La fête des fêtes
Dans un article paru dans le journal « Izvestia », le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, explique pourquoi Pâques est appelée triomphe de la vie.
Le mot « pâque » vient de l’hébreu ancien « pessah », qui désigne la fête qui existait et existe encore chez les juifs et a coïncidé dans le temps avec la crucifixion du Sauveur. Cette fête commémore les évènements miraculeux de l’exode des Juifs, fuyant la captivité égyptienne.
Les chrétiens continuent à employer le nom de Pâques, car les motifs de l’Ancien et du Nouveau testament sont intimement liés dans les offices liturgiques. L’histoire vétérotestamentaire a si bien été repensée par l’Église comme une image de la passion, de la mort et de la résurrection du Christ qu’il est impossible de séparer l’Ancien du Nouveau Testament.
Lisant l’Évangile, on constate que le Nouveau Testament ne cesse de renvoyer aux livres des prophètes qui ont prédit la vie, la mort et la résurrection du Seigneur Jésus. La veille de Pâques, le samedi saint, on lit dans les églises la prophétie d’Ezéchiel sur la résurrection du genre humain. Cette prophétie décrit comment le Seigneur recueille les ossements des morts, les assemble, puis les couvre de chair et y insuffle l’esprit, autrement dit, recrée chaque homme avec son corps, son âme et son esprit. Ce n’est pas un conte, ni un mythe, c’est la foi que nous avons reçue du Seigneur Jésus Christ.
Les Pères de l’Église enseignent que les corps de ceux qui ressusciteront pour la vie nouvelle seront distincts de ceux que nous portons aujourd’hui : ce ne seront pas exactement ces corps matériels, soumis aux maladies, aux souffrances et à la vieillesse. Néanmoins, les ressuscités seront des hommes à part entière, avec un corps, une âme et un esprit. Dans ce corps nouveau, reçu du Seigneur, nous vivrons éternellement.
On dit aussi que Pâques est la victoire sur la mort, le triomphe de la vie. L’enfer n’a pas supporté la présence de Dieu, et les portes de l’enfer se sont ouvertes devant tous ceux qui désirèrent en sortir et suivre le Christ. L’enfer continue à exister pour ceux qui rejettent volontairement et consciemment le Christ comme Dieu et Sauveur. Tant que la mauvaise volonté des hommes existe, l’enfer existe, qui n’a pas été préparé par Dieu, mais de nos propres mains. Le Seigneur détruit ce que l’homme a fait de mal, non par la violence, ni par le pouvoir, ni « par sa haute puissance », mais par Sa mort et par Sa résurrection.
L’Évangile rapporte que de nombreux morts sortirent du tombeau au moment de la mort du Seigneur. Les textes liturgiques chantent que le Seigneur, sortant des enfers, en tira Adam, Eve, et tous ceux qui étaient morts avant la résurrection du Christ dans l’espérance de Sa venue. Les icônes de la Résurrection représentent le Christ tirant Adam et Eve de l’enfer. Ils sont suivis d’autres héros de l’histoire sainte. Sous les pieds du Sauveur, on représente les portes brisées de l’enfer, des serrures et des clefs jetées à terre en désordre.
Après la Résurrection du Christ, la voie de la résurrection est ouverte à toute chair, et c’est ce que chante l’Église dans l’un des cantiques du Samedi saint : « L’enfer règne, mais non pas éternellement, sur le genre humain ». Qu’est-ce que cela signifie ? Que par la mort et la résurrection du Christ, une sentence de mort a été signée contre l’enfer. L’enfer existe encore, mais il n’a déjà plus d’emprise éternelle sur l’humanité : tout homme qui suit le Christ, qui rejette le mal et choisit le camp du bien est délivré du pouvoir de l’enfer et de la mort par la résurrection du Christ.
L’histoire de l’humanité est une histoire de vie et de mort. La vie de tout homme s’achève par la mort, et beaucoup d’hommes meurent d’une mort vide de sens ou cruelle. Des peuples entiers périssent dans des batailles ou des guerres. Au moment de Pâques, les gens vont au cimetière commémorer leurs proches, ceux dont la vie terrestre s’est déjà achevée et dont les restes sont couchés dans la terre froide. Commémorons ceux qui sont morts à la guerre, les millions d’hommes envoyés à la mort et dont la vie s’est interrompue alors qu’ils étaient dans la force de l’âge. Commémorons ceux qui sont morts dans les incendies, les catastrophes aériennes, les victimes de catastrophes naturelles.
L’Église prie pour tous les morts, car elle croit en la résurrection générale, elle croit que Dieu ne laissera pas les ossements desséchés éternellement inhumés, mais ressuscitera pour une vie nouvelle tout homme qui vécut sur la terre. C’est ce qu’enseignait le Christ, c’est ce qu’enseigne l’Église, c’est ce que nous croyons. Lorsque nous pensons au sort de ceux qui ont quitté ce monde, à nos proches et à nos amis, pensons aussi aux guerriers, qui ont donné leur vie pour la foi et pour la patrie, à ceux qui sont morts dans des catastrophes naturelles ou à cause d’épidémies, croyons que le Seigneur les appellera en leur temps à une vie nouvelle.
Pour moi personnellement, la fête de Pâques est chaque fois un évènement unique et particulier. Quel que soit le nombre de fois où nous avons fêté Pâques, où nous avons entendu l’appel du psalmiste « Lève-toi, Dieu, juge la terre, car Tu règnes dans les siècles », chaque fois lorsque revient le Samedi saint, lorsque revient Pâques, nous revivons ce sentiment incomparable de la présence de Dieu parmi nous, ici et maintenant. Il apparaît clairement que c’est pour cela qu’il faut vivre : tout le reste passera, ceci restera.
On pose souvent la question de la différence entre la fête de Pâques dans la tradition catholique et la fête de Pâques dans la tradition orthodoxe. La différence tient surtout à la date, elle coïncide parfois, mais est le plus souvent différente. L’année dernière, par exemple, les orthodoxes et les catholiques ont fêté Pâques en même temps alors que cette année il y a une semaine d’écart. Pâques et les fêtes qui dépendent de Pâques (l’Entrée du Seigneur à Jérusalem, l’Ascension, la Pentecôte, des fêtes qu’on appelle mobiles) sont célébrées suivant le calendrier lunaire, plus exactement Pâques est célébrée le premier dimanche après l’équinoxe de printemps.
Le Ier Concile œcuménique de 325 a défini un principe unique pour déterminer la date de Pâques, et pendant plus de mille ans, tous les chrétiens ont fêté Pâques ensemble. Depuis que le nouveau calendrier est entré en vigueur (d’abord dans l’Église occidentale, puis, au XXe siècle, dans certaines Églises orthodoxes), il existe une différente dans la date des fêtes fixes, ainsi qu’une différence dans la date de Pâques entre orthodoxes et catholiques. Actuellement, les orthodoxes ont pour règle que notre Pâque ne doit pas être célébrée avant la Pâque juive. D’autre part, l’utilisation de calendriers différents influe sur la détermination de la date de Pâques.
L’histoire de la vie terrestre de Jésus Christ, de Sa passion et de sa mort ne se découvre pleinement qu’à la lumière de la Résurrection du Christ. Voilà pourquoi les offices de la Semaine sainte, consacrés aux souffrances du Christ et à Sa mort, ne cessent de parler de Sa résurrection. Oui, Il a souffert, oui, Il est mort, mais Il est ressuscité, et à la lumière de la foi pascale en la Résurrection du Christ, l’ensemble de l’histoire de Jésus Christ prend sens. A la lumière de cette histoire, c’est l’histoire terrestre de chaque homme en particulier qui trouve son sens, y compris celle de ceux qui sont morts trop tôt, celles des innocents qui ont péri.
Pourquoi Pâques est bien « la fête des fêtes » et « la solennité des solennités ».