce sont des pays indépendants, des nations indépendantes. Si nous appliquons cette logique partout, nous aurons une mosaïque d’autocéphalies. Cela n’a pas de logique. Lorsqu’on fait quelque chose, il faut réfléchir aux conséquences, avoir conscience des points forts et des points faibles de chaque Église. Ne voyons-nous pas que nos frères russes voient dans Kiev le baptistère de la Rus’ ?

  • Cette logique aura pour conséquence que si un état cesse d’exister, l’Église correspondante cessera aussi son existence.
  • C’est vrai aussi. Je citerais l’exemple de Skopje, comme l’appelle aujourd’hui la Macédoine du Nord, ce que nous ne reconnaissons pas. Selon cette logique, ils doivent recevoir l’autocéphalie. De même pour le Monténégro. Vous comprenez bien que c’est ouvrir la voie à une catastrophe, à quantité de problèmes. C’est pourquoi j’ai trouvé ce texte inadmissible. Je respecte la décision de l’Église, j’obéis à l’Église, mais, exprimant mon opinion personnelle, je peux dire que je ne suis pas d’accord.
  • Le patriarche Bartholomée a déclaré que l’octroi de l’autocéphalie avait pour but la fin de la division en Ukraine. Cependant, le métropolite Antoine de Borispol a récemment déclaré que moins d’1% des paroisses de l’Église canonique, dirigée par le métropolite Onuphre, l’avait quittée. Philarète Denissenko, dans une interview, a déclaré il y a quelques jours que le tomos n’avait amené que la division et l’opposition même dans les rangs de ceux qu’on appelle en Ukraine les schismatiques. Le tomos, au lieu d’unir, n’a fait que diviser encore plus la société ukrainienne. Accorder le tomos sans tenir compte de l’avis de l’EOU et des Églises locales était peut-être une erreur ?
  • A mon avis, la décision a été prise trop hâtivement. Il fallait attendre que les primats de toutes les autres Églises locales aient donné leur accord. A présent nous voyons que les Synodes des Églises locales sont appelés (par Constantinople) à reconnaître la nouvelle structure ecclésiale, ce qui cause bien des problèmes.

Dans le cas de l’Ukraine, plusieurs questions se posent :

  1. Il y a ceux qui ont été excommuniés et anathématisés, comme Philarète
  2. Des « prêtres » dont l’ordination, conférée par Macaire, n’est pas valide
  3. La hiérarchie existait déjà, 100 hiérarques et leur primat canonique, le métropolite Onuphre, avec lequel, suivant les canons, nous avons tous concélébré

Et tout cela a été bouleversé en un rien de temps. Certes, ce n’est pas la décision d’un seul homme, ce n’est pas la décision du patriarche Bartholomée, c’est celle du Synode du Patriarcat de Constantinople, sous la présidence du patriarche Bartholomée.

  • Beaucoup d’Églises posent aujourd’hui la question de la validité des ordinations dans la nouvelle structure. Les représentants de plusieurs Églises disent carrément que c’est une assemblée de laïcs, puisqu’il ne peut y avoir de sacerdoce chez les schismatiques.
  • Le Synode de l’Église de Chypre dit la même chose : il ne peut y avoir de sacerdoce chez ceux qui ont été excommuniés ou anathématisés.
  • En même temps, les représentants du Patriarcat de Constantinople déclarent qu’il existe un sacerdoce authentique dans cette structure. La première règle canonique de saint Basile le Grand dit clairement que toute personne qui incline au schisme perd la succession apostolique et le sacerdoce, et qu’elle ne peut plus ni célébrer les sacrements, ni conférer la grâce du sacerdoce, puisqu’elle a elle-même perdu la grâce du Saint-Esprit et est redevenu laïc.

La position du Patriarcat de Constantinople signifie-t-elle qu’il a changé d’avis sur ce canon du Concile œcuménique et que la voie est ouverte à des conclusions opposées à celles qui y sont exposées ?

  • Si cela est formulé par les saints canons, personne ne peut le mettre en doute, on est obligé de l’accepter. Dans le cas de l’Ukraine, certaines personnes n’ont pas reçu le sacre épiscopal, c’est le groupe des prétendus évêques qui se sont consacrés eux-mêmes, ce sont les « évêques de Macaire ». Il y avait Philarète, et il y avait un groupe de gens dirigés par Macaire, qui se sont « auto-ordonnés », ils n’ont pas été ordonnés. S’il n’y avait qu’un seul groupe, de gens qui auraient été excommuniés, mais avaient été consacrés auparavant par des évêques canoniques, le Synode aurait pu, par économie, les admettre comme ordonnés. Naturellement, cela n’aurait pu avoir lieu que s’ils s’étaient d’abord repentis de leur péché et avaient demandé pardon à l’Église. Malheureusement, ce n’est pas ce que nous observons, et nous ne voyons pas qu’une quelconque ordination leur ait été maintenant conférée.
  • Les représentants de la nouvelle église créent des problèmes à l’Église canonique. Le patriarche de Constantinople qui, selon le tomos, dipose des pleins-pouvoirs dans cette nouvelle église, devrait-il faire des déclarations, influer sur les gens qui ne se cachent pas de lutter pour le pouvoir ? Le patriarche Bartholomée devrait-il y mettre fin ?
  • Je ne peux pas savoir ce que pense le patriarche œcuménique. Nous avons du mal à parler du patriarche Bartholomée, parce qu’il est notre père, nous le respectons et nous l’aimons. En même temps, nous considérons le métropolite Onuphre comme notre frère. Nous ne faisons pas de différence entre les Ukrainiens et les Grecs, pour nous ce sont des frères et des chrétiens orthodoxes. Tous doivent comprendre que nous souffrons de ce qui se passe, nous avons mal pour un Patriarcat, pour l’autre et pour l’Église d’Ukraine.
  • Pour certains, tenter de faire passer les actes des schismatiques pour des sacrements et reconnaître la validité de leurs ordinations amènerait à une érosion des notions de bien et de mal. Hier encore, certains phénomènes dans la vie de l’Église étaient considérés comme un péché (le patriarche Bartholomée, par exemple, a bien reconnu par écrit, dans une lettre à l’Église orthodoxe russe, le bien-fondé de l’anathème contre Philarète), aujourd’hui, le péché cesse d’être un péché. En réhabilitant le passé de cette structure, on revoit également non seulement la question de son statut et des frontières territoriales de l’Église canonique, mais aussi on soumet à un réexamen les notions de péché et de vertu. Les notions de bien et de mal s’effacent dans l’Église, d’un trait de plume les pécheurs d’hier deviennent des prêtres fervents, les prêtres pieux – des pécheurs. Qu’en pensez-vous ?
  • Chaque péché et chaque mauvaise action sont pardonnés dans le repentir. L’Église accueille tout homme qui se repent. Certes, cela ne se limite pas à un seul homme. Dans l’histoire de l’Église, il y a eu des exemples où notre Église, pour des raisons d’économie, accueillait des communautés de schismatiques entières sur un décret du Synode. Cependant, cet acte doit être précédé d’une contrition du pécheur et de la reconnaissance de son péché.
  • Récemment, le métropolite Emmanuel, du Patriarcat de Constantinople, est venu en Ukraine, il a rencontré, entre autres, Philarète Denissenko. Après la rencontre, une photo a été prise, avec la coiffe patriarcale de Denissenko placée en arrière-plan. Ces photos ont été publiées sur le site officiel du Phanar. Denissenko déclare que, puisque le patriarche Bartholomée a déjà reconnu la nouvelle église, il est prêt à n’importe quel compromis, même s’il faut pour cela enfreindre les conditions du tomos, pour ne pas perdre son autorité devant les autres Églises. Si Denissenko est reconnu par le patriarche Bartholomée en tant que patriarche, quelle sera la réaction du monde orthodoxe ?
  • Je pense que ce n’est pas sérieux. Denissenko est déjà âgé, nous n’allons pas nous concentrer sur une personnalité concrète. Un jour ou l’autre il quittera ce monde, comme chacun de nous. L’important est la question de savoir qui est le chef canonique, réel de l’Église d’Ukraine, avec lequel nous pouvons célébrer, et qui ne l’est pas. Le problème ne concerne pas une personnalité concrète, Philarète, Épiphane ou un autre. Il s’agit des saints canons, qui garantissent l’ordre dans l’Église.
  • Philarète Denissenko et Macaire Malétitch, anciens chefs des structures schismatiques de l’EOU-PK et de l’EOAU, ont déclaré publiquement que, malgré la création de la nouvelle église, ils n’avaient toujours pas liquidé officiellement leur structure sur le plan juridique et qu’ils n’avaient pas l’intention de le faire. Bien plus, même les sites officiels de ces schismes continuent à fonctionner sous leur ancienne appellation. Sur le site de l’EOU-PK, Philarète Denissenko est toujours appelé patriarche et chef du groupe. Donc les mêmes personnes sont à la fois membres de la nouvelle église et du schisme.
  • Sans aucun doute, cela fait partie de la triste réalité de l’Église ukrainienne. Peut-être déclarent-ils qu’ils ont besoin de temps pour mettre de l’ordre, mais je répète ce que j’ai dit plus haut, l’essentiel n’est pas dans les détails, dans les actes. L’essentiel est de savoir par quel chemin canonique ils doivent marcher.
  • Récemment, le « métropolite de Belgorod » Josaphat, clerc de la nouvelle église, a déclaré qu’il existait une vive opposition entre Philarète Denissenko et le chef de la nouvelle structure, Épiphane, ainsi qu’entre leurs adeptes respectifs, et que cette situation pouvait dégénérer en schisme à l’intérieur de la structure. Si la situation s’agrave, le Patriarcat de Constantinople devra-t-il rendre compte de ce qui aura eu lieu par son initiative, et existe-t-il vraiment un risque de schisme dans l’Orthodoxie mondiale à cause de l’octroi du tomos d’aucutéphalie à la nouvelle église d’Ukraine ?
  • Je ne crois pas que le problème soit limité à un seul homme, même si cet homme est Denissenko. Quant à la possibilité de problèmes graves dans l’Église orthodoxe, malheureusement, le risque existe. Mais nous espérons en la miséricorde de Dieu, qui ne permettra pas d’épreuves plus fortes que l’Église ne peut en supporter, et nous espérons en la concorde et la bonne volonté des chefs de toutes les Églises locales : le patriarche Bartholomée, le patriarche Cyrille de Moscou, le métropolite Onuphre de Kiev, parce que tous veulent le bien de l’Église. Je pense que tous ont de bonnes intentions. Je crois que le Seigneur enverra la solution du problème, c’est pourquoi nous devons beaucoup prier. Le Christ a dit que les épreuves sont surmontées par une grande foi et de nombreuses prières.
  • Suivant les canons, il ne peut y avoir qu’un seul évêque par ville. Lorsque le patriarche Bartholomée dit qu’Épiphane est désormais métropolite de Kiev, cela veut dire qu’il considère désormais le métropolite Onuphre pratiquement comme un schismatique qui n’a pas le droit d’être hiérarque de Kiev ?
  • Non, il n’a pas dit cela. Il faut être honnête. Il a écrit dans une lettre : « Lorsqu’après le tomos,élu le nouveau métropolite de Kiev sera élu, Onuphre ne pourra plus porter le titre de métropolite de Kiev », mais il n’a pas déclaré qu’il devenait schismatique. J’ai déjà dit que ce sont les conséquences d’une décision prise à la hâte, malheureusement.
  • Prive-t-on ainsi le métropolite Onuphre du droit de célébrer en Ukraine?
  • Je ne pense pas. Peut-être pensait-on, à Constantinople, que tout le monde voulait rejoindre la nouvelle église, et c’est ce qui a motivé leur décision. Mais je ne peux pas affirmer à leur place ce qu’ils en pensent.
  • L’octroi du tomos aux schismatiques ukrainiens a engendré de sérieux problèmes. Par exemple, en 2014, Cyrille, « évêque » schismatique de l’EOU-PK, s’est rendu volontairement dans la zone de combat pour porter de l’aide aux soldats et tirer sur les séparatistes, après quoi il a montré ses photos, où on le voit l’arme en main. Dans une interview, il a déclaré qu’il avait tiré du côté des séparatistes, mais qu’il n’était pas sûr d’en avoir tués. Il a été interdit de célébrer dans le prétendu patriarcat de Kiev, mais a été reçu dans l’EOAU en tant qu’évêque. Maintenant, que l’EOd’U a reçu le tomos, cet homme y est aussi considéré comme évêque.
  • Le problème n’est pas tant dans des individus qui se conduisent mal. Des gens qui se conduisent mal, il peut y en avoir partout. Notre devoir consiste à observer les saints canons et à régler nos actes selon eux ; des gens qui commettent de mauvaises actions, il y en a partout.
  • La dernière question que je voudrais vous poser à propos de la situation en Ukraine concerne les catholiques. On sait que tous les participants du mouvement autocéphaliste en Ukraine sont d’accord pour se rapprocher des uniates. J’étudie le rôle de l’Église catholique dans les mouvements de protestation et les coups d’état sous le pontificat du pape François, c’est pourquoi je connais de nombreux faits montrant que ce sont souvent les uniates qui ont fait la promotion des idées d’autocéphalie pour les orthodoxes en Ukraine.

La nouvelle église a trois composantes :

  1. Les schismatiques de l’ancien prétendu patriarcat de Kiev
  2. Ceux qui sont subordonnés à Macaire
  3. Deux évêques qui ont quitté l’Église canonique.

Concernant le premier groupe, Philarète Denissenko a déclaré en 2014 et en 2016 qu’il considérait possible une union avec les uniates.

Quant au second groupe, Macaire Malétitch a signé en 2014 un mémorandum avec quatre évêques d’autres églises, dont un évêque uniate, sur la fondation d’une église au niveau de diocèses. Deux évêques de l’Église canonique ont aussi apposé leur signature, ce qui a été fait sans l’accord du métropolite Onuphre, et ils ont rétracté leur signature quelques jours plus tard. Mais cela démontre la volonté de Macaire de fonder une seule église avec les uniates, sans que les uniates renoncent à leurs erreurs.

Dans le troisième groupe, le métropolite Alexandre Drabinko a été invité à des prières communes avec des catholiques.

A présent, le chef de cette structure, Épiphane, déclare que la nouvelle église pourrait, à l’avenir, fusionner avec les uniates. Pourquoi poser la question du statut de cette structure si, à tous les niveaux, on évoque la possibilité d’une fusion avec les uniates ?

  • Ces déclarations sont sans doute antérieures à la réception du tomos ?
  • La plupart, oui, mais celle d’Épiphane, chef de la nouvelle structure, date de quelques semaines.
  • S’ils parlent de choses qui ne sont pas orthodoxes par essence, les primats de toutes les Églises orthodoxes doivent en tenir sérieusement compte et leur montrer leurs erreurs.

Pour conclure sur ce dont nous avons discuté, je vous dirai mon avis personnel. Ce que je sens et ce que je crois, mais je peux me tromper.

J’estime que le métropolite Onuphre est le primat canonique de l’Église orthodoxe ukrainienne. Je voudrais demander à tous nos frères orthodoxes en Ukraine, sous l’omophore du métropolite Onuphre, de soutenir leur Église, de rester fidèles à la foi orthodoxe. Je comprends qu’ils traversent de rudes épreuves. Nous le regrettons beaucoup et nous demandons pardon de ce que chacun de nous, chacun à sa mesure, a été cause de ces épreuves, mais nous prions le Seigneur de nous aider à les surmonter.

Je tiens à dire aussi que je suis impressionné, que j’admire la façon dont le métropolite Onuphre a vécu cette crise : avec un grand calme, avec beaucoup de dignité, sans paroles inutiles, sans grandes déclarations et avec beaucoup de prières. Nous ne voulons accuser personne. Nous respectons et nous aimons notre Patriarcat œcuménique. Nous ne voulons pas faire de peine au patriarche Bartholomée. Nous respectons et nous aimons aussi le patriarche Cyrille. Nous sommes tous frères, nous sommes tous un seul corps, des chrétiens orthodoxes. C’est une épreuve. Il faut prier, et elle passera. C’est l’essence de la question. Nous ne vaincrons pas si nous tirons les uns sur les autres. Nous vaincrons si nous prions humblement et demandons à Dieu que Sa sainte volonté soit faite.

  • C’est-à-dire pour que la résolution de ce problème se fasse dans un esprit de charité.
  • Nous disons chaque jour au Christ : Que Ta volonté soit faite. C’est ce que nous devons chercher et ce qui doit devenir le but de notre vie. Cette approche concerne d’autant plus les primats des Églises.