Le métropolite Niphon de Târgoviste : Le prince Vladimir est véritablement l’égal des apôtres
La délégation de l’Église orthodoxe roumaine, venue à Moscou participer aux célébrations du millénaire du retour à Dieu de saint Vladimir égal-aux-apôtres, était présidée par le métropolite Niphon de Târgoviste. A la veille de la fête du Baptiste de la Russie, l’hiérarque roumain a accordé une interview à l’agence « Blagovest-info ».
- Éminence, vous êtes venu à Moscou participer au jubilé du prince Vladimir, baptiste de la Russie. Chez nous, en Russie, en Ukraine et en Biélorussie, ce saint est particulièrement vénéré. Fait-il l’objet d’une dévotion en Roumanie ?
- Avant tout, j’aimerais dire l’immense joie que représente ma venue à Moscou pour ces célébrations en tant que représentant de Sa Béatitude le Patriarche Daniel de Roumanie et de toute l’Église orthodoxe roumaine. Avec mes frères représentant les autres Églises orthodoxes locales, je vais participer à la liturgie solennelle à l’église du Christ Sauveur. Le prince Vladimir est véritablement l’égal des apôtres. Et il est très important que beaucoup de peuples orthodoxes connaissent les saints qui ont été à la source de leur christianisation.
La Roumanie s’est convertit au Christ un peu différemment. Nous ne savons pas la date exacte à laquelle les premières communautés chrétiennes ont été fondées sur notre sol, mais la tradition rapporte qu’elles sont apparues il y a très longtemps, après la mission du saint apôtre André le Protoclite sur le territoire de l’actuelle Roumanie, qui était alors une province romaine, la Dacie. Je peux assurer que le prince Vladimir est très vénéré dans notre pays, c’est l’un de nos saints préférés.
- Malheureusement, cette année, les célébrations en l’honneur de saint Vladimir se déroulent dans trois capitales slaves en même temps, alors que les années précédentes, elles avaient été organisées sur les lieux du Baptême de la Russie, à Kiev. La raison en est connue de tous, il s’agit de la situation politique en Ukraine. Mais lorsqu’on parle de ce pays frère, les croyants se souviennent immédiatement que la situation continue à être difficile également sur le plan de la vie de l’Église en Ukraine : le schisme subsiste toujours. Comment l’Église roumaine envisage-t-elle ce problème ?
- Nous ne pouvons que nous affliger de ce schisme prolongé en Ukraine, où, en dehors de l’Église orthodoxe ukrainienne canonique s’activent d’autres organisations s’intitulant Patriarcat de Kiev et Église orthodoxe autocéphale ukrainienne, ainsi que d’autres petits schismes. Les orthodoxes ont besoin de concorde et d’unité, l’unité, fondée sur les principes canoniques de notre Église. L’observance du droit canon et de la discipline ecclésiastique a une énorme importance dans la vie des chrétiens orthodoxes. Et nous prions pour que cette unité, basée sur les canons de l’Église, se réalise tôt ou tard. Notre Église locale ne reconnaît naturellement que l’Église orthodoxe ukrainienne canonique du Patriarcat de Moscou. Nous maintenons avec elle des échanges, le métropolite Onuphre de Kiev a invité des hiérarques roumains aux célébrations en l’honneur de saint Vladimir.
- Monseigneur, où en est la situation en République de Moldavie où, depuis plus de vingt ans, à côté de la métropole moldave faisant partie du Patriarcat de Moscou, existe une métropole de Bessarabie sous la juridiction du Patriarcat roumain.
- Nos deux Églises, roumaine et russe, sont en pourparlers sur ce sujet. Il existe une commission bilatérale, et nous espérons trouver une solution qui conviendrait aux deux parties dans un proche avenir. L’essentiel reste que, malgré quelques désaccords, nos Églises ont conservé une pleine et entière communion canonique et eucharistique.
- Pourriez-vous rappeler à nos lecteurs quelles sont actuellement les relations de l’Église roumaine avec celle de Jérusalem ?
- Grâce à Dieu, nos Églises sont aujourd’hui pleinement en communion. De fait, en 2011, le Patriarcat de Jérusalem avait décidé de rompre la communion eucharistique avec le Patriarcat de Roumanie à cause du statut de la maison des pèlerins et de la chapelle qui la jouxte, ouvertes par nos compatriotes à Jéricho. Il faut savoir qu’une représentation de l’Église roumaine existe en Terre sainte depuis 1931. Sous les patriarches Théoctiste et Diodore, notre présence en Terre Sainte n’avait soulevé aucun conflit. Malheureusement, la situation a changé depuis. Avec l’aide de Dieu, il a été décidé au cours des négociations menées entre les deux Patriarcats, que des prêtres de Roumanie célébreraient dans la maison des pèlerins de Jéricho avec la bénédiction du Patriarcat de Jérusalem. Depuis 2013, nos Églises sont de nouveau pleinement en communion.
- Éminence, l’Église roumaine fête cette année deux anniversaires importants : le 130e anniversaire de l’acquisition de l’autocéphalie et le 90e anniversaire de l’établissement du Patriarcat. Comment seront fêtés ces deux évènements ?
- Ces dates ont une grande importance pour l’Église roumaine. Des célébrations seront organisées dans toutes les paroisses de notre Patriarcat. Des conférences auront lieu dans les douze facultés de théologie, les trente-quatre séminaires, ainsi que dans toutes les écoles, puisque les fondements de l’orthodoxie sont enseignés dans les écoles publiques de Roumanie. Les festivités principales auront lieu en octobre à Bucarest. Le programme n’en a pas encore été fixé, nous le connaîtront un peu plus tard.
- Quelle est la position de l’Église roumaine sur les défis de la société sécularisée contemporaine ?
- Nous éprouvons une grande inquiétude devant les défis que jette la société actuelle à la morale traditionnelle. Le laïcisme, le matérialisme et les autres « ismes » sont un véritable danger pour l’institut de la famille, pour la vie de la société. Il est difficile de lutter contre ces nouvelles tendances, mais c’est possible. Et nous devons le faire, nous sommes tenus de défendre les valeurs chrétiennes. Dans le cas contraire, nous perdrons beaucoup. Nous combattons au niveau interchrétien, agissant de concert avec les hétérodoxes qui partagent nos positions traditionnelles.
- Qu’attend l’Église roumaine du Concile panorthodoxe qui doit avoir lieu l’an prochain ?
- Je pense que les Églises orthodoxes doivent se réjouir de la tenue de ce Concile. Il est nécessaire, car l’Orthodoxie souffre d’un manque de formes extérieures d’expression de son unité, de son unanimité. A l’heure actuelle, seule l’Église russe a sa propre doctrine sociale. Les autres Églises locales n’ont pas de document qui formuleraient clairement leur position sur la société. Et ici, le Saint et Grand Concile de l’Église orthodoxe à venir peut jouer un grand rôle en déterminant le rapport de toutes les Églises locales aux problèmes sociaux.
Nous attendons par ailleurs que le Concile se prononce sur les relations des orthodoxes aux chrétiens des autres confessions, ainsi que sur des thèmes comme la paix sur la planète, la liberté, la dignité de la personne humaine.
Il se peut que le Concile décide que semblables rencontres devront avoir lieu régulièrement.
- Monseigneur, pour conclure notre entretien, parlez-nous un peu de votre cheminement personnel.
- Je suis né en Roumanie, j’ai étudié la théologie d’abord dans mon pays, puis en Angleterre, dans les universités de Londres et d’Oxford. J’ai enseigné la théologie et la missionologie à Târgoviste, je participe au dialogue interorthodoxe et interchrétien. L’archevêché de Târgoviste à la tête duquel j’ai été nommé, compte 340 paroisses, dans lesquels officient environ 500 prêtres.
Propos recueillis par Dimitri Vlassov