Le 22 décembre 2016, Sa Sainteté le Patriarche Cyrille de Moscou et de toute la Russie a célébré à la cathédrale du Christ Sauveur les funérailles d’Andreï Karlov, ambassadeur de la Fédération de Russie en Turquie, assassiné par un terroriste le 19 décembre à Ankara.

La cérémonie civile d’adieu avait eu lieu auparavant dans les locaux du ministère des Affaires étrangères. Le Président russe Vladimir Poutine était présent à la célébration. Le chef de l’État a décoré l’ambassadeur Karlov à titre posthume. Après la cérémonie civile, le corps a été transféré à l’église du Christ Sauveur.

Avant les funérailles, le Patriarche Cyrille a prononcé un discours à la mémoire d’Andreï Karlov :

« Avant de célébrer les funérailles, j’aimerais partager quelques réflexions sur ce qui s’est passé et sur la personnalité d’Andreï Guennadievitch.

Le Seigneur m’a donné de le rencontrer dans des circonstances tout à fait hors du commun, à propos d’un sujet extraordinaire. C’est avec sa participation personnelle, en collaboration étroite avec notre Église, à Pyongyang, capitale de la République populaire démocratique de Corée, qu’a été construite une église orthodoxe. Il s’agit de la première et, jusqu’à présent, de la seule église chrétienne construite dans ce pays à l’époque contemporaine.

La construction de cette église a été précédée d’un travail intensif, et Andreï Guennadievitch s’est entièrement consacré à ces travaux. C’est grâce à son intervention personnelle que la construction a été heureusement terminée, que j’ai pu ordonner deux prêtres coréens, que la vie paroissiale s’est mise en place.

Lorsque j’ai quitté Pyongyang, après la consécration de l’église, beaucoup pensaient que cet évènement avait une portée plus politique, plus protocolaire, que pastorale ou spirituelle. Certes, tout dépendait de la façon dont la paroisse se développerait dans l’avenir. Si elle était restée un lieu de cérémonies protocolaires, elle n’aurait pas vraiment été une église au sens propre du terme. J’en ai parlé à Andreï Guennadievitch, qui m’a répondu que, du fait de ses profondes convictions religieuses, de celles de son épouse et de beaucoup d’autres collaborateurs de l’ambassadeur russe dans la capitale nord-coréenne, cette église serait de toute façon un lieu de prière.

L’un des premiers offices célébrés dans cette église a été la cérémonie du mariage religieux de Monsieur l’Ambassadeur et de son épouse. Tout cela ne pouvait pas ne pas produire une forte impression sur les autorités de la RPDC, sur la société, sur ceux qui ont eu accès à cette information. Et la paroisse a commencé à vivre de sa propre vie.

Même si Andreï Guennadievitch n’avait rien fait d’autre, le seul fait de la fondation d’une paroisse orthodoxe à Pyongyang, le soutien qu’il lui a accordé, ont une importance historique. Mais combien plus a-t-il fait ! Nous nous sommes vus souvent, notamment pendant mes voyages en Turquie, et je sais combien il avait à cœur de soutenir les orthodoxes russes résidant en Turquie, combien il souhaitait fonder une église orthodoxe à Ankara. Je suis convaincu qu’il y serait parvenu et que l’église aurait été bâtie.

Pourquoi ai-je mis l’accent sur la construction d’églises ? Parce que cela témoigne de la largeur de vue du défunt. Il n’était pas un spécialiste du ministère aux opinions étroites, il ne travaillait pas uniquement dans le cadre de ses instructions de service. Il comprenait clairement ce qu’il fallait pour que les relations de la Russie avec d’autres états englobent aussi la sphère spirituelle. Je suis reconnaissant au défunt, à son épouse, à tous ceux qui ont travaillé avec lui, de cette vision des choses, de leur compréhension du sens des relations entre les états ou, pour mieux dire, des rapports entre les peuples, entre les hommes, qui sont fécondés par la vie spirituelle.

La fin d’Andreï Guennadievitch a été tragique. Il entrera dans l’histoire de notre Patrie comme ambassadeur de la Russie mort à son poste. Il n’y en a pas eu beaucoup. Il sera toujours du nombre de ces héros de l’histoire de notre peuple, et, en ce sens, du point de vue des catégories humaines, sa fin l’a immortalisé.

Mais il y a une autre catégorie, celle de la vie éternelle, où la mort n’existe pas. Et ce qui nous semble tragique, à nous qui entourons aujourd’hui le cercueil d’Andreï Guennadievitch, ne l’est pas pour le Dieu éternel, pas plus que ce n’est une tragédie pour lui-même, car son âme immortelle est maintenant avec nous. Cette âme est déjà dans l’autre monde, dont nous ne savons presque rien. Mais nous savons que ce monde existe : s’il n’en était pas ainsi, la vie humaine n’aurait pas de sens. Andreï Guennadievitch comprenait très bien le sens de la foi, celui de l’immortalité. C’est peut-être grâce à cette compréhension des choses qu’il est parvenu à tant de réalisations sur le plan professionnel.

Prions pour le repos de son âme, pour que le Seigneur lui pardonne ses péchés volontaires et involontaires, car il n’est pas d’homme qui n’ait péché. Nous croyons que, par nos prières, et surtout par son martyre, Andreï Guennadievitch entrera au Royaume divin de la gloire, et que le Dieu clément étendra sur lui sa miséricorde. Ne prions pas pour lui seulement aujourd’hui, lorsque nous lui faisons nos adieux et l’accompagnons à sa dernière demeure : continuons à prier et à faire mémoire de lui durant de longues années. »

Participaient aux funérailles : le métropolite Barsanuphe de Saint-Pétersbourg et de Ladoga, chancelier du Patriarcat de Moscou, le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, l’archevêque Serge de Solnetchnogorsk, directeur du Secrétariat administratif du Patriarcat de Moscou, l’évêque Antoine de Bogorodsk, responsable de la Direction des établissements du Patriarcat de Moscou à l’étranger, l’archiprêtre Vladimir Divakov, secrétaire du Patriarche de Moscou et de toute la Russie pour la ville de Moscou, l’archiprêtre Mikhaïl Riazantsev, recteur de la cathédrale du Christ Sauveur, l’archiprêtre Nicolas Balachov, vice-président du DREE, le clergé de Moscou.

De nombreux collaborateurs du ministère des Affaires étrangères, la famille d’A. G. Karlov, des clercs de la ville de Moscou assistaient aux funérailles.

L’ambassadeur A. G. Karlov a été inhumé avec les honneurs militaires au cimetière de Khimki.