Interview du métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du DREE, à l’agence italienne Askanews
Dans une interview donnée au correspondant de l’agence Askanews à la veille de la rencontre de Sa Sainteté le Patriarche Cyrille de Moscou et de toute la Russie avec le président italien, le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, a évoqué les rapports russo-italiens, les relations entre l’Église orthodoxe russe et l’Église catholique romaine, les persécutions contre les chrétiens au Proche-Orient.
- La rencontre du Patriarche Cyrille de Moscou et de toute la Russie avec S. Mattarella fait partie du programme de la visite du Président à Moscou. Pourquoi cette rencontre ? Quels seront les thèmes de leur entretien ?
- Nous sommes heureux de la prochaine rencontre du Président italien Sergio Mattarella et de Sa Sainteté le Patriarche Cyrille de Moscou et de toute la Russie, qui doit servir le développement des relations entre les deux nations.
Durant ces dernières décennies, un dialogue fructueux s’est installé entre l’Église russe et l’état italien dans les domaines les plus divers. Beaucoup de ces thèmes seront abordés durant la rencontre de Sa Sainteté le Patriarche Cyrille avec le Président S. Mattarella. Ils discuteront de la coopération dans le domaine des échanges culturels et du tourisme, de la situation des ressortissants de Russie et des pays de l’ex-URSS résidant en Italie, du dialogue entre l’Église orthodoxe russe et l’Église catholique romaine, de l’érosion des valeurs morales traditionnelles dans la société européenne, du règlement pacifique du conflit au Proche-Orient.
- Les relations entre le Vatican et Moscou ont évolué ces dernières années. Dans un monde de plus en plus fragile, peut-on dire que ces relations se sont renforcées et ont manifesté une vigueur inattendue ? Deux fortes personnalités comme Cyrille et François ont-elles joué un rôle décisif ? Peut-on dire qu’une nouvelle ère a commencé après la rencontre entre le Patriarche Cyrille et le Pape François à Cuba ?
- Sans aucun doute, la rencontre du Pape François de Rome et du Patriarche Cyrille de Moscou et de toute la Russie à Cuba le 12 février 2016 a été l’un des évènements les plus importants et les plus marquants de l’histoire des relations bilatérales entre l’Église orthodoxe russe et l’Église catholique romaine. Ce n’est pas pour rien qu’elle est qualifiée, à juste titre, d’historique.
D’une part, elle est la première rencontre d’un Primat de l’Eglise russe avec un évêque de Rome dans l’histoire. Pour que cette rencontre ait lieu, il a fallu plus de 20 ans de travail préparatoire et surmonter de sérieux obstacles. D’autre part, cette rencontre est aussi historique parce qu’elle a été l’expression visible du niveau de confiance et de compréhension mutuelle auxquels sont parvenues nos Églises ces dernières années. Elle ouvre de nouvelles perspectives historiques pour les relations orthodoxes-catholiques. De ce point de vue, on peut dire que la rencontre de La Havane a ouvert une nouvelle page dans les relations entre l’Église orthodoxe russe et l’Église catholique romaine.
Le Pape et le Patriarche ont reconnu ouvertement qu’entre nos Églises, il restait d’importantes questions théologiques non résolues. En même temps, les Primats des deux Églises ont exprimé l’espoir que leur rencontre servirait à une meilleure compréhension mutuelle et aiderait à surmonter les offenses et les préjugés.
Les deux Églises comprennent aujourd’hui que les circonstances dans lesquelles sont placés les chrétiens, ainsi que les défis qui se posent à l’humanité, obligent les orthodoxes et les catholiques à aspirer à apprendre à vivre et à agir ensemble, à défendre ensemble les valeurs qui nous sont communes.
La rencontre de La Havane a démontré que les deux Églises étaient d’accord sur les problèmes les plus brûlants de l’actualité. Il s’agit avant tout de la situation tragique au Proche-Orient et des persécutions contre les chrétiens de la part des extrémistes, du conflit qui se poursuit en Ukraine, des atteintes aux droits des chrétiens en Occident, de la nécessité de défendre la famille et les autres valeurs chrétiennes dans une société laïque, de la défense de la haute dignité de la personne humaine dans tous les domaines de la vie sociale. Les orthodoxes et les catholiques peuvent et doivent déjà collaborer sur ces questions essentielles, afin que la réponse chrétienne aux défis de la civilisation contemporaine soit plus convaincante. Après la rencontre de La Havane, la coopération bilatérale s’est notoirement intensifiée dans les domaines susmentionnés, notamment grâce à la contribution personnelle du Pape François et du Patriarche Cyrille.
- Dès le début du fameux « printemps arabe », l’Église russe a sonné l’alarme, évoquant la situation des chrétiens du Proche-Orient. Nous avons vu que de nombreux rebelles faisant partie de groupes extrémistes sont dans les rangs des opposants au pouvoir en Syrie. Ces gens se sont donnés pour objectif d’éliminer la présence chrétienne si ancienne dans la région.
- Depuis 2011, le Patriarcat de Moscou défend les intérêts des chrétiens du Proche-Orient en détresse, à tous les niveaux possibles. A la fin de l’année 2011, le Patriarche Cyrille a effectué une visite en Syrie et au Liban ; depuis, les leaders de presque toutes les Églises chrétiennes du Proche-Orient sont venus en Russie. En échangeant avec eux, nous nous rendons compte de la situation telle qu’elle est vraiment, ce qui permet de faire entendre leurs intérêts devant la communauté internationale. Ceci est d’une grande actualité, car les médias ont souvent volontairement ignoré le problème des persécutions contre les chrétiens en Syrie. De nombreux hiérarques du Proche-Orient disent aussi que l’engagement de la Russie en Syrie a redonné de l’espoir aux chrétiens qui ont quitté la région en masse, craignant pour leur vie sous le pouvoir des extrémistes.
Nous soulevons la question de la situation des chrétiens dans les forums internationaux, dans nos dialogues avec les leaders politiques et religieux, dans les médias. Pratiquement aucune rencontre officielle de la Hiérarchie de l’Église orthodoxe russe ne se passe sans que la situation des chrétiens au Proche-Orient ne soit évoquée.
La situation au Proche-Orient reste invariablement à l’ordre du jour dans le dialogue avec les leaders musulmans. Récemment, le Patriarche Cyrille a rencontré le ministre des wakoufs de Syrie, Mohammed Abdoul Sattar al-Sayeed. Auparavant, il s’était entretenu avec le grand mufti de ce pays, Ahmad Hassoun. Nous avons fait part de notre préoccupation pour le sort des chrétiens du Proche-Orient dans notre dialogue avec les organisations de la confédération musulmane, avec les leaders musulmans d’Iran, d’Irak, d’Égypte, de Turquie, du Yémen et d’autres pays.