Le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, a commenté les tensions alimentant la discussion autour du film « Mathilde ».

Les tensions qui entourent la sortie du film « Mathilde » rappellent malheureusement la situation survenue il y a quelques temps autour de Charlie Hebdo, le scandaleux hebdomadaire français. On cherchait alors à nous placer devant un dilemme : êtes-vous pour Charlie ou pour les terroristes qui ont abattu les membres de la rédaction du journal ? Aujourd’hui, on tente de nous placer devant le même choix : soutenir « Mathilde » ou être avec ceux qui appellent à incendier les cinémas.

Que doivent faire ceux qui ne soutiennent ni l’un, ni les autres ? Pour ma part, je me prononce inconditionnellement et catégoriquement contre tout appel à la violence, toute menace à l’encontre de qui que ce soit, le réalisateur, les acteurs, les directeurs de salles, etc. Je me prononce aussi contre l’interdiction du film, contre la renaissance de la censure sur le modèle soviétique. En même temps, je ne peux et ne veux aucunement être du côté de ceux qui défendent ce film.

A la différence de la plupart de ceux qui alimentent la polémique, je l’ai vu, ce film. On entend dire : vous n’avez pas vu le film, alors taisez-vous, attendez qu’il sorte. Et on accuse ceux qui se déclarent contre en se basant sur la bande annonce de critiquer sans avoir vu. J’ai donné mon avis pour avoir vu le film en entier, et pas seulement la bande annonce. Mon avis a vexé le réalisateur, qui m’avait invité, mais je n’ai pas pu aller contre ma conscience. Pas plus que je n’ai pu me taire.

Les personnes et les associations de personnes les plus diverses discutent de ce film. Il y a eu des milliers de lettres de protestation. Beaucoup ne comprennent pas pourquoi il fallait, l’année du centenaire de la révolution, cracher une fois encore publiquement à la face d’un homme qui a été tué avec toute sa famille, avec ses enfants mineurs. La commémoration de la révolution est un prétexte à la prière, à la commémoration de tous les innocents qui ont souffert, et non pas l’occasion de continuer à cracher sur leur mémoire.

Je ne parle même pas du fait que, pour l’Église, le souverain empereur Nicolas II est un saint, canonisé pour sa patience dans les épreuves. L’impératrice Alexandra Feodorovna, présentée dans le film comme une sorcière hystérique, a aussi été canonisée. Au moins cent mille personnes se rassemblent tous les ans à Ekaterinbourg pour les « Journées du Tsar », et durant cinq heures, nuitamment, elles s’avancent en procession du lieu de l’exécution au lieu supposé de leur inhumation.

J’espère qu’en cette année du centenaire des tragiques évènements qui ont causé la mort de millions de victimes de notre peuple, il se trouvera des metteurs en scène, des écrivains et des artistes capables de rendre à la mémoire du Souverain assassiné l’hommage qu’elle mérite.