Des informations contradictoires nous parviennent du Mont Athos. Nous avons vu, d’une part, deux higoumènes athonites venir à Kiev pour « l’intronisation » du nouveau chef du schisme légalisé par Constantinople. L’higoumène du Xénophon a participé à la cérémonie, tandis que l’higoumène de Vatopédi est tombé malade, mais a eu le temps de se faire photographier avec le leader du schisme. Par ailleurs, on entend dire que la délégation de la structure schismatique ukrainienne n’a pas été autorisée à entrer à Saint-Pantéléimon, tandis que sept moines de Vatopédi ont quitté leur monastère après la visite de cette même délégation.

De toute évidence, la légalisation du schisme ukrainien par le patriarche Bartholomée cause de nouvelles divisions. L’une d’elles se produit sous nos yeux, au cœur même du Patriarcat de Constantinople, sur la Sainte Montagne.

Durant des siècles, l’Athos a été le gardien de la vérité et de l’ordre canonique. Aujourd’hui, il est placé devant un choix : continuer à garder fermement la vérité et les canons, ou se soumettre à la décision inique du patriarche de Constantinople. Le monachisme athonite dans son ensemble et chaque monastère en particulier devront faire un choix.

Au Mont Athos, on connaît bien le métropolite Onuphre de Kiev et de toute l’Ukraine. Jusqu’à une date récente, il s’y rendait fréquemment. Un jour, venu moi-même à l’Athos, j’ai eu peine à le reconnaître dans la pénombre, parmi les moines : il se tenait modestement, vêtu d’un simple klobouk monastique noir de style grec, sans encolpion. Beaucoup de hiérarques de l’Église orthodoxe ukrainienne venaient régulièrement au Mont Athos. Or, le patriarche Bartholomée a déclaré que leur Église n’existait pas.

Nous aimons tous l’Athos, nous y venons tous avec joie, tant que cela est possible. Mais ce n’est pas pour son ancienneté, ni pour son architecture, ni pour ses beaux paysages, que nous l’aimons. Nous l’aimons parce que l’Athos est resté pour des millions d’orthodoxes le gardien de la vérité et de l’ecclésialité, nous l’aimons parce que ses moines prient pour la paix, nous l’aimons pour l’étonnante quiétude spirituelle que ressent quiconque vient à la Sainte Montagne.

L’athmosphère spirituelle de l’Athos est unique. Elle découle des labeurs de multiples générations de moines. Beaucoup de moines athonites craignent, non sans raison, qu’elle disparaîtra si l’Athos est ouvert aux femmes, comme les politiciens européens ont souvent proposé de le faire. Mais la communion de prière avec les schismatiques n’est-elle pas beaucoup plus dangereuse pour l’édifice de la vie monastique ? L’Athos ne deviendra-t-il pas un sel sans saveur (Mt 5,13), si les eaux troubles du schisme se déversent sur ce lieu saint ?

J’espère sincèrement que l’Athos, face à cette situation qui le frappe de façon inattendue, fera le seul bon choix possible, en faveur de l’ordre canonique. Je remercie tous les moines et les higoumènes athonites qui ont déjà fait ce choix.