Le métropolite Hilarion : La voie de la pénitence mène au Royaume des cieux
Le 10 mars 2019, dimanche des laitages et du pardon, mémoire de l’exclusion d’Adam du paradis, le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, a célébré la Divine liturgie à l’église Notre-Dame-Joie-de-tous-les-affligés, rue Bolchaïa Ordynka. L’archipasteur concélébrait avec l’archiprêtre Mikhaïl Nemnonov, vice-recteur de l’Institut des Hautes-Études Saints-Cyrille-et-Méthode, et avec les clercs de la paroisse.
Après la litanie instante, Mgr Hilarion a lu la prière pour la paix en Ukraine.
A la fin de l’office, le métropolite a prononcé une homélie :
« Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit !
Le dernier dimanche avant le début du Grand Carême, nous lisons un passage de l’Évangile selon saint Mathieu, qui constitue un fragment du Sermon sur la Montagne. Notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ parle du pardon, du jeûne et des trésors dans le ciel.
Le Seigneur rappelle qu’Il ne pardonnera pas les péchés de quiconque ne pardonne pas à son frère. Le Christ l’a souvent répété à Ses disciples. L’apôtre Pierre, par exemple, demanda à Jésus : « Combien de fois pardonnerai-je à mon frère, lorsqu’il péchera contre moi. Sera-ce jusqu’à sept fois ? » (Mt 18,21). A l’époque de Jésus Christ, en effet, on débattait sur le nombre de fois où il fallait pardonner : les uns disaient : jusqu’à trois fois, d’autres affirmaient : jusqu’à sept fois. Jésus tranche : « Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix-sept fois sept fois » (Mt 18,22), autrement dit, un nombre infini de fois. Notons que l’apôtre Pierre ne demande pas combien de fois pardonner à quelqu’un qui demande pardon. Il demande simplement combien de fois pardonner, que le coupable demande ou non pardon.
Tout homme est infiniment redevable à Dieu. Toutes les dettes que les hommes ont les uns envers les autres ne sont rien en comparaison de leur dette envers Dieu. C’est pourquoi le Seigneur nous apprend à pardonner à nos proches qu’ils nous demandent ou non pardon, que le coupable se sente ou non coupable : notre cœur doit être ouvert à chacun.
Ce n’est pas par hasard que le dernier dimanche avant le Grand Carême s’appelle dimanche du pardon. Ce soir, nous nous réunirons à nouveau pour nous demander pardon les uns aux autres avant de nous engager dans le Grand Carême, purifiés et réconciliés.
Il n’est pas très difficile de pardonner à quelqu’un qu’on connaît peu. Mais combien il est difficile de pardonner à ceux qu’on considère comme réellement coupables. Ils ne sont pas nombreux, mais ils sont proches et de mauvais rapports assombrissent souvent notre vie. Aujourd’hui, le Seigneur nous appelle à revoir notre système de valeurs, nos repères, à regarder avec d’autres yeux ceux que nous considérons comme ayant fauté envers nous. Les regarder comme Dieu regarde chacun de nous.
Nous sommes infiniment coupables devant Dieu. Nous avons enfreint Ses commandements un nombre incalculable de fois, Lui avons été infidèles, avons agi contre notre conscience, et non comme il l’avait commandé. Mais le Seigneur, dans Sa longanimité, nous a pardonné et pardonne nos péchés. Non pas sept fois, ni soixante-dix-sept fois, mais autant de fois que nous péchons. Dieu est longanime et attend que nous nous montrions longanimes à notre tour envers nos proches.
Le Seigneur Jésus Christ nous rappelle aussi comment jeûner. L’apôtre Paul ajoute l’instruction suivante : « Que celui qui mange ne méprise point celui qui ne mange pas, et que celui qui ne mange pas ne juge point celui qui mange, car Dieu l’a accueilli. Qui es-tu, toi qui juges un serviteur d’autrui ? S’il se tient debout, ou s’il tombe, cela regarde son maître. Mais il se tiendra debout, car le Seigneur a le pouvoir de l’affermir. » (Rm 14,3-4).
Dieu ne tient pas compte de l’aspect extérieur du jeûne, mais de son contenu intérieur. Car le Carême ne consiste pas à s’abstenir de certains aliments, mais, avant tout, à garder la sobriété intérieure, à être recueilli, à faire pénitence comme y invite la Sainte Église, à ne pas juger le prochain, comme le rappelle la prière de saint Ephrem lue tant de fois durant le Grand Carême.
Ne regardons pas les autres, ne cherchons pas à savoir comment ils jeûnent, ce qu’ils mangent, de quoi ils s’abstiennent. Regardons-nous nous-même, soyons attentifs à notre esprit, à notre cœur, à la façon dont il répond aux malheurs du prochain, voyons s’il s’ouvre à sa rencontre. Voyons si les labeurs du carême nous mènent au repentir et à une révision de nos valeurs, si nous devenons meilleurs, plus doux grâce au jeûne. Ou si, au contraire, nous devenons durs et méchants, ce qui arrive parfois à ceux qui jeûnent : plus ils jeûnent, plus ils sont irritables.
Le Seigneur attend de nous des prouesses pendant ce Grand Carême. Il attend que nous changions nos cœurs grâce au jeûne, que nous changions nos rapports avec le prochain, que nous changions de vie. C’est ce Carême-là qui agrée au Seigneur.
Dieu nous appelle à amasser des trésors non sur la terre, mais dans le ciel. Quoiqu’on amasse sur terre, cela sera finalement perdu, ou d’autres en profiteront. Ce que l’homme aura amassé dans son âme, la richesse spirituelle qu’il amasse grâce à la prière, à la lecture de l’Écriture Sainte, aux bonnes œuvres, à la charité envers le prochain, cela entrera avec lui dans la vie éternelle.
Les labeurs du Grand Carême nous conduisent à la lumineuse Résurrection du Christ. La voie de la pénitence mène au Royaume des cieux. Le Seigneur rappelle qu’en dehors de la terre, il y a le ciel, qu’en dehors de la terre, il y a des trésors célestes. Il appelle à acquérir quotidiennement ces trésors par les prouesses du carême et de la prière.
Entrons en carême réconciliés. Demandons au Seigneur de nous aider à marcher sur le chemin du Grand Carême comme Il nous l’a commandé, à être tels qu’Il veut nous voir. Amen.
Bonne fête à tous ! »