Le Primat de l’Église orthodoxe russe participe à la réunion du Présidium du Conseil interreligieux de la CEI
Le 28 novembre 2011, dans la capitale arménienne, a eu lieu une réunion du Présidium du Conseil interreligieux de la Communauté des états indépendants.
Parmi les participants à la rencontre se trouvaient le Patriarche Cyrille de Moscou et de toute la Russie ; le cheik-ul-islam Allahsukur Pasa-zade, chef de la Direction des musulmans du Caucase ; le Catholicos-Patriarche suprême de tous les Arméniens Garéguine II ; le métropolite Vladimir de Kichinev et de Moldavie ; le métropolite Alexandre d’Astanas et du Kazakhstan ; le métropolite Vincent de Tachkent et de l’Ouzbekistan ; A. Boroda, président de la Fédération des communautés juives de Russie ; A. Chaevitch, grand rabbin de Russie ; le grand rabbin d’Ukraine ; Did Khambo Lama Dagba Ochirov, vice-président de la Sangha traditionnelle boudhiste ; Sanjei Lama, représentant permanent du chef de la sangha boudhiste de Russie ; le mufti Absattar Derbisaliev, chef de la Direction spirituelle des musulmans du Kazakhstan ; Saidmulin Mourodov, représentant du chef de la Direction spirituelle des musulmans du Tadjikistan ; Talgat Tadjuddin, mufti suprême, chef de la Direction spirituelle centrale des musulmans de Russie ; le mufti-cheikh Ravil Gainutdin, président du Conseil des muftis de Russie et son vice-président Saoubianov Kharis ; Shafig Pshikhachev, président de la Mission islamique internationale ; l’archiprêtre Vsevolod Tchapline, président du Département synodal pour les relations de l’Église avec la société, l’archiprêtre Georges Rochtchine, vice-président de ce département .
De nombreux invités étaient présents, ainsi que le président arménien, Serge Sargsian.
Les membres de la délégation accompagnant le Patriarche Cyrille, parmi lesquels le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, asistaient également à la réunion.
Le Patriarche Cyrille de Moscou et de toute la Russie a ouvert la rencontre. Remarquant que la coopération des représentants des religions traditionnelles de la CEI se développait avec succès autant au sein du Conseil interreligieux que dans le cadre des contacts bilatéraux, le Patriarche a déclaré : « On peut affirmer que nous avons les mêmes opinions sur un certain nombre de questions. Et plus précisément sur des questions cruciales dont dépendent les destinées du genre humain. Je pense aux questions de vie spirituelle et morale. Et ici, le rôle des religions traditionnelles, auxquelles nous appartenons, est particulièrement grand. Les valeurs morales ne sont pas aujourd’hui une priorité du développement social. Il suffit de lire n’importe quel programme politique pour se convaincre que les questions de morale sont soit absentes, soit présentes implicitement, soit occupent très peu de place. L’accent est mis sur le succès économique et la résolution de problèmes politiques. La vie intérieure reste en dehors de la sphère d’intérêt des organisations politiques et sociales. La religion, elle, fait du problème de la morale un des thèmes principaux de son ministère et de son témoignage. Les religions traditionnelles sont appelées en tant qu’instituts à conserver les valeurs morales. Et les conflits qui surviennent entre les personnes, les communautés, les peuples et les états ne peuvent pas ne pas inquiéter les représentants des religions traditionnelles : à la base de tout conflit, il y a la destruction des fondements moraux, une certain corrosion morale ».
Appelant la réunion périodique du Conseil interreligieux de la CEI à Erevan un évènement symbolique, le Patriarche a ensuite remercié le Catholicos-Patriarche de tous les Arméniens Garéguine II de son invitation avant de s’adresser au Président arménien, le remerciant de son concours à l’organisation de la réunion.
Le Primat de l’Église apostolique arménienne s’est ensuite exprimé. Il a rappelé les défis auxquels est confronté le monde contemporain. « Dans le contexte des processus contemporains de globalisation et malgré les succès économiques, économiques et culturels, la violence et les guerres suscitent une profonde inquiétude, de même que la crise économique et financière, qui n’est toujours pas réglée, les troubles sociaux et politiques en Afrique du Nord et au Proche-Orient.
«Nous sommes réunis aujourd’hui pour trouver des solutions aux problèmes qui préoccupent nos peuples, a remarqué Garéguine II. Malheureusement ces problèmes sont encore nombreux, ils sont la conséquence des conflits et ont besoin d’être résolu. Parmi eux, le problème du Karabakh (…) Nous sommes heureux que sous la présidence du Patriarche Cyrille de Moscou et de toute la Russie, en parallèle aux réunions du Présidium du Conseil interreligieux de la CEI, aient lieu également des rencontres tripartites des leaders de la région caucasienne. Dans le respect les uns des autres et l’amour fraternel légués et offerts par le Très-haut, nous aspirons à contribuer à la résolution des problèmes entre nos peuples (…) Nous en sommes certains, il n’y a pas d’alternative à la paix, les conflits et les problèmes doivent trouver leur solution au cours de pourparlers pacifiques dans la défense des droits fondamentaux de l’homme et le respect des lois internationales ».
Le Président arménien Serge Sargsian s’est ensuite adressé aux membres du forum. Le sommet qui a lieu à Erevan témoigne de ce que la seule solution aux problèmes du monde contemporain est l’union des forces face aux défis communs, le renforcement de la solidarité indépendamment de l’appartenance religieuse et ethnique, a-t-il souligné (…)
Quant au problème du Karabakh, qu’il a désigné comme « notre grande douleur », Serge Sargsian a remarqué qu’il ne serait résolu que par un processus pacifique.
Le chef de l’état arménien a approuvé le dialogue entre le Patriarche et Catholicos de tous les Arméniens Garéguine II et le cheik-ul-islam Allahsukur Pasa-zade, grâce à la médiation du Patriarche Cyrille de Moscou.
L’ambassadeur de Russie en Arménie, V. Kovalenko, a lu le message du Président de la Fédération de Russie aux membres de la réunion. « Votre coopération est fondée sur le respect des valeurs humaines et des principes de tolérance, sur les traditions de bon voisinage et de collaboration emmagasinées par les peuples de la CEI au cours de son histoire. Ce travail commun est nécessaire à l’éducation morale et spirituelle des jeunes générations et à la résolution des problèmes d’actualité, la résistance à l’extrémisme et au terrorisme… », écrivait-il notamment.
Se sont ensuite exprimé les coprésidents du Conseil interreligieux, le Patriarche Cyrille de Moscou et le cheik-ul-islam Allahsukur Pasa-zade.
S’adressant à l’assistance, le Primat de l’Église orthodoxe russe a dit :
«Notre rencontre d’aujourd’hui est particulièrement importante. Elle intervient en effet à l’heure où la CEI vit des évènements essentiels. Nous sommes aussi les témoins de processus complexes au Proche Orient, en Afrique du Nord (…)
Je suis sincèrement heureux de l’atmosphère d’amitié dont nous sommes entourés à Erevan. Mais, à mon grand chagrin, les bonnes relations des leaders religieux ne font que souligner la solitude et l’isolement de beaucoup de nos contemporains, en particulier ceux qui sont privés de la foi. D’un côté, beaucoup de gens, même les incroyants, constantent que la crise morale, la crise de la personne ont causé une dégradation des relations sociales. D’un autre côté, on n’arrive pas à comprendre comment cela s’est produit. Tout le siècle précédent et le début de celui-ci ont été marqués par le combat pour les droits de l’homme, tandis qu’avaient lieu des changements révolutionnaires dans le domaine de la science, de l’enseignement, de la médecine, de la technique, de l’industrie et au sein de la société.
Les hommes de foi le savent : tous ces biens qui sont le résultat du progrès technique peuvent être aussi néfastes que profitables. La foi, assortie à la conscience, permet de discerner le bien du mal, de comprendre quelle est la limite à ne pas franchir. L’un des plus grands dangers dans la vie de nos contemporains est la perte de la notion de limite. Toute limite peut être franchie, il n’y a plus de frein qui permettraient de se retenir, définis comme normes en dehors des prescriptions de la loi. Mais nous savons que les actes amenant à la violation des lois de l’état mûrissent justement au fond des âmes humaines.
La perte de la foi et la dépravation de la conscience sont lourdes de conséquences. L’homme doté d’une forte volonté mais fou ou fanatique porte le mal à ses proches et à lui-même (…)
L’homme qui se laisse aller aux plaisirs et aux vices commet un mal à première vue moins grave, mais tout aussi mortel pour l’âme. Quelles que soient ses bonnes intentions et son manque de volonté, ce membre de la société devient un trou noir engloutissant des biens terrestres souvent douteux et ne donnant rien en échange. Ainsi, nous voyons qu’une forte volonté, aussi bien que l’absence de volonté, dans certaines conditions, peuvent causer bien des malheurs.
Beaucoup parlent aujourd’hui de la nécessité d’uniformiser les cultures, non seulement en créant un espace économique unique, mais en reconsidérant les opinions religieuses et les traditions populaires. Renoncer à sa volonté, oublier sa foi et renier ses traditions, voilà ce que nous proposent aujourd’hui certains représentants des élites dominantes, brandissant le spectre de l’excommunication du progrès avec les biens matériels et la reconnaissance sociale extérieure qu’il implique.
Pourtant, aucun fidèle ne peut accepter cette proposition. Il a une alternative : une volonté ferme, une foi sincère et une conscience pure formant ensemble le fondement de sa moralité personnelle et socilae. La remise à l’honneur de ce fondement pourrait faire des miracles dans notre monde, changer l’homme, et, en modifiant sa personnalité, guérir de nombreux conflits et de nombreuses maladies de la civilisation moderne.
Nous sommes arrivés au point où il faut absolument déclarer avec fermeté et résolution : seule une évaluation morale et un examen de conscience personnel faisant suite à toutes les décisions importantes des hommes politiques, des pédagogues, des journalistes, des médecins et des scientifiques peut redresser la situation. Chacun doit faire attention à son état spirituel. Toute la société doit réfléchir à sa mentalité. Les religions traditionnelles peuvent et doivent grandement aider dans ce processus. Réveiller la conscience, dire avec fermeté où est le bien, où est le mal, orienter les gens vers la liberté envers le péché et l’observance des idéaux moraux intangibles, telle est la tâche des véritables leaders religieux et de ceux qui sont fidèles à leur foi et portent leur foi au monde.
Nous avons tout lieu de croire que le XXI siècle ne sera pas facile ni sans nuage. De multiples dangers et difficultés menacent nos peuples. Tous les efforts de la machine sociale seront vains face aux défis de la modernité. La seule chose que ce monde sans Dieu est prêt à proposer à l’homme moderne, c’est l’amputation de l’âme échangée contre la promesse de la paix et de la sécurité. Mais c’est promesse n’est qu’un leurre. Nous sommes capables de prendre une autre décision qui permettra à chaque homme de conserver son individualité et à chaque peuple ses particularités culturelles, en même temps que de résoudre les conflits et de parvenir à la concorde. Il faut faire du XXI siècle le siècle du renouveau éthique. Dans ce domaine, les représentants des religions traditionnelles reponsables d’immenses communautés, doivent unir leurs efforts. Parce que si ce n’est nous, qui d’autre le fera ? C’est un singulier défi que l’étape de développement actuelle de la civilisation humaine jette aux chefs religieux et à tous les fidèles.
(…) Le monde se globalise. Autrefois, les religions vivaient chacune dans son aire, le plus souvent au sein des frontières d’états à religion unique. Il y avait des pays orthodoxes, des pays catholiques, des pays musulmans ou boudhistes. Aujourd’hui le monde est entré en mouvement, les gens se déplacent non seulement (…) en touristes, mais aussi pour leurs affaires (…) Les représentants de nos communautés religieuses sont donc amenés à communiquer étroitement. Il était facile de maintenir la paix, interreligieuse y compris, lorsque les religions restaient cloisonnées chacune dans sa zone. Il est plus difficile de la maintenir dans un contexte de diffusion, de compénétration.
Ceci soulève un problème difficile qu’il est nécessaire de résoudre, y compris avec la participation des religions traditionnelles. Il s’agit des courants migratoires. Les communautés religieuses doivent prendre l’initiative de l’éducation des migrants, afin de les aider à s’adapter à un nouveau milieu culturel, afin qu’ils choisissent la coopération, la collaboration et non l’isolement car tout isolement se termine tôt ou tard par une confrontation. C’est pourquoi je trouve la pastorale des migrants particulièrement importante, qui doit les aider à conserver leur foi, leurs mœurs et leurs traditions en même temps qu’à s’adapter aux conditions de vie locales.
Aujourd’hui, des millions de Russes et de russophones vivent à l’étranger. L’Église orthodoxe russe est confrontée à ce défi (…) Je sais que les représentants des communautés religieuses réunis à cette table sont confrontés à des situations analogues (…)
Nous sommes réunis alors que le Proche Orient est particulièrement agité. Je ne donnerai pas d’appréciation politique de la situation, mais je suis très préoccupé par la dimension humanitaire de ce qui se produit (…) Les conséquences les plus dramatiques sont l’anéantissement de la paix interreligieuse, les violations grossières des droits de l’homme, la violence envers les minorités religieuses. Ce qui se passe à un endroit ne peut pas ne pas avoir de répercutions sur les autres.
C’est pourquoi il me semble très important que nous ayons le courage d’élever la voix pour la défense de ceux qui sont persécutés pour leur foi, des minorités, où qu’elles résident, car le risque auquel les gens sont exposés en temps de bouleversements politiques est très grand. Je pense en particulier aux communautés chrétiennes d’Égypte, des pays du Proche Orient et plus particulièrement d’Irak. Je sais cependant qu’à certains endroits les représentants d’autres religions sont également en danger. Je suppose que nous devons être solidaires de tous ceux qui souffrent. J’aimerais remercier une fois encore Votre Sainteté d’avoir organisé cette rencontre, et vous, cher frère, d’avoir participé à sa préparation (…) Que le Seigneur nous aide à accomplir notre devoir. Merci de votre attention. »
Dans son allocution, le chef de la Direction des musulmans du Caucase a souligné l’importance de la rencontre des membres du Conseil interreligieux de la CEI (…) Cheik-ul-islam Allahsukur Pasa-zade a mentionné le rôle du Conseil contre les tentatives visant à semer la discorde entre les peuples et les religions, rappelant son action pacifique.
« L’avènement de la paix est vital et nous, chefs religieux, devons aspirer à la résolution de toutes les situations conflictuelles sur le territoire de la CEI, uniquement par des moyens pacifiques, soutenant autant que possible les leaders politiques, a-t-il déclaré. Le lourd bilan du conflit du Haut-Karabakh continue à peser comme un lourd fardeau sur les épaules du peuple azerbaïdjanais. Les efforts doivent donc être poursuivis tant au niveau local qu’au niveau international. »
D’autres leaders religieux se sont également exprimés, après quoi un communiqué a été adopté à l’unanimité.
***
Le Conseil interreligieux de la Communtauté des États indépendants est une organisation publique créée par les communautés religieuses traditionnelles en mars 2004.
Les fondateurs du Conseil sont : l’Église apostolique arménienne, la Sangha boudhiste traditionnelle de Russie, l’Église orthodoxe de Géorgie, la Direction spirituelle des musulmans de la République du Kazakhstan, la Direction spirituelle des musulmans de la République de Kirghizie, la Direction spirituelle des musulmans de la République du Tadjikistan, la Direction spirituelle des musulmans de la République d’Ouzbéksitan, le Congrès des organisations et associations religieuses juives en Russie, le Centre de coordination des musulmans du Caucase du Nord, l’Église orthodoxe russe, le Conseil des muftis de Russie, la Direction des musulmans du Caucase, la Fédération des communautés juives de la CEI, la Direction spirituelle centrale des musulmans de Russie.
Le Présidium du Conseil comprend 22 membres, dont 9 chrétiens, 8 musulmans, 4 juifs et un boudhiste. Les co-présidents du Présidium sont le Patriarche Cyrille de Moscou et de toute la Russie et le Président de la Direction des musulmans du Caucase, le cheik-ul-islam Allahsukur Pasa-zade.
Entre les réunions du Présidium, la direction du Conseil est assurée par son Comité exécutif.
Le Conseil interreligieux de la CEI a pour vocation de coordonner les actions communes des organisations religieuses traditionnelles de la CEI en vue de l’affermissement de la paix entre les nations et les religions, afin d’atteindre à la concorde et à la stabilité au sein de la société. Le Conseil est appelé à unir les efforts des chefs spirituels dans la lutte contre les défis communs, y compris l’extrémisme et le terrorisme.
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