Le 11 septembre, l’Église fait mémoire de la Décollation du saint prophète, précurseur et baptiste Jean. Le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures et recteur de l’Institut de l’Institut des Hautes-Études Saints-Cyrille-et-Méthode, a célébré à cette occasion la liturgie à l’église moscovite de la Décollation-de-Saint-Jean-Baptiste-aux-Bois, qui fait partie du site du métochion de Tchernigov, sur lequel est situé l’Institut des Hautes Études.

Le métropolite concélébrait avec l’archimandrite Serge (Akimov), recteur de l’Académie de théologie de Minsk, l’archiprêtre Oleg Skomorokh, président du Département des aumôneries de prison du diocèse de Saint-Pétersbourg, le hiéromoine Jean (Kopeïkine), vice-recteur de l’Institut des Hautes Études, le hiéromoine Rodion (Larionov), adjoint au directeur du département de théologie de l’Université nationale de recherche nucléaire, le prêtre Dimitri Safonov, secrétaire du DREE aux relations interreligieuses, adjoint au directeur du département « Relations ecclésiastiques extérieures » de l’Institut des Hautes Études, secrétaire du Conseil scientifique de cet même Institut, ainsi qu’avec les clercs de l’église.

A la fin de l’office, le métropolite a prononcé l’homélie suivante :

« Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit !

Nous célébrons aujourd’hui la fête patronale de notre église, la Décollation de saint Jean Baptiste. Nous avons entendu le récit de l’évangéliste Marc sur l’évènement que nous commémorons. Peut-on appeler cet évènement une fête ? Peut-on faire de l’atroce évènement que nous compte l’Évangile un sujet de solennité festive ? Il se trouve que cela est possible, car l’Église ne porte le même regard que les gens sur la vie et sur la mort.

Le jour de la décollation de saint Jean le précurseur est un jour de jeûne strict. Nous jeûnons car nous faisons mémoire d’un crime, auquel participèrent plusieurs personnes, membres de la famille d’Hérode, roi de Judée. Il s’agit en même temps d’une fête, car nous faisons mémoire de l’héroïsme d’un homme qui fut fidèle à Dieu jusqu’à la fin et qui traça la voie vers le Sauveur non seulement par sa vie et par sa prédication, mais aussi par sa mort.

Le Seigneur, au cours des siècles, prépara l’humanité à la venue du Sauveur. A chaque génération, Dieu choisissait les prophètes par lesquels Il faisait entendre aux hommes Sa parole. Ces hommes étaient très différents. Ils ne se distinguaient pas par leur instruction ou par leur érudition philosophique. Beaucoup d’entre eux venaient d’un milieu simple. Nous ne savons rien d’un certain nombre d’entre eux si ce n’est ce qu’ils ont bien voulu dire dans leurs livres prophétiques. Mais nous savons que le Seigneur a appelé chacun d’eux à Le servir, et qu’ils n’ont pas toujours répondu tout de suite à cet appel. Il arriva que le Seigneur appelât un homme à le Servir durant sa jeunesse, comme le prophète Samuel. Il entendit la voix de Dieu, mais ne comprit pas que c’était Dieu qui lui parlait. Il pensait que c’était son maître qui l’appelait. Ce n’est que lorsque le Seigneur se fût manifesté à plusieurs reprises que son maître comprit que c’était la voix de Dieu que Samuel apprit à reconnaître cette voix et à la suivre.

Il arriva aussi que le Seigneur appelât de futurs prophètes qui tentèrent de refuser et de résister, comme Moïse, qui répondit : « Je bégaie, choisis-en un autre ». Mais le Seigneur le choisit lui, car c’est sur lui qu’Il avait posé Son sceau. Il y en eut qui disaient n’avoir pas de force en eux comme étant trop jeunes, ou qui cherchaient d’autres prétextes pour refuser. Mais c’était eux que le Seigneur appelait et dont Il obtenait ce qu’Il voulait.

La Bible contient ainsi le livre du prophète Jonas, qui raconte comment le Seigneur ordonna à Jonas d’aller prêcher à Ninive, appeler ses habitants au repentir et les menacer de la perte de leur ville. Jonas ne voulait pas remplir cette mission et s’enfuit pour un long voyage afin d’échapper à la face de Dieu. Ce voyage se termina mal pour lui. Il y eut une tempête, et il comprit qu’il était cause de cette tempête, qu’à cause de lui, ses compagnons de voyage risquaient de périr, et il demanda qu’on le jetât à la mer. Une fois à l’eau, il fut avalé par une baleine qui, trois jours et trois nuits plus tard, le rejeta sur terre. Ensuite, Jonas accomplit ce que Dieu exigeait de lui. Ce qui montre que la résistance de cet homme n’avait aucun sens et n’avait servi à rien, car si Dieu a appelé quelqu’un à Son service, Il parvient à lui faire faire ce qu’Il veut.

Nous ne savons pas comment le Seigneur appela Jean Baptiste. Nous savons seulement comment il naquit, mais on ignore à quel moment il fut appelé et comment il commença à prêcher. L’Évangile, notamment l’Évangile selon saint Marc, dont nous avons lu aujourd’hui un passage, commence par dire que « Jean parut, baptisant au désert » (Mc 1, 4), mais d’où vint-il et comment, comment le Seigneur le prépara-t-il à ce ministère, nous ne le savons pas.

Les évangélistes nous ont pourtant laissé de précieux témoignages sur sa prédication. La prédication du Seigneur Jésus Christ commence d’ailleurs par les mots que prononça le premier Jean le Précurseur : « Repentez-vous, car le Royaume des cieux est proche » (Mt 3, 2). Le Seigneur Jésus Christ vint au Jourdain voir Jean Baptiste plus d’une fois. Il ne vint pas seulement à lui pour recevoir le baptême, mais plusieurs autres fois, comme le montre l’Évangile de Jean. L’évangéliste ne nous dit pas pourquoi Jésus vint à Jean. Mais le Fils de Dieu écoutait les paroles de ce prophète, s’en imprégnait et les reprit dans Sa prédication, au moins au début.

La prédication de Jean Baptiste a laissé une empreinte indélébile sur celle de Jésus Christ. Beaucoup d’expressions d’abord prononcées par Jean sont employées par la suite par le Chrsit, notamment lorsqu’il appelle les pharisiens « Engeance de vipères » (Mt 12, 34).

Il y a un lien mystérieux entre Jean le Précurseur et Jésus Christ. Ce lien est sensible dans les quatre Évangiles. Nous savons que lorsque Jésus Christ apprit la mort de Jean Baptiste, Il s’éloigna des disciples et pria Son Père. Que demanda-t-Il et pour qui pria-t-Il ? Pria-t-il pour celui qui Lui avait préparé le chemin, ou pria-t-Il pour Lui-même, sachant ce qui L’attendait ? Nous ne le savons pas. Mais nous savons qu’il existait un lien spirituel profond entre le Seigneur Jésus Christ et Son Précurseur. Et la Sainte Église a su identifier ce lien.

Jean Baptiste est l’un des saints les plus vénérés de notre Église. Nous le fêtons non pas une, ni deux fois, mais plusieurs dans l’année : nous faisons mémoire de sa naissance, trois fois de l’invention de ses reliques, de sa décollation. Jean Baptiste est invisiblement présent avec nous durant toute l’année liturgique. Lorsque nous commémorons le Seigneur, Sa vie, la rédemption qu’Il accomplit, nous voyons toujours près de Lui Son précurseur, celui que le Seigneur avait appelé pour qu’il préparât Ses voies.

Jean le Précurseur témoignait au peuple qu’avant sa rencontre avec Jésus Christ, Il ne le connaissait pas. C’est le Seigneur qui lui révéla que viendrait le Messie, le Sauveur, mais il ne savait pas qui Il était. Lorsque Jésus Christ parut sur les rives du Jourdain, le Seigneur lui montra que c’était l’Agneau de Dieu, qui enlève les péchés du monde.

De sa prison, Jean Baptiste envoya ses disciples au Sauveur lui demande : « Es-tu Celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? » (Mt 11, 3). Nous ne savons pas non plus pourquoi Jean le Précurseur envoya ses disciples poser cette question. Est-ce parce qu’à une heure de souffrance il douta, est-ce, comme le pensent beaucoup de commentateurs, par ce qu’il voulait par-là conforter ses disciples dans leur foi dans le Sauveur venu dans le monde ? Mais le Seigneur répondit : « Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez : les aveugles voient et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés et les sourds entendent, les morts ressuscitent et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres ; et heureux celui qui ne trébuchera pas à cause de moi » (Mt 11, 4-6). Peut-être était-ce le dernier avertissement que le Christ envoyait à Son Précurseur, le message qu’il devait recevoir pour se convaincre définitivement de ce que Jésus Christ est le Sauveur du monde.

Après le terrible évènement de la décollation du Précurseur, comme le croit l’Église le saint prophète et Précurseur est descendu aux enfers pour y préparer là-bas aussi la voie au Sauveur, pour que Ses voies soient droites. Lorsque le Seigneur Jésus Christ, après Sa mort sur la croix, descendit en Son âme aux profondeurs de l’enfer, Son chemin avait déjà été préparé par cet homme de Dieu, qui se tient à la frontière entre l’Ancien et le Nouveau Testament. Aujourd’hui, nous prions Jean le Précurseur et lui demandons qu’il nous aide à être fidèles à notre vocation, celle que le Seigneur nous a confiée. Qu’il nous aide à entendre toujours la voix de Dieu qui s’adresse à nous, à la reconnaître et à faire ce que Dieu nous demande.

En ce jour de fête pour notre église, demandons au saint prophète, précurseur et baptiste du Seigneur Jean de nous aider à être fermes dans la foi orthodoxe, à être de vrais disciples et apôtres de notre Seigneur Jésus Christ. Amen ».