Le Patriarche Cyrille célèbre la Divine liturgie à l’église Notre-Dame-Joie-de-tous-les-Affligés (Moscou)
Le 6 novembre 2011, 21e dimanche après la Pentecôte et fête de l’icône Notre-Dame-Joie-de-tous-les-Affligés, le Patriarche Cyrille de Moscou et de toute la Russie a célébré la Divine liturgie dans l’église dédiée à cette icône et dite aussi de la Transfiguration du Sauveur, rue Bolchaïa Ordynka à Moscou.
Au cours de la liturgie, le Primat de l’Église russe a présidé la consécration épiscopale de l’archimandrite Goury (Fedorov), sacré évêque d’Arseniev et de Dalnegorsk. Concélébraient le métropolite Juvénal de Kroutitsy et de Kolomna, le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures et recteur de la paroisse, le métropolite Benjamin de Vladivostok et du Primorie, l’évêque Serge de Solnetchnogorsk, chef du secrétariat administratif du Patriacat de Moscou, l’archiprêtre Vladimir Divakov, secrétaire du Patriarche de Moscou et de toute la Russie pour la ville de Moscou, l’archiprêtre Nicolas Kretchetov, l’archiprêtre Nicolas Balachov, l’higoumène Philarète Boulekov, l’higoumène Savva Toutounov, des clercs du diocèse de Vladivostok et de Moscou.
La liturgie était chantée par le chœur synodal de Moscou et le chœur des garçons de l’école A. Svechnikov.
Plusieurs personnalités et représentants du monde des affaires assistaient à l’office.
Au cours de la liturgie, le Patriarche a prié pour la santé du métropolite Vladimir de Kiev et de toute l’Ukraine, gravement malade.
A l’isue de l’office, le Primat de l’Église russe s’est recueilli devant l’icône miraculeuse « Notre-Dame-joie-de-tous-les-affligés ». Il s’est ensuite adressé à l’évêque Goury, lui remettant la crosse épiscopale. Suivant la tradition, le nouveau hiérarque a donné sa première bénédiction aux fidèles assemblés.
Le métropolite Hilarion de Volokolamsk a ensuite salué le Primat, lui remettant au nom du clergé et des paroissiens de l’église une icône ancienne de saint Alexis, métropolite de Moscou, ainsi que des vêtements sacerdotaux inspirés du dessin de cette antique image.
A l’issue de la liturgie, le Primat de l’Église russe s’est adressé aux fidèles :
Éminences révérendissimes, Éminences, cher Mgr Hilarion,
J’aimerais vous remercier cordialement de votre chaleureux discours et de ce magnifique présent : cette icône de saint Alexis, métropolite de Moscou et ces habits sacerdotaux réalisés suivant le modèle représenté sur cette icône.
L’Église est en effet invitée à garder la tradition pour une raison bien simple : dans l’Église l’homme s’inscrit hors du temps. Nous disposons de plusieurs moyens pour nous replonger dans le passé. Par exemple, nous pouvons lire un livre ou regarder un film historique. Nous ne sommes alors cependant que spectateurs du passé. Dans l’Église, l’homme, par la puissance de l’Esprit Saint cesse d’être spectateur pour devenir participant de l’œuvre de salut du Seigneur, de ce qu’Il a accompli et de ce qui est à venir : Sa naissance, Sa vie, Sa mission, Sa passion, Sa mort et Sa résurrection, Son ascension à la droite de Dieu le Père, Son second et glorieux avènement.
Dans l’Église, par la puissance de l’Esprit Saint, nous qui sommes limités et faibles, nous communions par les Saints Sacrements à l’éternité, nous communions à ce qui fut, à ce qui est, à ce qui sera. Dans l’Église, par la puissance de l’Esprit Saint, le Royaume de Dieu nous est ouvert. Et ce n’est pas un hasard si au début de chaque célébration du principal sacrement de l’Église, le sacrement de la Sainte eucharistie, nous proclamons : « Béni est le règne du Père, du Fils et du Saint Esprit », parce que par la puissance de l’Esprit Saint, par la prière des fidèles dans l’Église, dans la communauté de la foi, le Royaume de Dieu se découvre à nous.
Nous touchons à ce Royaume, nous ne faisons que le toucher, mais nous vivons dans ce monde pécheur. Nous ne vivons pas toujours suivant la loi de Dieu, mais bien souvent suivant la loi des passions et la loi du péché. Bien souvent, la sensation fugitive du Royaume de Dieu dans la Divine liturgie, qui éveille en nos cœurs joie, paix et quiétude passe rapidement, s’évanouit, et nous nous retrouvons face à face avec le péché, les passions, les afflictions…
Mais le Seigneur nous donne la possibilité de toucher en permanence à Son royaume céleste et éternel au moyen de la prière. La prière est très puisante, mais pour que la prière nous unisse réellement à Dieu il y a une condition. Une condition qu’il faut à tout prix observer pour qu’Il réponde à notre prière.
Dans le passage de l’Évangile selon saint Luc de ce jour, le Seigneur nous propose la parabole du riche et de Lazare (Lc 16, 19-31). C’est l’un des rares passages de l’Écriture sainte à nous découvrir le mystère de la vie outre-tombe. Les mots, les connaissances et les catégories de pensée humaines sont sans doute impuissantes à exprimer ce qu’est le monde après la mort physique. C’est pourquoi le Seigneur emploie pour ses auditeurs un langage qui leur est familier. Il leur raconte l’histoire d’un homme riche qui vivait suivant son bon plaisir et du pauvre Lazare affamé, couché couvert de plaies à la porte du riche. Après sa mort, le pauvre Lazare, celui qui était couvert de plaies, humilié, impuissant, se retrouve dans le sein d’Abraham, dans le Royaume des cieux, tandis que le riche, l’homme qui a réussi se retrouve en enfer.
Réfléchissant à cette parabole, saint Cyprien de Carthage a prononcé une homélie reprise plus tard par saint Basile le Grand. Ces homélies nous aident à comprendre quelle est la condition pour que Dieu écoute notre prière (…) et peuvent être reformulées ainsi : Agis envers les autres comme tu voudrais que Dieu agisse envers toi. C’est pourquoi le Seigneur nous apparaît sous les traits de notre prochain. Si nous sommes indifférents aux chagrins des autres, si notre cœur est sourd aux afflictions humaines, ne voit pas les besoins des hommes, notre prière est vaine, c’est en vain que nous pleurons, ce ne seront que des larmes de crocodile, des larmes sur nous-mêmes, des larmes qui n’agréent pas à Dieu. Notre prière doit accompagner l’aide que nous apportons à no proches, notre amour pour eux. C’est alors que nous rejoindrons Lazare dans le sein d’Abraham, que le Seigneur entendra notre supplication.
Tout le mystère de la vie spirituelle est basée sur cette dépendance exprimée par saint Cyprien. Il n’y a pas de prière sans bonnes actions, il n’y a pas d’espérance de salut sans bonnes actions, car sans bonnes actions notre foi est morte (cf Jc 2, 17).
Et lorsque nous venons dans cette église avec nos chagrins, lorsque nous fléchissons le genou devant l’image de Notre-Dame-joie-de-tous-les-affligés, lorsque vous implorez la Reine des cieux de vous aider dans nos difficultés, souvenez-vous de cela : « avez-vous toujours aidé les affligés ? N’êtes-vous passés froidement, avec indifférence, à côté de ceux qui demandaient votre aide ? Peut-être vous étiez-vous même justifiés, à quoi bon les aider, ils sont ceci-cela, inutile de perdre nos forces d’âme et notre temps… Mais alors pourquoi la Mère de Dieu devrait-elle nous aider ? Seulement parce que nous pleurons devant son icône à cause des douleurs que causent à notre cœur les circonstances de la vie ? Est-ce suffisant ? Saint Cyprien nous montre que non, ce n’est pas suffisant.
C’est pourquoi les paroisses orthodoxes, les communautés orthodoxes qui célèbrent la Sainte Eucharistie qui touche au Royaume de Dieu par la puissance de l’Esprit Saint, doivent être des lieux de miséricorde, de charité, d’amour actif, avant tout envers les paroissiens dans le besoin, ceux qui sont à côté de nous. Ceux qui ne mangeront peut-être pas aujourd’hui après la Divine liturgie. Ceux qui trembleront peut-être de froid dans leur mauvais vêtement. Ceux qui vivent on ne sait comment. Souvent les gens qui viennent à l’église sont seuls et n’ont pas ce qu’ont les autres car ils viennent ici chercher de l’aide. Et le Seigneur ne peut leur venir en aide qu’à travers nous, par nos mains. Lorsque nous avons répondu par la miséricorde à la douleur et à la souffrance d’un autre, nous acquérons la possibilité d’être entendu de Dieu, de Sa Mère très-pure et de recevoir selon notre prière.
(…) Lorsque nous nous engagerons sur la voie des bonnes actions, que le Seigneur nous donne la joie de sentir sa présence réelle dans notre vie. Et que ce sentiment affermisse en nous la foi et la décision de faire le bien pour la gloire de Son saint nom. Amen. »