Le métropolite Hilarion : Dans le monde contemporain, l’Église orthodoxe et l’Église catholique sont confrontées aux mêmes défis
Dans une interview publiée à la veille de Pâques, le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, a abordé le thème des relations orthodoxes-catholiques à la demande du correspondant de l’agence TASS.
- Monseigneur, cette année, les orthodoxes et les catholiques fêteront Pâques le même jour. En quoi cette coïncidence est-elle symbolique pour consolider les relations entre les deux Églises ?
- Ce n’est pas la première fois que la date de Pâques coïncide, pour l’Église orthodoxe et l’Église catholique romaine. Durant ce siècle, cette coïncidence a lieu à peu près tous les quatre-cinq ans. Certes, c’est un heureux évènement, qui permet aux orthodoxes, aux catholiques et aux chrétiens d’autres confessions de proclamer en même temps devant le monde le miracle de la Résurrection de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ.
Il serait souhaitable que tous les chrétiens fêtent Pâques le même jour. Le Pape François avait proposé d’instaurer ensemble une date commune, il y a quelques temps. Mais cette initiative n’est possible que si le reste du monde chrétien adopte le décompte orthodoxe de la fête de Pâques. Le comput de l’Église orthodoxe s’appuie sur les décisions du I Concile œcuménique, celui de Nicée en 325, ce qui est fondamental pour les orthodoxes.
- Des rencontres entre les représentants des deux Églises ou des manifestations en commun sont-elles prévues pour le 16 avril ?
- Orthodoxes et catholiques échangent des vœux pour la fête de Pâques. Comme les années précédentes, il y a eu des échanges de félicitations entre le Pape François et le Patriarche Cyrille. Nous n’avons pas prévu de rencontres particulières ni de manifestations en commun pour la semaine pascale, car les orthodoxes et les catholiques célèbreront les offices festifs dans leurs communautés respectives.
- Que pouvez-vous dire de l’état des relations entre orthodoxes et catholiques en Russie ? Quelles questions et quels problèmes sont à l’ordre du jour ?
- Ces derniers temps, les relations entre l’Église orthodoxe russe et l’Eglise catholique romaine en Russie se sont développées de façon satisfaisante. En un quart de siècle, la sphère de coopération inter-ecclésiale s’est considérablement élargie, elle englobe désormais différents aspects de la vie de la société, ce qui était tout à fait impossible à l’époque soviétique, lorsque les autorités fixaient des limites à l’activité des Églises. Aujourd’hui, les deux Églises sont préoccupées par les mêmes problèmes : la crise de la moralité dans la société contemporaine, le grand nombre de divorces et d’avortements, le malaise social.
L’Église orthodoxe russe et l’Église catholique romaine participent aux travaux du Comité consultatif interconfessionnel chrétien de Russie, dans le cadre duquel sont discutés les problèmes qui inquiètent aujourd’hui la société russe. A l’occasion du centenaire de la révolution et du début des persécutions contre l’Église, le plénum du Comité se réunira pour la cinquième fois, à Saint-Pétersbourg, autour du thème « La foi et le dépassement des confrontations civiles : les leçons d’un centenaire ».
- Quels sont les objectifs communs aux Églises orthodoxe et catholique ?
- Dans le monde d’aujourd’hui, l’Église orthodoxe et l’Église catholique sont confrontées aux mêmes défis. Sur les problèmes les plus actuels, les positions des deux Églises sont très proches. Cette approche commune s’est clairement exprimée lors de la rencontre historique du Patriarche Cyrille de Moscou et de toute la Russie avec le Pape François de Rome à Cuba, en février 2016.
Pendant leur rencontre, le Patriarche et le pape ont avant tout appelé les hommes à s’unir contre le terrorisme, notamment au Proche-Orient où les extrémistes mettent en danger l’existence même du christianisme. La défense de nos frères et sœurs confrontés aujourd’hui à un véritable génocide est une tâche essentielle à laquelle les orthodoxes et les catholiques doivent œuvrer ensemble.
La déclaration de La Havane fait une place particulière à la paix et la solidarité en Ukraine. Par ailleurs, les primats des deux Églises ont souligné la nécessité d’une coopération entre orthodoxes et catholiques pour la défense des fondements chrétiens de la civilisation européenne, de la famille comme chemin de sainteté, manifestant la fidélité des époux et leur disponibilité à la naissance et à l’éducation d’enfants. La déclaration insiste aussi sur le droit imprescriptible à la vie et sur le respect de la dignité humaine.
Ainsi, le Pape et le Patriarche ont esquissé les thèmes sur lesquels les orthodoxes et les catholiques peuvent et doivent travailler ensemble plus efficacement pour répondre aux défis de la modernité.
- Comment évaluez-vous les possibilités de réunification des deux Églises, et qu’est-ce qui y fait obstacle ?
- La division entre les Églises d’Orient et d’Occident est une violation à la volonté du Sauveur sur l’unité de Ses disciples (Jn 17, 21), elle a eu lieu à cause de la faiblesse et de la peccabilité humaine. Cette division étant un péché et contredisant la volonté du Christ sur Sa Sainte Église, elle est inacceptable et on ne peut s’y faire. Le Pape et le Patriarche ont exprimé l’espoir que la rencontre de La Havane contribuerait « au rétablissement de cette unité voulue par Dieu, pour laquelle le Christ a prié. Puisse notre rencontre inspirer les chrétiens du monde entier à prier le Seigneur avec une ferveur renouvelée pour la pleine unité de tous ses disciples ! » La rencontre de La Havane, selon ses participants, devait être une avancée concrète dans cette direction et un signe d’espérance pour tous les hommes de bonne volonté.
Cependant, quelles que soient les espérances qu’offre un évènement comme la rencontre de La Havane, elle n’exempte pas les orthodoxes et les catholiques de la nécessité de poursuivre un sérieux dialogue théologique, dans le cadre duquel doivent être examinées les points de doctrine faisant litige. Depuis 1980, la Commission internationale mixte pour le dialogue théologique entre l’Église orthodoxe et l’Église catholique romaine se réunit régulièrement, avec la participation de représentants de toutes les Églises orthodoxes locales, dont celle l’Église orthodoxe russe. Aujourd’hui, la question de la primauté dans l’Église universelle – la question principale qui divise les orthodoxes et les catholiques – est au centre de l’attention des membres de la Commission mixte. Il est clair que cette discussion ne sera pas simple, à cause de traditions théologiques différentes, telles qu’elles se sont formées en Orient et en Occident depuis qu’ils sont divisés.
Nous ne parlons actuellement pas d’union des Églises. Nous sommes cependant certains que leur rapprochement est possible sur un certain nombre de problèmes. Et, ce qui est essentiel, nous ne sommes pas des concurrents, comme nous l’étions dans le passé, mais des alliés. Il faut partir de cette notion en élaborant des projets visant à témoigner ensemble du Christ crucifié et ressuscité devant le monde.